CFS:2004/2-Rev.1


COMITÉ DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE MONDIALE

Trentième session

Rome, 20 - 23 septembre 2004

ÉVALUATION DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE MONDIALE

Table des matières



I. INTRODUCTION

1. L’Équipe spéciale du Projet du Millénaire sur la faim1 estime qu’à l’échelle mondiale environ 50 pour cent des gens qui souffrent de la faim vivent en milieu agricole; que 22 pour cent sont des ruraux sans terre alors que 20 pour cent sont des citadins; et que 8 pour cent dépendent directement des ressources naturelles pour leur survie. Ces chiffres viennent confirmer le bien-fondé des appels que la FAO, depuis longtemps, lance en faveur de l’accroissement et de la stabilité des investissements dans les secteurs agricole et rural. Dans les pays en développement, il est impératif que la lutte contre la faim vise la population rurale.

2. La qualité de l’alimentation sous-tend les progrès accomplis en regard des six premiers objectifs du Millénaire pour le développement2; c’est dire qu’on ne saurait atteindre ces objectifs à moins de faire reculer la faim. Les faits montrent qu’une bonne nutrition atténue la pauvreté en favorisant une plus grande productivité la vie durant, et d’une génération à l’autre; qu’elle aide à la réussite scolaire; que la situation des femmes tend à s’améliorer quand la malnutrition régresse; que la malnutrition est liée à plus de 50 pour cent des décès d’enfants; qu’elle contribue directement aux problèmes de santé des mères; et qu’une bonne alimentation retarde l’apparition des symptômes du SIDA chez les personnes qui ont contracté le VIH, et améliore les taux de survie à la malaria tout en diminuant les risques de maladies chroniques liées au régime alimentaire.

3. La situation de la sécurité alimentaire mondiale est examinée ici dans le contexte de ses trois dimensions principales: la disponibilité des denrées, l’accès et la stabilité. Le commerce est examiné comme un sujet à part, vu le rôle qu’il peut jouer dans la promotion de la sécurité alimentaire des pays en développement, conformément à la demande formulée par le Comité à sa dernière session.

A. SITUATION ACTUELLE

4. Selon les estimations de la FAO3, il y avait quelque 842 millions de personnes sous-alimentées dans le monde durant la période triennale 1999/2001– soit 10 millions dans les pays industrialisés, 34 millions dans les pays en transition et 798 millions dans les pays en développement. Alors que ce nombre avait chuté de 37 millions entre 1990 et 1995 dans le monde en développement, il est remonté de 18 millions au cours de la deuxième moitié de la décennie. Pour ce qui est des pays en transition, les dernières données indiquent une hausse globale de 9 millions de personnes sous-alimentées entre les périodes 1993/95 et 1999/2001.

5. À l’échelle des régions, seule l’Amérique latine et les Caraïbes ont vu décroître leur population sous-alimentée depuis le milieu des années 90. Et seulement 19 pays, dont la Chine, ont affiché des baisses à ce chapitre (80 millions de personnes au total) durant la décennie entière. Dans 22 pays, parmi lesquels le Bangladesh, Haïti et le Mozambique, les progrès ne se sont manifestés que durant la seconde moitié de la période.

6. En revanche, dans 17 autres pays, les populations sous-alimentées se sont remises à augmenter après avoir enregistré un déclin. Toujours durant la période visée, 60 millions d’habitants de 26 autres pays sont venus gonfler les rangs des personnes qui manquent de nourriture.

7. Les progrès réalisés à l’égard de l’objectif du Sommet mondial de l’alimentation – diminuer de moitié d’ici 2015 le nombre des personnes sous-alimentées – varient beaucoup selon les pays et les régions. Plus des trois quarts des 122 pays en développement ou en transition pour lesquels des données comparables existent ont pris du retard ou pis, s’écartent maintenant de l’objectif. Le tableau 1, basé sur les estimations du SOFI 2003 décrivant les résultats par pays en 1999/2001, résume la situation selon les régions. Trente et un pays sont sur la bonne voie ou ont déjà réussi à réduire de moitié leur population sous-alimentée par rapport à la période de référence (1990/92), 27 pays prennent du retard ou accusent un recul, tandis que 49 s’écartent de l’objectif. Dans cette dernière catégorie, il faut noter que la situation s’est considérablement dégradée.

Tableau 1: Résultats de la lutte contre la faim, par région4

A réussi

Sur la bonne voie

Prend du retard

Accuse un recul

S’écarte de l’objectif

Total

Afrique subsaharienne

1

1

2

14

19

37

Proche-Orient et Afrique du Nord

3

0

1

4

9

17

Asie de l’Est et Pacifique

1

4

5

0

3

13

Asie du Sud

0

0

3

0

2

5

Amérique latine et Caraïbes

7

1

4

3

9

24

Pays en transition

13

0

0

6

7

26

25

6

15

27

49

122

B. PERSPECTIVES DE LA CAMPAGNE AGRICOLE 20045

8. Selon les prévisions les plus récentes de la FAO, la production mondiale de céréales atteindrait 1 956 millions de tonnes en 2004, une nette augmentation par rapport à l’année précédente. Par contre, et en dépit d’une hausse de l’utilisation qui devrait être modeste, on s’attend à ce que la campagne commerciale de 2004/05 débouche sur une cinquième ponction en autant d’années dans les réserves mondiales de céréales.

9. Les premières prévisions de l’Organisation concernant le volume du commerce céréalier mondial en 2004/05 le situent à 229,7 millions de tonnes, soit 3 pour cent de moins que l’an dernier. Cette baisse est surtout attribuable au succès prévu des récoltes dans les pays importateurs « habituels », ainsi qu’à un solide redressement de la production en Europe. En ce qui a trait au riz, des approvisionnements serrés dans les principaux pays exportateurs pourraient réduire les échanges.

10. Après plusieurs mois de mouvement à la hausse, les cours internationaux de la plupart des céréales se sont détendus quelque peu au cours des dernières semaines grâce aux perspectives généralement favorables concernant les récoltes de 2004 et, dans le cas du riz, à la mise sur le marché de réserves nationales par les gouvernements de Chine et de Thaïlande.

