Page précédente Table des matières Page suivante


Annexe 4 - Exemples de fabrication et règles d'utilisation des blocs multinutritionnels

Les blocs étant utilisés comme supplément essentiellement pendant la saison sèche, il est conseillé de commencer à les fabriquer en tout début de celle-ci. L'humidité de l'air pendant la saison humide (hivernage) est élevée, cette période n'est donc pas favorable à la fabrication des blocs multinutritionnels dont les composants sont hygroscopiques. Toutefois, il a été observé que l'incorporation de 20% d'argile permettait de réduire cet inconvénient. L'unité de fabrication de blocs du Cambodge a pu fonctionner de façon régulière pendant toute la saison humide de 1993 sans difficulté.

I La fabrication

Quelle que soit la formule employée, les étapes de la fabrication restent les mêmes. Ce sont, la pesée des composants, le mélange, le moulage et le séchage.

A - Exemple de formule développée au Cambodge

1 Formule

Ingrédients

(p.100 kg brut)

Son de riz (de mil ou de sorgho)

35.0

Mélasse de canne

20.0

Urée engrais (46 N)

7.5

Sel

7.5

Chaux éteinte

5.0

Ciment

5.0

Argile

20.0

Quantité totale d'eau (l)

10

2 Equipement

Le matériel suivant est indiqué pour la préparation de quantités de l'ordre de 100 kg: arrosoirs, seaux, fûts et demi-fûts, pelles, fourches, spatules en bois, pesons à ressort, moules en bois, dame,...Pour des petites quantités de l'ordre de 10 kg, le paysan peut utiliser un matériel plus simple, disponible localement, comme on le verra dans le cas du Niger.

3 Etapes de préparation du mélange (100 kg)

La technique de préparation est la même que pour des plus petites quantités (respectant la formule ci-dessus).

a) 20 kg d'argile sèche et 5 kg de chaux sont laissés à tremper dans la quantité d'eau nécessaire (10 l) pendant une nuit. Si l'argile est mouillée il convient de réduire la quantité d'eau. Le mélange est réalisé dans un demi-fût.

b) 20 kg de mélasse sont versés dans un autre demi-fût; on y ajoute 7.5 kg d'urée que l'on mélange en malaxant soigneusement avec une spatule en bois pendant cinq à dix minutes. Il faut éviter l'agglomération de l'urée en grumeaux qui peuvent être responsables d'intoxications. On ajoute alors le sel (7.5 kg). Ce dernier met plus longtemps à se mélanger à la mélasse (15 minutes environ) que l'urée. On ajoute ensuite la quantité de ciment nécessaire (5 kg). Ce dernier se mélange facilement.

c) Le mélange "mélasse-sel-urée-ciment", bien homogénéisé, est ensuite versé dans le demi-fût contenant l'argile, la chaux et l'eau. L'ensemble est soigneusement malaxé jusqu'à l'obtention d'une pâte homogène.

d) La quantité de son (35 kg) est disposée au sol (photo 30), sur une aire cimentée ou couverte de plastique, en tas circulaire au milieu duquel on pratique un creux dans lequel on verse progressivement le mélange © préparé plus haut. Le son est alors intimement mélangé à ce dernier à l'aide de pelles (et/ou de fourches) comme pour la préparation du mortier et du béton de maçonnerie (photo 31) jusqu'à l'obtention d'une pâte homogène et cohérente (boules ne se désagrégeant plus quand on la presse manuellement). En cas de désagrégation on peut alors remettre un à deux litres d'eau sur le mélange et continuer le malaxage.

Photo 30: préparation des blocs multinutritionnels à base de son de riz et de mélasse (Cambodge). Photo. Kayouli.

Photo 31: préparation des blocs multinutritionnels à base de son de riz et de mélasse (Cambodge). Photo. Kayouli.

Cette opération de malaxage peut également être réalisée à l'aide d'une bétonnière. Cependant nous avons constaté dans plusieurs essais que le mélange peut ne pas être parfaitement homogène en raison de la formation de boules ou grumeaux secs de son non humectés à l'intérieur. En outre, une partie non négligeable du mélange peut adhérer aux parois de la bétonnière sans retomber. Il est possible de remédier à ce phénomène, appelé voûtement, en réduisant la vitesse de rotation de la bétonnière. Nous avons observé que la durée totale (environ 45 mn) des opérations de préparation du mélange et de malaxage est pratiquement la même qu'elles soient manuelles ou mécanisées.

