CFS:2004/INF/6


 

COMITÉ DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE MONDIALE

Trentième session

Rome, 20-23 septembre 2004

DISCOURS LIMINAIRE DU VICE-PREMIER MINISTRE
DU ROYAUME DE THAÏLANDE

Monsieur le Directeur général adjoint de la FAO,
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les délégués,
Mesdames et Messieurs,

C'est un grand honneur pour moi d'assister à cette trentième session du Comité de la sécurité alimentaire mondiale au nom du Gouvernement royal de Thaïlande. Je remercie chaleureusement la FAO de cette invitation qui m'offre la possibilité de partager avec vous l'expérience acquise par la Thaïlande en matière de résolution des problèmes liés à la sécurité alimentaire, mais également de vous faire part du rôle et de la position de mon pays sur la scène internationale en ce qui concerne ce sujet primordial. Je serais ravi que les informations que je m'apprête à partager avec vous profitent aux délibérations de cette assemblée qui, je l'espère, contribueront à renforcer la production et la distribution de vivres, de manière à lutter contre la faim et la pauvreté dans le monde entier.

J'ai appris que c'était précisément dans ce bâtiment qu'en 1996, puis en 2002, les chefs d'État et de gouvernement s'étaient rassemblés et avaient proclamé l'objectif du Sommet mondial de l'alimentation et du Sommet mondial de l'alimentation: cinq ans après de réduire de moitié d'ici 2015 le nombre de personnes victimes de la faim et de la sous-alimentation dans le monde. Selon les chiffres actuels, quelque 800 millions de personnes vivraient aujourd'hui sous le seuil de pauvreté dans le monde. Or, de l'avis de la FAO, il est peu probable que cet objectif soit atteint au rythme où évolue la situation si nous n'accélérons pas nos efforts visant à lutter contre une pauvreté endémique qui frappe avant tout les pays en développement.

De notre côté, nous avons eu la chance, en Thaïlande, de bénéficier d'une nourriture en abondance et de pouvoir exporter nos produits agricoles sur les marchés mondiaux. Sur le plan statistique, nous sommes le premier exportateur mondial de riz, de crevettes, de manioc et conserves de thon et d'ananas. Par ailleurs, la FAO a classé la Thaïlande en quatorzième position des exportateurs mondiaux de produits agricoles et alimentaires, tandis que l'Organisation mondiale du commerce (OMC) nous plaçait en cinquième position, alors même que l'ensemble des pays européens étaient repris sous une seule et même communauté. Cela n'empêche toutefois pas qu'un grand nombre de Thaïlandais se situant à la base de la pyramide sociale continuent de se battre pour franchir le seuil de pauvreté.

Mesdames et Messieurs,

En Thaïlande, l'insécurité alimentaire résulte en premier lieu de la pauvreté, d'un accès insuffisant aux denrées alimentaires et d'un manque de perspectives. Il est possible de faire remonter l'expérience que la Thaïlande a acquise ces dernières années en matière de lutte contre la pauvreté à la crise financière de 1997, au cours de laquelle le secteur agricole a dû assumer un rôle important pour la reprise économique en absorbant les travailleurs sans emploi des zones rurales et, dans une moindre mesure, des villes. L'autosuffisance et la compétitivité vis-à-vis du monde extérieur font désormais partie intégrante du programme national que doit mettre en œuvre l'actuel gouvernement dirigé par le Premier Ministre Thaksin Shinawatra.

Le gouvernement a examiné de près le problème de la pauvreté et a décidé de l'attaquer à la racine. Nous sommes fermement convaincus que l'ensemble de la population thaïlandaise est soucieuse d'améliorer ses moyens d'existence et de relever son niveau de vie et déterminée à le faire, mais que ce sont en premier lieu les fonds et les perspectives qui lui font défaut. Nous avons ainsi adopté trois mesures primordiales: premièrement, réduire les dépenses; deuxièmement, accroître les revenus; et troisièmement, développer les perspectives.

Nous avons ensuite mis sur pied plusieurs programmes: le premier, destiné à réduire les dépenses à la base dans le secteur agricole, entendait respecter scrupuleusement les conseils de Sa Majesté le Roi Bhumipol en matière d'autonomie économique. Le deuxième programme visait à suspendre pendant trois ans le remboursement des dettes des agriculteurs, intérêts et principal, de manière à alléger le poids de la dette et à renforcer la viabilité et l'autosuffisance des activités agricoles à long terme.