II. SUIVI DES PRINCIPALES DIMENSIONS DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

A. DISPONIBILITÉ ET STABILITÉ DES APPROVISIONNEMENTS

Indicateurs concernant la situation céréalière mondiale

11. Vu l’importance des céréales dans le panier alimentaire mondial6, la FAO s’appuie sur une série de sept indicateurs pour examiner l’évolution des marchés céréaliers. Ces indicateurs, qui font annuellement l’objet d’un rapport soumis au Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA), figurent au tableau 2. Ce sont:

Figure 1: Indice mondial stocks-utilisation

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  • Le rapport entre les stocks et l’utilisation à l’échelle mondiale. Cet indicateur met en rapport les stocks de report mondiaux à la fin des campagnes de commercialisation de 2005 et l’utilisation prévue sur la base des tendances en 2005/06. Si l’on se fie aux dernières prévisions (mai 2004), il chutera à 18 pour cent environ, comparativement à la moyenne de 20 pour cent inscrite en 2003/04 et de 31 pour cent rapportée antérieurement. La tendance à la baisse observée dans le rapport stocks/utilisation
est attribuable en premier lieu aux grosses ponctions effectuées dans les réserves chinoises. La Chine exclue du total mondial, l’indicateur décline quand même mais de façon moins prononcée, passant de 14,7 à 14,2 pour cent; comme on le voit sur la figure 1 cependant, même en écartant  la Chine il a baissé appréciablement en 2002/03 et 2003/04, cela en raison de la diminution des réserves en Inde, aux États-Unis et dans plusieurs pays de la Communauté des États indépendants. Il faut en conclure que, si important que soit le rôle de la Chine dans la réduction globale des approvisionnements mondiaux observée depuis quelques années, il ne doit pas faire oublier celui d’autres grands pays céréaliers dont les stocks se sont également rétrécis. En fait, la hausse rapide des cours durant la campagne 2003/04 est due davantage au resserrement des approvisionnements dans ces pays qu’à la position de la Chine.

Tableau 2: Variations de certains indicateurs des marchés céréaliers

Moyenne
1997/98 – 2001/02

2002/2003

2003/2004

Prévisions 2004/2005

1. Rapport stocks/utilisation

 

 

 

 

Blé

40,2

33,0

25,6

22,6

Céréales secondaires

24,0

16,9

14,4

12,9

Riz

36,3

28,3

25,0

23,3

Céréales (total)

31,4

24,2

20,0

18,1

2. Rapport entre les disponibilités des cinq grands exportateurs et les besoins normaux des marchés

1,22

1,09

1,16

1,27

3. Stocks de clôture en pourcentage de l’utilisation totale des disponibilités des grands exportateurs

Blé

19,9

18,1

17,8

16,8

Céréales secondaires

16,3

12,6

9,6

8,6

Riz

52,8

44,8

38,0

35,5

Céréales (total)

29,7

25,1

21,8

20,3

 

Indice de croissance
annuel prévu

Variation par rapport à l’année précédente, en pourcentage

1994-2003

2002

2003

Prévisions 2004

4. Variations de la production céréalière mondiale

0,65

-3,79 

2,80

3,68

5. Variations de la production céréalière dans les PFRDV

0,84

-2,29

2,33

2,54

6. Variations de la production céréalière dans les PFRDV, à l'exclusion de la Chine et de l’Inde

2,55

2,18

8,09

-0,32

 

 

Variation par rapport à l’année précédente, en pourcentage

 

 

2001/02

2002/03

2003/04

7. Indices de prix céréaliers 

 

 

 

 

Blé (juillet/juin)

2,7

21,3

-1,8

Maïs ((juillet/juin)

4,8

18,6

6,4

Riz (janv./déc.)

-3,9

14,7

37,9


Notes:
Utilisation désigne l’ensemble des usages, notamment l’alimentation humaine et animale.
Les céréales comprennent le blé, les céréales secondaires et le riz; les grains comprennent le blé et les céréales secondaires.
Les principaux pays exportateurs de céréales sont l’Argentine, l’Australie, le Canada, l’Union européenne et les États-Unis; les principaux exportateurs de riz sont la Chine, le Pakistan, la Thaïlande, les États-Unis et le Viet Nam.
Les besoins normaux des marchés pour les principaux exportateurs de céréales désignent la somme moyenne de l’utilisation interne et des exportations durant les trois campagnes précédentes.
L’utilisation totale désigne l’utilisation interne plus les exportations relatives à n’importe quelle campagne donnée.
L’indice du prix du blé est fondé sur celui du International Grains Council, actualisation juin/juillet 1997/98-1999/00=100; pour le maïs, l’indice est calculé selon le prix du maïs U.S. no. 2 Yellow livré dans les ports américains du Golfe du Mexique (juin/juillet 1997/98-1999/00=100); pour le riz, c’est l’indice de la FAO (1998-2000=100), établi à partir d’un relevé de 16 prix d’exportation qui sert de référence; pour l’année 2003/04, on s’est basé sur la moyenne des prix de certains produits depuis le début des campagnes jusqu’en mai 2004. Les cours du riz sont ceux de la deuxième année indiquée.

Tendances en matière de disponibilité

12. D’une façon générale, la situation alimentaire s’est beaucoup améliorée dans le monde en développement au cours de la dernière décennie. Comme l’indique le tableau 3, la plupart des régions ont atteint entre 1990/92 et 1999/01 un rythme d’accroissement annuel régulier du nombre de kilocalories disponibles par habitant. La région de l’Asie et du Pacifique vient en tête à ce chapitre, suivie de celle de l’Amérique latine et des Caraïbes. Même l’Afrique subsaharienne a affiché durant cette période une croissance annuelle de ses disponibilités vivrières par habitant. Mais pendant que le Tchad, le Ghana, la Guinée et la Namibie contribuaient à la hausse des moyennes pour la région, la République démocratique du Congo et le Libéria enregistraient durant la même période d’importants reculs. Les approvisionnements ont également diminué dans la région constituée du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord, principalement en raison des conflits qui sévissent en Afghanistan et en Iraq; il est à noter, toutefois, que les réserves de denrées y demeurent les plus fortes de toutes les régions en développement. Quant aux pays en transition, ils ont accusé eux aussi une réduction de leurs disponibilités alimentaires moyennes par habitant, déclin attribuable surtout aux importantes pénuries observées au Kirghizistan, en République de Moldova, au Tadjikistan et en Ouzbékistan.