4 Moulage

Le mélange obtenu est alors introduit dans des moules individuels. Le moule, cubique (20 x 20 x 20 cm), est constitué de quatre planches de bois (photos 32, 33 et 34) dans lesquelles on a pratiqué des entailles permettant de les assembler pour le moulage et de les désolidariser pour le démoulage. Le mélange pâteux est fortement tassé dans le moule à l'aide de manches en bois et de dames assez lourds (photos 33 et 34). Des moules plus simples comme des demi-seaux, des boites coupées ou tous autres récipients, disponibles localement, peuvent également être utilisés. Le démoulage est facilité en tapissant préalablement l'intérieur de ces moules avec des feuille de plastique de récupération (sacs déchirés, etc,...) qui peuvent être utilisés plusieurs fois.

Photo 32: préparation des blocs multinutritionnels en petites quantités (Cambodge). Photo. Kayouli.

Photo 33: préparation des blocs multinutritionnels en petites quantités (Cambodge). Photo. Kayouli.

Photo 34: préparation des blocs multinutritionnels en petites quantités (Cambodge). Photo. Kayouli.

5 Démoulage et séchage

Les blocs sont alors démoulés et disposés sur une aire de séchage, de préférence à l'ombre (photo 35) car le soleil peut provoquer des fissures dans les blocs. Les blocs sont secs et prêts à la distribution au bout d'une dizaine de jours de séchage. Des blocs de 8,5 à 10 kg une fois sèches peuvent être réalisés avec ce type de moules. L'unité de production de blocs au Cambodge compte trois ouvriers et un responsable et produit 800 kg de blocs par jour (7 h de travail). Cette technique, simple, est adaptée à la fois à la fabrication artisanale par le paysan et à la production de quantités importantes de blocs destinés à la commercialisation ou à des situations d'urgence. Cependant, la formule fait intervenir plusieurs composants dont l'acquisition n'est pas toujours facile dans certaines régions où la trésorerie du paysan ne permet pas l'achat de tous les produits.

Photo 35: séchage, à l'ombre, des blocs multinutritionnels après démoulage (Cambodge). Photo. Kayouli.

B - Exemple de formule développée au Niger

La technique, simple et très peu coûteuse, a été introduite en janvier 1994 et a été adoptée rapidement par plusieurs paysans du Niger. Les blocs obtenus présentent une bonne cohésion et sont suffisamment durs. Ils commencent à être commercialisés, en particulier par les femmes, sur le marché local.

1 Formule

Ingrédients

(p.100 kg brut)

Son de riz

65

Urée engrais (46 N)

10

Sel

10

Ciment

15

Quantité totale d'eau (l)

30 à 50

2 Equipement

Le matériel est simple. Les dosages s'effectuent à l'aide de récipients disponibles localement, étalonnés au préalable: calebasse, récipients en plastique, boite vide de sucre en morceaux en carton, boîte de conserve, etc...

3 Etapes de préparation du mélange (10 kg)

La technique est la même pour des quantités plus importantes (même formule).

a) Le son (6,5 kg) est soigneusement mélangé avec le ciment (1.5 kg) dans un grand récipient.

b) Le sel (1 kg) est mélangé avec l'urée (1 kg) dans un autre récipient où ils sont mis en solution dans 4 à 5 l d'eau.

c) La solution d'urée et de sel est ensuite aspergée progressivement à la main sur le mélange son-ciment qui est soigneusement malaxé manuellement.

4 Moulage

Lorsque le mélange est correctement pétri il est introduit par petites quantités successives dans le moule (boîte de conserve) et bien tassé à la main (photos 36 et 37).

Photo 36: préparation de blocs multinutritionnels à l'échelle artisanale au Niger. Photo. Kayouli.

Photo 37: préparation de blocs multinutritionnels à l'échelle artisanale au Niger. Photo. Kayouli.

5 Démoulage et séchage

Le mélange ainsi tassé est démoulé immédiatement puis mis à sécher à l'air libre (photo 38) pendant 7 à 10 jours à l'ombre jusqu'à ce que le bloc présente une dureté suffisante pour le transport et la résistance au léchage (éviter qu'il soit encore friable, il pourrait être croqué par les animaux).

Photo 38: préparation de blocs multinutritionnels à l'échelle artisanale au Niger. Photo. Kayouli.

NB dans le cas de blocs de plus grande taille (supérieurs à 3 kg) il est recommandé, pour faciliter le démoulage, de mouiller préalablement les parois du moule ou de le tapisser d'une feuille de plastique.