Le troisième programme de réduction des dépenses des personnes à faible revenu s'articulait autour d'un régime de soins de santé en vertu duquel chaque Thaïlandais se voyait assuré de pouvoir accéder, en toute égalité, à des soins d'un niveau acceptable sur le plan national, et ce dans n'importe quel hôpital et pour un coût de 75 cents américains par visite.

Le projet "Un village, un produit", connu sous son sigle anglais "OTOP", a été instauré dans tout le pays afin d'accroître les revenus en encourageant les communautés locales à s'appuyer sur les compétences autochtones, les ressources et le savoir-faire locaux, de manière à créer des produits uniques et de qualité qui leur soient propres. Elles sont ainsi appelées à utiliser les matières premières disponibles et un élément susceptible d'en accroître la valeur. Ces produits se sont révélés être une importante source de revenus complémentaires. Le gouvernement et le secteur privé ont associé leurs efforts en matière de transfert de connaissances techniques pour la production et de commercialisation de ces produits sur le marché local et à l'étranger. Deux ans après sa mise en œuvre, le chiffre d'affaires obtenu grâce à ce programme a dépassé les 420 millions de dollars EU en 2003.

Un fonds de roulement destiné aux villages a été constitué en vue d'accroître les perspectives. Il sert à financer la création d'activités génératrices de revenus de substitution au profit de la population. Chacun des soixante et onze mille villages que compte le pays s'est vu confié un million de bahts, l'équivalent de vingt-cinq mille dollars EU, sous la forme de prêts mis à la disposition des personnes et des ménages qui souhaitent financer des investissements. C'est au comité de village qu'incombe la gestion du Fonds à l'échelon local. Il est remarquable de constater, deux ans après la mise en œuvre de ce projet, que seuls deux pour cent des prêts n'étaient pas productifs.

Outre le fonds de roulement destiné aux villages, une banque populaire a été créée pour fournir des fonds supplémentaires aux personnes à faible revenu, afin de renforcer leur compétitivité sur le plan commercial sans exiger d'actifs en garantie. Parallèlement à ce programme, le Bureau de capitalisation des actifs a été mis sur pied pour évaluer plusieurs actifs, comme les droits d'usufruit, les droits de propriété intellectuelle, les droits de tenure, les biens meubles, etc. L'évaluation des actifs est menée en collaboration avec le secteur bancaire, ce qui permet aux propriétaires et aux détenteurs d'actifs de bénéficier d'un meilleur accès au financement.

Mon gouvernement se préoccupe avant tout de l'accessibilité aux denrées alimentaires, mais également de la sécurité sanitaire des aliments. Cette dernière étant cruciale pour les consommateurs, les mesures sanitaires et phytosanitaires sont devenues des obstacles non commerciaux aux échanges qui ont fortement entravé la compétitivité des produits agricoles et alimentaires des pays en développement. En conséquence, le gouvernement a établi un programme national présentant la Thaïlande comme une "Cuisine du monde", en vertu duquel les mêmes normes s'appliquent aux denrées alimentaires destinées aux consommateurs nationaux et aux marchés étrangers.

La Thaïlande est, de surcroît, le premier pays au monde à avoir déclaré 2004 Année nationale de la sécurité sanitaire des aliments. Les producteurs de la filière agroalimentaire ont été encouragés à envisager la sécurité sanitaire des aliments sous l'angle de la chaîne alimentaire; il s'agit ainsi d'appliquer des bonnes pratiques dans les secteurs de l'agriculture et de la transformation. Plus important encore: des mesures de traçabilité ont été mises en œuvre.

Tourné vers l'avenir, le gouvernement s'attelle à restructurer le secteur agricole pour le rendre compétitif parmi les partenaires commerciaux à l'échelle mondiale. Dans le cadre de cette démarche, plusieurs produits agricoles de base qui semblaient prometteurs ont été sélectionnés pour être développés. Ce programme englobe l'amélioration des produits biologiques, du palmier à huile et des fruits tropicaux. Nous sommes désormais prêts à répondre aux tendances qui devraient voir le jour au niveau de la production et du commerce des produits agricoles à l’échelle mondiale.