Tableau 3: Tendances en matière de disponibilités alimentaires dans les régions en développement

Région

kcal/personne/jour

Augmentation annuelle moyenne du nombre de kcal/personne/jour (1990-2001), en pourcentage

1990-92

1999-01

Pays en développement

2 535

2 677

0,49

Asie et Pacifique

2 522

2 702

0,61

Amérique latine et Caraïbes

2 707

2 842

0,47

Proche-Orient et Afrique du Nord

2 972

2 951

-0,17

Afrique subsaharienne

2 185

2 255

0,45

Pays en transition

2 939*

2 886*

-0,23*


Source: FAO, La Situation mondiale de l’alimentation et de l’agriculture, 2004.
*Les données pour ces pays concernent les périodes 1993-95 et 1999-01.

13. De toutes les régions en développement, c’est l’Afrique subsaharienne qui affiche le déficit alimentaire par habitant le plus élevé. Les principaux obstacles à l’augmentation de la production vivrière y sont la médiocrité des actifs naturels dont disposent la majorité des agriculteurs africains, et les difficultés d’accès aux connaissances et aux technologies qui leur permettraient de gagner un revenu en dépit de ces contraintes.

B. ACCÈS AUX DENRÉES ALIMENTAIRES

14. La vigueur de la croissance économique dans la région de l’Asie et du Pacifique (voir tableau 4) a fait baisser le nombre total des personnes en état de dénuement extrême dans l’ensemble du monde en développement. Mais cela ne doit pas faire oublier que l’Afrique, l’Amérique latine, l’Europe de l’Est et l’Asie centrale sont encore très loin de l’Objectif du millénaire pour le développement, soit la réduction par moitié de leur niveau de pauvreté d’ici 2015. Selon les chiffres de la Banque mondiale, l’Asie de l’Est et du Sud, en particulier la Chine et l’Inde, ont abaissé de 500 millions en 20 ans le nombre de leurs habitants vivant dans une pauvreté extrême (c’est-à-dire disposant de moins d’un dollar EU par jour pour vivre)7. Au cours de cette période, la population de gens extrêmement pauvres est passée pour l’ensemble des pays en développement de 1,5 milliard à 1,1 milliard.

Tableau 4: Pauvreté et croissance économique comme indicateurs de l’accès à la nourriture

Région

Nombre de personnes disposant de moins de 1 $ EU par jour (1999)

Croissance annuelle moyenne du PIB par habitant, en pourcentage (1990-2001)

En millions

En pourcentage

Pays en développement

1 169

23,2

3,9

Asie et Pacifique

767

23,5

5,3

Amérique latine et Caraïbes

57

11,1

1,3

Proche-Orient et Afrique du Nord

6

2,2

1,3

Afrique subsaharienne

315

49

0,45

Pays en transition

*

*

-1,9


Source: FAO, La Situation mondiale de l’alimentation et de l’agriculture, 2004 et Banque mondiale, Objectifs du Millénaire pour le développement (http://www.developmentgoals.org/Poverty.htm).
* Données non disponibles.

15. En revanche, la pauvreté extrême a progressé en Afrique subsaharienne; elle touchait 46 pour cent de la population en 2001, contre 41 pour cent en 1981, soit 140 millions de personnes de plus. Pendant cette même période, le nombre d’habitants d’Europe de l’Est et d’Asie centrale disposant de moins de deux dollars EU par jour pour vivre grimpait de huit millions en 1981 à plus de 100 millions en 1999, pour redescendre à 90 millions en 2001. Les taux de pauvreté ont baissé dans la plupart des régions, sauf les économies en transition d’Europe, d’Asie centrale et de l’Afrique subsaharienne. C’est l’Asie du Sud qui compte le plus de gens pauvres en nombres absolus; en pourcentage le premier rang est occupé par l’Afrique subsaharienne.

16. Les PFRDV sont les plus vulnérables sur le plan alimentaire en raison de l’insuffisance de leurs revenus et de l’obligation où ils sont d’importer des vivres. Ceux parmi eux qui sont fortement tributaires des revenus d’exportation d’une seule denrée de base affichent un taux élevé de sous-alimentation (36 pour cent)8; la pauvreté et l’insécurité alimentaire qui les frappent sont à la fois étendues et profondes. La dépendance de ces pays à l’égard d’un seul produit exportable engendre l’incertitude du fait de l’élasticité-revenu de la demande ainsi que de la dégradation et de la volatilité des conditions d’échanges. La volatilité des prix de ces produits de base importants est particulièrement néfaste car les conditions de commerce défavorables réduisent la capacité des pays à financer des investissements, à engager des dépenses sociales et à importer des biens et services de première nécessité. Plus de 70 pour cent des emplois dans ce groupe de pays sont liés au secteur de l’agriculture; la baisse des cours des denrées de base affaiblit par conséquent les revenus agricoles, accroissant la pauvreté dans les régions rurales comme dans les villes. Dans les pays dont les exportations se limitent principalement au café, par exemple, les petits producteurs ont fait face au cours des dernières années à une baisse de plus de 50 pour cent des cours.

C. STABILITÉ

17. Les relevés de mai 2004 indiquent que dans le monde entier, le nombre de pays confrontés à de graves pénuries alimentaires se chiffre à 35, dont 24 en Afrique, cinq en Asie et en Amérique latine respectivement, et un en Europe (voir encadré 1)9. Les facteurs déterminants de cette situation et de cette vulnérabilité extrêmes sont les catastrophes naturelles, les affrontements d'origine politique, le VIH/SIDA et les perturbations économiques.

18. La majorité des foyers de famine africains – soit les deux tiers des 24 pays d'Afrique nécessitant des secours alimentaires d'urgence – ont pour cause première les conflits, bien que le VIH/SIDA y contribue aussi de façon importante. Les taux de prévalence du VIH/SIDA dans les pays d'Afrique qui font face à des crises alimentaires sont indiqués à l'encadré 1. Ces crises en Afrique, y compris au Kenya, au Lesotho, à Madagascar, en Mauritanie, au Malawi, en Mozambique et au Swaziland, ne sont que pour un quart attribuables exclusivement aux conditions météorologiques.

19. En Asie et au Proche-Orient, l'Afghanistan et l'Iraq sont en proie à des conflits, tandis que la République démocratique de Corée et la Mongolie connaissent des difficultés économiques et qu’à Sri Lanka la sécheresse sévit. Quatre des cinq zones de famine latino-américaines font face à des perturbations tant météorologiques qu'économiques, et Haïti a été récemment le théâtre de troubles civils auxquels s’ajoutent sécheresse et inondations.