Photo 39: boeufs au labour dans les rizières (Madagascar). Photo. Chenost.

Des blocs insuffisamment durcis et friables peuvent résulter,

· d'erreurs dans les doses (dont manque d'eau),
· d'une mauvaise homogénéisation du mélange,
· d'un tassement insuffisant,
· d'un liant de mauvaise qualité: ciment trop vieux, impureté de l'argile (présence de sable),
· d'une mauvaise dissolution de certains ingrédients (urée, sel, chaux,...).

Si malgré le respect de ces éléments la friabilité persistait, augmenter la quantité de liant.

Les blocs peuvent être conservés à l'abri de l'humidité plusieurs mois, voire deux ou trois ans. Nous avons remarqué que la dureté des blocs augmente avec leur durée de stockage. Leur composition chimique varie très peu.

II Règles d'utilisation des blocs multinutritionnels (SANSOUCY; 1986)

Les blocs constituent une complémentation de saison sèche qui peut même se prolonger jusqu'en début d'hivernage. La distribution de blocs en complément d'une ration de base riche en fourrages verts serait un gaspillage. Ils peuvent être distribués aux animaux nourris à base de fourrages traités à l'ammoniac ou à l'urée. Toutefois, dans ce cas, il est conseillé de supprimer ou de réduire l'urée dans les blocs à un maximum de 5% pour éviter les risques d'intoxication. Mais l'intérêt économique est alors à considérer.

Le mode de présentation des blocs dépend du système d'alimentation. Si les animaux pâturent dans la journée, les blocs doivent être donnés le soir après leur retour. Dans le cas où les animaux ne sortent pas et restent entravés (cas de l'embouche, des animaux de trait,...) et alimentés à l'auge, on peut laisser les blocs à leur disposition pendant toute la journée.

Lorsque le stock de blocs multinutritionnels est limité, il est conseillé de les distribuer par ordre de priorité:

· aux animaux très fatigués qui ne peuvent pas suivre le troupeau,
· aux boeufs de trait qui doivent être en bon état pour le démarrage des travaux de culture,
· aux vaches laitières.

Enfin, rappelons que les blocs contiennent de l'urée qui peut être toxique; il convient par conséquent de respecter les règles suivantes:

1. La distribution des blocs est réservée aux ruminants (bovins, buffles, ovins, caprins, camélidés). Seuls les ruminants sont en effet capables d'utiliser l'urée dans les blocs, grâce aux microbes de leur rumen. Les blocs ne seront par conséquent pas distribués aux porcins et aux équins.

2. Les blocs sont à utiliser comme complément et non comme aliment de base. Les blocs multinutritionnels sont des compléments "catalytiques" permettant de mieux valoriser les fourrages pauvres ingérés par les ruminants mais pas de les remplacer. Un minimum de fourrages grossiers dans le rumen est indispensable. Il est, par conséquent, exclu de donner des blocs à un animal affamé dont la panse est vide car il risque de s'intoxiquer par suite d'une consommation excessive d'urée.

3. Il convient de respecter une période de transition et de ne présenter les blocs aux animaux que progressivement sur une à deux semaines pour permettre aux microbes du rumen de s'adapter à ce nouveau complément contenant l'urée. On ne mettra donc les blocs à disposition des animaux que quelques heures (2 à 4 h) par jour. En cas de refus il est conseillé d'ajouter un peu de son ou un produit appétissant sur le bloc pour mieux habituer l'animal, comme le font par exemple les paysans du Cambodge. Une fois adaptés, les animaux limiteront eux-mêmes leur consommation, les blocs pourront alors être laissés en libre service.

Les quantités ingérées dans la majorité des contrôles effectués chez les paysans sont de l'ordre,

· pour les bovins et les buffles adultes, de 400 à 800 g/jour;
· pour les petits ruminants, ovins et caprins, de 100 à 250 g/jour;
· pour les camélidés, de 300 à 500 g/jour.

En cas d'ingestion très faible ou exagérée, il est conseillé d'examiner la dureté des blocs. On peut la corriger en modifiant le taux de liant dans la formule: ajouter du liant pour durcir, en retirer pour amollir.

4. La distribution des blocs doit être effectuée de façon régulière et continue afin d'éviter les à coup d'adaptation de la flore microbienne du rumen qui est en effet de deux semaines environ à chaque reprise de la distribution.


Page précédente Début de page Page suivante