Mesdames et Messieurs,

Soucieuse de placer la lutte contre la pauvreté sur la scène internationale, la Thaïlande a assumé un rôle actif dans la coopération bilatérale, régionale et multilatérale.

En Asie du Sud-Est, la Thaïlande a fait sienne la politique "Fait prospérer ton voisin". Nous ne sommes pas convaincus qu'une nation peut, à elle seule, garantir son développement et sa prospérité, ce qui nous a incité à lancer le programme de Stratégie de coopération économique Ayeyarwady - Chao Phya - Mékong (ACMECS), dans un premier temps avec nos voisins immédiats: Myanmar, République populaire démocratique lao et Cambodge, le Viet Nam étant en phase de nous rejoindre. L'ACMECS entend créer des emplois et générer des revenus en s'appuyant sur les avantages comparatifs de nos voisins. Il existe d'autres initiatives similaires regroupant des pays asiatiques, comma la Stratégie de coopération économique Bangladesh, Inde, Myanmar, Sri Lanka, Népal, Bhoutan et Thaïlande (BIMST-ECS) et la Grande sous-région du Mékong (GMS).

En 2002, le Premier Ministre a été à l'initiative du Dialogue de coopération asiatique, qui entend promouvoir la coopération en matière de lutte contre la pauvreté et d'amélioration de la qualité de vie des populations d'Asie. Il s'agit là d'un élément important de la double politique mise en place par la Thaïlande pour que tous les mécanismes nécessaires soient instaurés, de manière à pouvoir tendre efficacement vers les objectifs nationaux et internationaux.

La Thaïlande, en sa qualité de membre de l'ANASE, s'est montrée dynamique et constructive. Ainsi, dans le domaine de la sécurité alimentaire, notre pays a entamé, en mars 2004, un projet pilote de trois ans relatif au système de gestion des réserves rizicoles d'urgence d'Asie orientale, en collaboration avec le gouvernement japonais. Ce projet vise à instaurer un mécanisme efficace de mise à disposition des stocks de riz pour les opérations de secours d'urgence, d'aide alimentaire et de lutte contre la pauvreté.

Sur le plan de la coopération commerciale bilatérale et régionale, la Thaïlande a engagé des négociations relatives à une zone de libre-échange avec l'ANASE et plusieurs pays asiatiques, l'objectif ultime étant de faciliter l'accès des partenaires commerciaux aux marchés des produits agricoles, de manière à renforcer les moyens d'existence des personnes situées aux niveaux les plus élémentaires de la société.

Parallèlement à cela, la Thaïlande fait également preuve d'un engagement sans faille en faveur de la coopération multilatérale en soutenant les objectifs du Millénaire pour le développement et la Déclaration du Sommet mondial de l'alimentation, afin de réduire de moitié d'ici 2015 le nombre de personnes victimes de sous-alimentation. Le gouvernement du Premier Ministre Thaksin Shinawatra a annoncé publiquement sa volonté d'éradiquer la pauvreté d'ici 2009.

Dans les négociations commerciales multilatérales, la Thaïlande affiche la même détermination farouche que la plupart des pays en développement à supprimer les aides nationales et les subventions aux exportations des produits agricoles, autant de mesures qui faussent les échanges. Nous estimons dès lors qu'un commerce mondial libre et équitable constitue un élément vital pour accroître les revenus des plus démunis.

Mesdames et messieurs,

Pour conclure cette présentation, je voudrais personnellement réaffirmer que si nous, Membres de la FAO, souhaitons réaliser l'objectif de la Déclaration du Sommet mondial de l'alimentation, il est impératif d'afficher clairement notre volonté politique. Je crois sincèrement qu'il n'existe aucune réponse universelle aux problèmes de l'insécurité alimentaire, mais que la meilleure des solutions passe par une mise en commun de nos expériences et par une adaptation des mesures prises par d'autres. Mon gouvernement souhaite faire part de son expérience en fournissant des précisions à nos collègues, en particulier dans les pays en développement, de manière à ce que chacun puisse en récolter les fruits.

Je vous remercie de votre attention.