Encadré 1: Pays confrontés à des pénuries alimentaires

(*Les pays marqués d’un astérisque font face à des perspectives alimentaires défavorables en 2004)

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AFRIQUE (24 pays)
Angola Rapatriés
Burundi* Troubles civils, PDI
Congo, Rép. de Troubles civils, PDI
Congo, Rép. dém. du* Troubles civils, PDI, réfugiés
Côte d’Ivoire Troubles civils, PDI
Érythrée* Sécheresse, PDI, rapatriés
Éthiopie* Sécheresse dans certaines régions, PDI
Guinée* PDI, réfugiés
Kenya* Sécheresse par régions
Lesotho Sécheresse
Libéria* Troubles civils, PDI
Madagascar Sécheresse dans le sud, cyclones
Malawi Sécheresse dans certaines régions
Mauritanie Sécheresse
 

Mozambique Sécheresse dans certaines régions
Ouganda Troubles civils, PDI
République centrafricaine Troubles civils
Sierra Leone* PDI
Somalie* Troubles civils, sécheresse dans certaines régions
Soudan* Troubles civils, sécheresse dans certaines régions
Swaziland* Sécheresse dans certaines régions
Tanzanie, Rép.-Unie de. Sécheresse dans certaines régions, réfugiés
Tchad Réfugiés
Zimbabwe* Météorologie défavorable, crise économique

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ASIE/PROCHE-ORIENT (5 pays)
Afghanistan* Effets de la sécheresse récente et des troubles civils
Iraq* Guerre récente, pénuries d’intrants
Rép. pop. dém. de Corée* Catastrophes, explosion ferroviaire, restrictions économiques
Mongolie* Restrictions économiques
Sri Lanka Sécheresse
 

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AMÉRIQUE LATINE (5 pays)
El Salvador* Effets de conditions météorologiques défavorables et perturbations économiques
Guatemala* Effets de conditions météorologiques défavorables et perturbations économiques
Haïti Troubles civils, sécheresse, inondations
Honduras* Effets de conditions météorologiques défavorables et perturbations économiques
Nicaragua* Effets de conditions météorologiques défavorables et perturbations économiques
 

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EUROPE (1 pays)
Fédération de Russie
(Tchétchénie) Troubles civils


SOURCE: FAO/SMIAR – Cultures et pénuries alimentaires, n˚ 21, mai 2004

20. La FAO, en coopération avec le Programme alimentaire mondial (PAM) et l´Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), a entrepris de dresser un bilan alimentaire et nutritionnel dans les territoires de la Cisjordanie et la bande de Gaza (WBGS)10 pour la période allant de février à juillet 2003. Cette évaluation indique que, malgré la disponibilité générale de nourriture, l'accès aux disponibilités alimentaires est limité par des obstacles d'ordre matériel (couvre-feu, bouclages) et d'ordre économique (chômage élevé, épuisement des ressources et des méthodes de survie, sollicitation excessive des réseaux de soutien social). L'évaluation a confirmé le résultat d'autres études récentes, selon lesquelles les ménages ont réussi jusqu'ici à s'en sortir en dépit des circonstances difficiles, mais voient à présent leurs ressources s'amenuiser et deviennent plus vulnérables aux perturbations. Cependant, le déclin rapide et inexorable de l'économie, conjugué au resserrement des mesures de bouclage et de couvre-feu, a considérablement affaibli la capacité d'adaptation, aggravé la vulnérabilité et mis à mal les mécanismes de survie.

La stabilité de la consommation

21. La mesure de la stabilité11, présentée au tableau 5, illustre la probabilité de voir la consommation nationale réelle tomber en deçà de 95 pour cent de la tendance enregistrée pour la période 1980-2001, avec ventilation régionale. Tout en confirmant les autres mesures et indicateurs, c'est l'Afrique subsaharienne qui montre l'instabilité la plus marquée en matière de consommation, avec, au niveau régional, une probabilité moyenne de déficit de consommation de près de 20 pour cent en deçà de 95 pour cent de la tendance. Des pays comme le Ghana, le Nigéria, le Bénin, la République démocratique du Congo, la République du Congo, la Somalie, le Libéria et Sao Tomé présentent tous des fréquences supérieures à 30 pour cent , ce qui les rend extrêmement vulnérables aux déficits de consommation. Quant aux régions Asie et Pacifique et Amérique latine et Caraïbes, elles ont une probabilité moyenne de 14 pour cent, soit, là encore, un taux relativement élevé.

Tableau 5: Stabilité de la consommation

Région

Coefficient de variation de la consommation alimentaire

Probabilité de déficit de consommation inférieure à 95% de la tendance pour
1980-2001

Prévalence de la sous-alimentation (%)
(1999-01)

Pays en développement

*

*

17

Asie et Pacifique

4,8

13,9

16

Amérique latine et Caraïbes

5,1

13,4

10

Proche-Orient et
Afrique du Nord

5,2

10,7

10

Afrique subsaharienne

7,1

19,4

19,4

Pays en transition

*

*

8


Source: FAO, Situation de l'alimentation et de l'agriculture 2004.
*pas de données.

Les catastrophes naturelles

22. Selon des observations de l’Équipe spéciale des Nations unies sur la faim, quelque 60 millions de personnes souffrent chaque année de la faim, conséquence de dangers naturels qui se sont transformés en catastrophes, ou à la suite de conflits civils. Lorsque les dangers naturels tels que les sécheresses, les inondations et les tremblements de terre tournent en catastrophes, ils entraînent la destruction des actifs des ménages et la perte de leurs emplois, ils sapent les investissements du secteur agricole et risquent de réduire à la faim des familles qui avaient jusque-là réussi à assurer leur propre sécurité alimentaire. Avec le temps, les effets de ces catastrophes risquent de se cumuler et d’affecter avec la dureté la plus extrême les groupes sociaux économiquement faibles.

23. Le danger naturel majeur à l'échelle mondiale est la sécheresse. Cependant, les petits États insulaires sont particulièrement vulnérables à d'autres dangers naturels comme les cyclones, les éruptions volcaniques, les tremblements de terre et les variations climatiques extrêmes. À l'instar des autres systèmes terrestres, dans les petits États insulaires et dans les régions littorales à faible élévation, les ressources naturelles et les modes de subsistance sont menacés à long terme par l’élévation du niveau des mers liée aux changements climatiques planétaires12.

Les conflits

24. Les conflits sont l'une des causes les plus répandues de l'insécurité alimentaire. Le nombre et l'étendue des crises alimentaires liées à des conflits sont en augmentation. Parallèlement, le rôle joué par les conflits dans l'aggravation de dangers naturels tels que la sécheresse, et, partant, l’évolution vers une crise mettant en cause la sécurité alimentaire, n'a cessé d'augmenter au cours de la dernière décennie.

25. Les conflits violents mettent particulièrement en danger la sécurité alimentaire à long terme, dans la mesure où ils provoquent l'érosion du tissu social et l'effondrement ou l'affaiblissement des structures institutionnelles et de gouvernance, et transforment le contexte sociopolitique dans lequel se déroulent les opérations d'aide. C'est pourquoi, si l’on veut investir dans l'agriculture afin de promouvoir la croissance et la sécurité alimentaire, il importe de prévenir et de résoudre les conflits violents.

26. La présence de conflits rend extrêmement difficile et dangereuse l’identification des populations vulnérables et l’envoi de secours extérieurs. Chaque crise complexe nécessite une analyse et des réponses qui lui sont propres. La FAO a entrepris de renforcer sa capacité de diagnostic des situations d'urgence dès qu'elles surgissent et à mesure qu'elles évoluent, les conflits constituant une cause grandissante d'insécurité alimentaire.

Le VIH/SIDA

27. Le VIH/SIDA et la malaria sont les causes dominantes de morbidité et de mortalité adulte en Afrique subsaharienne. L'incidence du VIH/SIDA est accentuée du fait que les personnes les plus exposées à la contamination par le virus qui entraîne le SIDA sont les adultes dans la force de l'âge; or, lorsque les symptômes du VIH/SIDA sont déjà manifestes, le porteur risque fort d'avoir infecté plusieurs autres personnes. L'Afrique est située à l'épicentre de l'épidémie de VIH/SIDA, avec plus de 25 millions de personnes contaminées, soit près de 70 pour cent du total connu. Des taux de prévalence de 10 pour cent parmi les adultes sont communs dans de nombreux pays; ils dépassent même 15 pour cent et continuent d'augmenter dans des pays comme le Botswana, le Lesotho, le Swaziland et le Zimbabwe. Les effets à court terme sur la production et sur le revenu sont catastrophiques pour les économies pauvres, basées sur la main-d’œuvre. La propagation du VIH/SIDA mine le capital et sape la capacité productive de nombreux pays. La présence du virus a dramatiquement modifié le contexte de l’exploitation agricole en Afrique australe et en Afrique de l´Est13.

28. Le VIH/SIDA, conjugué à d’autres maladies, affaiblit le capital humain, la production et la productivité agricoles; il détourne les ressources financières provenant des activités économiques vers les dépenses de santé et de funérailles; sa ponction financière empêche les ménages agricoles d'intensifier la production en recourant à des technologies qui misent moins sur la main-d'oeuvre et davantage sur le capital; il entrave la capacité des ménages pauvres à tirer un revenu du travail occasionnel comme ils le font généralement; il restreint l'accès des ménages aux services économiques comme le crédit; enfin, il affecte la sécurité alimentaire des familles élargies qui prennent en charge les orphelins. À long terme, l'épidémie risque d’hypothéquer la transmission durable des connaissances et la capacité des pays à investir dans la croissance agricole et la sécurité alimentaire14.

29. En outre, le VIH/SIDA a une incidence différente sur les hommes et sur les femmes; il impose un fardeau particulier aux femmes, qui sont les principales productrices de nourriture et dispensatrices de soins. Selon des données recueillies au Malawi, 87 pour cent des ménages ayant subi le décès de femmes adultes sont voués à connaître la faim, comparativement à 38 pour cent des ménages qui ont perdu un homme adulte.

III. PROBLÈME PARTICULIER: LE COMMERCE EXTÉRIEUR

30. Il est essentiel que soient apportés des ajustements d'envergure internationale aux politiques agricoles si l’on veut créer à l'échelle mondiale un cadre économique propice à une croissance durable et équilibrée de la production agricole, de la consommation et du commerce, mais aussi à la disponibilité et à l'accessibilité de la nourriture dans toutes les régions du monde et en particulier dans celles où sévissent la faim et la malnutrition. L'objectif à long terme du processus de réforme des échanges commerciaux, qui fait l'objet des négociations sur l'agriculture en cours dans le cadre de l'OMC, consiste, comme l'indique l'Accord de l'OMC sur l’agriculture, à «établir un système de commerce qui soit équitable et axé sur le marché par le biais d’un programme de réformes fondamentales comprenant un renforcement des règles et des engagements spécifiques concernant le soutien et la protection afin de corriger et de prévenir les restrictions et distorsions imposées aux marchés mondiaux des produits agricoles et de les prévenir ». Les membres de l'OMC ont lancé le cycle de Doha en novembre 2001, en vue de négocier «des améliorations substantielles de l´accès au marché; des réductions de toutes les formes de subventions à l'exportation, en vue de leur retrait progressif; et des réductions substantielles du soutien interne ayant des effets de distorsion des échanges ». L'instauration de traitements spéciaux et différenciés permet aux pays en développement de prendre efficacement en compte leurs besoins dans ce domaine, y compris la sécurité alimentaire et le développement rural.

A. LE COMMERCE DES PRODUITS AGRICOLES ET LA PROTECTION DE L’AGRICULTURE

Les politiques agricoles créatrices de distorsion des échanges commerciaux

31. S'il est vrai que les réformes apportées par le cycle de l'Uruguay ont, dans l'ensemble, tracé pour l’élaboration des politiques commerciales agricoles un cadre normatif régi par l'OMC, les subventions comme les mesures protectionnistes demeurent élevées dans ce secteur. Les pays de l'OCDE sont à l’origine de plus de 90 pour cent des mesures de soutien interne et des subventions aux exportations créatrices de distorsion ayant fait l’objet de notifications à l'OMC. Depuis 1986-88, l'on a enregistré un nombre restreint de réductions significatives des estimations de soutien aux producteurs applicables à un éventail de produits de base dans les pays de l'OCDE; le montant global du soutien se chiffrait, en 2003, à 257 milliards de dollars américains. La majeure partie des denrées alimentaires de base continuent de bénéficier de soutiens substantiels, créateurs de distorsion du commerce, sous forme de subventions gouvernementales et de soutien des cours, le tout sous-tendu par des barèmes élevés et souvent complexes de protection tarifaire pouvant atteindre de trois à cinq fois la valeur de certaines importations. En outre, plus de 40 pour cent des lignes tarifaires agricoles de l'Union européenne et des États-Unis prévoient l'application de droits spécifiques15. Tandis que persiste la progressivité tarifaire – à savoir l’augmentation des barèmes en fonction du degré de transformation – pour de nombreuses filières de produits de base, ces mesures limitent l'accès aux produits agricoles à valeur ajoutée et transformés. Cette progressivité tarifaire est particulièrement accentuée dans des secteurs tels que la viande, le sucre, les fruits, le café, le cacao ainsi que les cuirs et peaux, tous produits importants pour bon nombre de pays en développement figurant parmi les plus pauvres.

32. Le FMI communique régulièrement les informations sur la perception des droits tarifaires en tant que composante de l'assiette fiscale; cependant, ces informations ne sont pas ventilées par secteur – par exemple, entre produits agricoles et produits industriels –, ni par pays d'origine des importations. Il existe toutefois quelques estimations portant sur la proportion des importations de produits agricoles et industriels en provenance de pays développés, en développement et de pays les moins avancés, et sur lesquelles des droits sont perçus par les pays développés. Compte tenu de l'engagement pris par les membres de l'OMC envers l'objectif d'un «accès aux marchés en franchise de droits et sans contingent pour les produits originaires des pays moins avancés »16, il serait particulièrement pertinent de connaître les différentes proportions des importations provenant de ces pays assujetties à des droits d'entrée sur les principaux marchés. Les données concernant les importations, par les pays développés, de produits non pétroliers et autres que des armes en provenance des pays moins avancés font état d'une large gamme de politiques, illustrées par les deux grands marchés développés: au titre de l'initiative « Tout sauf des armes » de l'Union européenne, 90 pour cent des importations en provenance des PMA sont exemptes de droits d'entrée, contre 14 pour cent seulement des importations américaines en provenance des mêmes PMA17. Pour les autres pays développés, les proportions se situent entre ces deux extrêmes.

33. Les subventions aux produits agricoles octroyées dans les pays développés, comme celles applicables à la viande, au sucre, au coton, au lait et au riz, ont entravé la croissance du potentiel d'exportation des pays produisant ces produits à faible coût – en grande partie des pays en développement. Tout dernièrement, on a largement évoqué les cas de subventions accordées à la production de coton dans les pays développés, et leurs incidences négatives sur les producteurs des pays en développement18.

Les réformes des politiques commerciales mondiales visant à améliorer la sécurité alimentaire

34. Même si l’on ne saurait prétendre résoudre le problème de sécurité alimentaire des pays vulnérables par la seule application de politiques commerciales, une réduction, voire l'élimination des politiques créant des distorsions commerciales peuvent grandement contribuer à la création d'un contexte international favorable. Le cycle de négociations commerciales en cours dans le cadre de l'OMC (Cycle de Doha) s'est notamment fixé comme objectif l’application de réformes substantielles aux politiques commerciales concernant le secteur agricole. Cependant, le nouveau régime de règles et d'engagements visant les pays menacés par l’insécurité alimentaire ne doit pas entraver leur capacité à réaliser leur potentiel productif, vital pour l'amélioration de la sécurité alimentaire. En outre, étant donné que, dans les pays menacés d'insécurité alimentaire, les évolutions du coefficient d'importations alimentaires relativement aux recettes en devises étrangères ne sont guère un présage de durabilité, ces pays devront nécessairement accroître significativement leurs exportations, tout en augmentant leur production vivrière nationale. On pourra favoriser cette évolution en éliminant les contraintes qui pèsent sur l'offre et en améliorant l'accès au marché, y compris pour les produits à valeur ajoutée. Enfin, il importe d'éliminer les éventuelles politiques préjudiciables à l’agriculture dans les pays à risque d’insécurité alimentaire. Ce faisceau de raisons illustre l'importance des négociations agricoles en cours dans le cadre de l'OMC en matière de conditions d'accès au marché et de soutien interne, et visant à améliorer la sécurité alimentaire à l'échelle mondiale.

B. MESURES VISANT À PERMETTRE AUX PAYS EN DÉVELOPPEMENT D’EXPLOITER LES POSSIBILITÉS DU COMMERCE AGRICOLE

35. Les pays en développement les plus pauvres qui cherchent à intensifier et à diversifier leurs exportations agricoles afin de tirer parti des possibilités commerciales se heurtent, en particulier, aux conditions difficiles d'accès au marché, notamment sous forme de restrictions à l'entrée, mais aussi aux restrictions liées à l'offre19. C'est pourquoi ces pays devront consentir de grands efforts s'ils veulent exploiter le potentiel actuel et virtuel d'échanges commerciaux et s'adapter à l'évolution des conditions d'accès au marché ou de pénétration de ce dernier. Il leur faudra, pour ce faire, réformer leurs politiques et leurs modes d'investissement dans le secteur agricole et dans les régions rurales, afin d'améliorer la productivité ainsi que la qualité des produits, et renforcer les infrastructures de commercialisation.

36. Conditions d'accès aux marchés – Les subventions et les mesures de protection de l'agriculture provoquent une distorsion des signaux émis par les marchés et empêchent une allocation efficace des ressources en fonction des avantages comparatifs. Comme nous l’avons déjà observé, les marchés des produits et des denrées de base provenant des zones tempérées subissent des distorsions non négligeables. Quant aux produits agricoles tropicaux, comme le café, le thé, les fibres naturelles, les fruits et légumes tropicaux, ils doivent affronter des barèmes tarifaires élevés, complexes et saisonniers, parallèlement à une progressivité des taux appliqués.

37. Si l’on veut que tous les pays bénéficient des échanges commerciaux à l'échelle mondiale, il est impératif de réduire les distorsions créées par les interventions gouvernementales sur les marchés agricoles de la planète. Pour obtenir une amélioration significative de l'accès au marché, il convient de réduire de façon substantielle, voire d'éliminer, les subventions créatrices de distorsion et de réduire les tarifs de façon draconienne, après avoir infligé un coup d'arrêt à leur escalade. Ce faisant, on devra également prendre en compte les problèmes transitoires auxquels sont confrontés, notamment, les pays à faible revenu, dont les échanges commerciaux sont tributaires d'un accès préférentiel et qui seraient inévitablement pénalisés par une éventuelle augmentation temporaire des prix des denrées alimentaires.

38. Conditions de pénétration des marchés – Les barrières gouvernementales aux échanges commerciaux jouent un rôle important; cependant, même lorsqu'elles sont abaissées, d'autres facteurs continuent d'entraver la pénétration des marchés, en particulier les facteurs découlant des pratiques restrictives du commerce. Les filières de denrées agricoles, notamment celles qui intéressent les cultures à valeur élevée et les produits transformés, sont de plus en plus dominées par une poignée de sociétés transnationales et de compagnies de distribution. Ces dernières, même si elles permettent souvent d'obtenir un accroissement des investissements et des transferts de technologie, risquent, par le biais de leurs réseaux de distribution très étendus, de dissuader les petits producteurs. Les conditions imposées portent généralement sur les prix, la rapidité de livraison, les caractéristiques des produits (par exemple la qualité, l'apparence, la propreté ou encore le goût) ainsi que sur la sécurité sanitaire.

39. Si les entreprises agroalimentaires abusent de leur position dominante, gênant les producteurs et les entrepreneurs des pays pauvres dans leurs tentatives d’accession efficace aux marchés internationaux, il pourra s'avérer nécessaire d'élaborer, y compris à l’échelle internationale, des cadres réglementaires appropriés pour faire face à ce problème20.

40. Les contraintes liées à l'offre – En règle générale, les efforts déployés par les pays en développement pour élargir et diversifier leurs exportations, mais aussi leurs approvisionnements alimentaires internes, se heurtent à des contraintes liées à l'offre et qui prennent des formes diverses: dépendance étroite à l'égard d'un nombre limité de denrées d'exportation; faiblesse des ressources humaines et des capacités technologiques; inadaptation du cadre institutionnel et organisationnel au niveau législatif comme au niveau réglementaire; accès limité des agriculteurs et des exportateurs au crédit; enfin, insuffisance des infrastructures de transport, d'entreposage, de commercialisation et d'information. Il leur faut en outre surmonter l’épreuve que représentent les normes sanitaires, phytosanitaires et techniques des pays importateurs. Selon les estimations, le coût de la conformation aux règles découlant de ces normes pourrait, dans certains des pays les moins développés, égaler celui de la dépense publique totale consacrée au développement21. Pour prendre un autre exemple, selon une étude de la Banque mondiale, l’adoption d'une norme stricte par l’Union européenne, limitant à 4 ppm le montant total d'aflatoxines dans les céréales, les fruits secs et les noix destinés à la consommation humaine directe, aurait pour effet de réduire de 64 pour cent – soit 670 millions de dollars américains – les exportations de ces produits par les pays africains, alors même que le Codex Alimentarius fixe une norme moins sévère, à savoir 15 ppm d'aflatoxines.

41. Sécurité sanitaire des aliments – Depuis la conclusion du cycle de l'Uruguay et la création, en 1994, de l'Organisation mondiale du commerce, l'on a vu se développer de façon marquée le nombre des demandes d'assistance technique et d'aide au renforcement des capacités adressées à la FAO dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments, afin d’assurer la protection du consommateur et de promouvoir le commerce international des denrées alimentaires. Un ambitieux programme d'activités de renforcement des capacités aux niveaux mondial, régional et national a été mis en oeuvre pour répondre à ces demandes, avec l'appui des unités compétentes au siège de la FAO et dans ses unités décentralisées. Ces activités sont orientées vers un certain nombre de problèmes d'ordre technique, décisionnel et institutionnel se rapportant directement aux besoins réels, voire aux difficultés des pays membres: conseils en organisation et en gestion des systèmes de contrôle des denrées alimentaires; création de comités nationaux du Codex; mise en oeuvre des principes de l'analyse du risque dans les activités relevant de la sécurité sanitaire des aliments; conseils en matière de législation alimentaire, en vue notamment d’une harmonisation à l'échelle régionale et internationale; formation des inspecteurs et des analystes des produits alimentaires; modernisation des laboratoires alimentaires; enfin, consultations et orientations destinées au personnel de l'industrie alimentaire et aux agriculteurs concernant l'application de bonnes pratiques de fabrication et de culture le long de la filière alimentaire.

42. La FAO collabore avec l'OMS, l'OIE, l'OMC et la Banque mondiale à l'application du Mécanisme pour l´élaboration des normes et le développement du commerce (MENDC) visant à explorer de nouvelles approches techniques et financières afin d'assurer le renforcement efficace des capacités et des échanges d'informations dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments, de la santé animale et de la santé végétale. Les partenaires du MENDC s'attachent à mettre sur pied, d'ici la fin de 2004, un fonds de fiducie réunissant plusieurs donateurs, avec comme objectif un volume annuel de 4 à 5 millions de dollars américains pour les années civiles 2005 à 2007. Un certain nombre de documents et instruments d’orientation22 ont été récemment diffusés afin de parachever l'assistance apportée aux pays membres dans l'élaboration de systèmes efficaces de sécurité sanitaire des aliments.

IV. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

43. Les progrès réalisés à ce jour à l’égard de l’objectif du Sommet mondial de l'alimentation et des objectifs de développement du Millénaire touchant la pauvreté et la faim sont insuffisants. L'augmentation récente du nombre de personnes sous-alimentées dans les pays en développement suscite de graves inquiétudes, notamment en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne. C'est pourquoi il est impérieux de prendre des mesures immédiates afin d'intensifier les efforts tendant à réduire l'insécurité alimentaire dans ces régions.

44. La situation de plus en plus tendue sur le marché des céréales a de graves répercussions pour les pauvres vivant dans les agglomérations urbaines, qui constituent une population affamée sans cesse grandissante à l'échelle planétaire, et auxquels viennent s'ajouter les ménages ruraux qui restent des acquéreurs nets de nourriture. Cependant, les perspectives optimistes de production alimentaire au cours de cette année devraient entraîner un allègement de la pression sur les prix. Par ailleurs, les améliorations apportées au régime international des échanges de produits agricoles et les règles connexes pourraient améliorer de façon marquée la sécurité alimentaire dans les pays en développement.

45. Alors que certains progrès sont en cours de réalisation pour créer un contexte favorable à l’expansion des économies agricoles des pays en développement parmi les plus pauvres, on continue d’observer d'importantes lacunes, conjuguées à un manque de cohérence des politiques adoptées, notamment en ce qui a trait au commerce et à l'aide. Il conviendrait de faire en sorte que les politiques soient formulées au sein d'un cadre harmonisé, afin que la libéralisation des conditions d'accès au marché, y compris les préférences commerciales appropriées, ouvre de véritables perspectives au commerce et que soient adoptées des normes de sécurité sanitaire et de qualité justifiées au plan scientifique, parallèlement à une allocation de l'APD qui tienne compte des priorités sectorielles. Il faudra, en outre, promouvoir les partenariats à tous les niveaux avec le monde des affaires afin de rééquilibrer la répartition internationale des revenus, notamment au moyen d'actions visant à stimuler la croissance économique et à promouvoir le commerce équitable entre pays pauvres et pays riches.

46. Compte tenu du souci exprimé, dans les enceintes internationales spécialisées, à l'égard du renforcement de la capacité productive des pays en développement parmi les plus pauvres, il conviendra de veiller à une meilleure harmonisation dans les domaines suivants:

47. Le Comité pourrait envisager d'adopter les recommandations suivantes:

________________________

1 Rapport provisoire de l’Équipe spéciale 2 du Projet du Millénaire sur la faim, février 2004.

2 Comité permanent de la nutrition du système des Nations Unies, Cinquième rapport sur l’état de la nutrition pour de meilleurs résultats au niveau du développement, mars 2004.

3 FAO, L'État de l'insécurité alimentaire dans le monde, 2003.

Définitions des critères de progrès: A réussi – l’objectif pour 2015 est déjà atteint; Sur la bonne voie – le rythme des progrès est suffisant pour atteindre l’objectif de 2015, ou l’est à 90 pour cent; Prend du retard – le rythme des progrès se situe entre 70 et 89 pour cent de la cadence requise; Accuse un recul – le rythme des progrès est inférieur à 70 pour cent de la cadence requise; S’écarte de l’objectif –

4 Définitions des critères de progrès: A réussi – l’objectif pour 2015 est déjà atteint; Sur la bonne voie – le rythme des progrès est suffisant pour atteindre l’objectif de 2015, ou l’est à 90 pour cent; Prend du retard – le rythme des progrès se situe entre 70 et 89 pour cent de la cadence requise; Accuse un recul – le rythme des progrès est inférieur à 70 pour cent de la cadence requise; S’écarte de l’objectif –

5 FAO, Perspectives alimentaires, n˚ 2, juin 2004.

6 Les céréales sont la principale source d’énergie alimentaire dans les pays en développement et constituent pour cette raison un bon indicateur de sécurité alimentaire.

7 Banque mondiale, Indicateurs du développement mondial, 2004.

8 Voir FAO, ESA Working Paper ESA/03: Food security and agriculture in the low income, food-deficit countries: 10 years after the Uruguay Round.

9 FAO/SMIAR – Cultures et pénuries alimentaires, n˚ 21, mai 2004. Les chiffres entre parenthèses correspondant aux pays d'Afrique indiquent les taux de prévalence du VIH/SIDA obtenus à partir du site web http://www.avert.org/statindx.htm.

10 Le rapport intégral se trouve sur le site web http://www.fao.org/docrep/006/J1575E/J1575E00.HTM.

11 Voir FAO, Situation de l'alimentation et de l'agriculture 2004, pour les détails de la méthode de calcul de la probabilité, et le tableau A2 pour les chiffres relatifs aux pays concernés. Selon la théorie de E. Sadoulet et A. de Janvry exposée dans Quantitative Development Analysis (Johns Hopkins University Press, Baltimore, États-Unis, 1995), la probabilité de voir la consommation nationale tomber en deçà d'un certain pourcentage a (a = 95 %) de sa tendance à long terme s'exprime ainsi: Pr(C<aCt); dans cette formule, Ct représente la consommation de tendance estimative. Cette probabilité peut être estimée sur la base de données historiques, étant admis que le terme d'erreur ut est généralement réparti autour de la ligne de régression.

12 Conférence ministérielle spéciale sur l'agriculture dans les petits États insulaires en développement,
Rome, 12 mars 1999.

13 http://www.fao.org/sd/dim_pe3/docs/pe3_040102dl_en.doc.

14 FANRPAN (2003) Identifying Policy Determinants of Food Security Response and Recovery in the SADC Region: the case of the 2002 Food Emergency.

15 Banque mondiale (2004), Global Economic Prospects 2004: Realising the Development Promise of the Doha Agenda, Washington, D.C. (en anglais seulement)

16 Paragraphe 32 de la Déclaration ministérielle de Doha.

17 Bora, B. (2002), « Market Access Issues: what´s at stake », Symposium public de l'OMC, Genève, mimeo. (en anglais seulement)

18 FAO (2003), SOFI 2003, FAO, Rome.

19 En réalité, si l'on veut alléger les contraintes d'ordre interne pesant sur les approvisionnements, c'est toute une panoplie de mesures qu'il faut appliquer, et, en premier lieu: le maintien d'un contexte macroéconomique et politique stable et prévisible; l'établissement d'un cadre réglementaire équitable et ouvert; l'amélioration du fonctionnement des institutions financières, le renforcement de la recherche et de la divulgation afin de mettre au point et d’adopter les technologies pertinentes; l'amélioration des services ruraux; le renforcement des infrastructures de commercialisation, de transport et de communication; enfin, la mise en valeur des ressources humaines.

Définitions des critères de progrès: A réussi – l’objectif pour 2015 est déjà atteint; Sur la bonne voie – le rythme des progrès est suffisant pour atteindre l’objectif de 2015, ou l’est à 90 pour cent; Prend du retard – le rythme des progrès se situe entre 70 et 89 pour cent de la cadence requise; Accuse un recul – le rythme des progrès est inférieur à 70 pour cent de la cadence requise; S’écarte de l’objectif –

20 À titre d'exemple, certains pays, comme les États-Unis, résolvent traditionnellement ce problème par voie de législation et autres mesures anti-monopoles. Dans un contexte où les grandes compagnies s’internationalisent de plus en plus, devenant de véritables entreprises mondiales, l'OMC pourrait contribuer, par le biais d'accords et de mesures disciplinaires, à garantir l'égalité face à la concurrence. C'est là une question importante, qui mérite un examen attentif.

21 FAO (2003), SOFI 2003, FAO, Rome.

22 Citons, parmi ces documents: Assuring Food Safety and Quality – Guidelines for Strengthening National Food Control Systems (publication conjointe FAO/OMS) – Études FAO, Alimentation et nutrition no 76-2003); Improving the Quality and Safety of Fresh Fruits and Vegetables – A Training Manual; Food Safety Management Systems for Small and Medium-scale Enterprises (publication FAO en cours de préparation – parution prévue en octobre 2004); Food Safety Risk Analysis – A Training Manual; Enhancing the Participation in the Work of Codex – A Training Pack (publication conjointe FAO/OMS en cours de préparation – parution prévue en novembre 2004); Assessment of Capacity Building Needs for Food Safety publication conjointe FAO/OMS en cours de préparation – parution prévue en septembre 2004).