COAG/2005/INF/2


COMITÉ DE L’AGRICULTURE

Dix-neuvième session

Rome, 13-16 avril 2005

Réponse en cas de crise nucléaire


1. L’accident survenu dans la centrale nucléaire de Tchernobyl a mis en lumière les retombées et les conséquences à long terme d’une forte émission par delà les frontières de matériel radioactif. Des réglementations plus efficaces, des programmes de formation des opérateurs et des modifications de la conception des installations ont amélioré la sécurité des centrales nucléaires. Toutefois, les problèmes de sécurité et de protection liés à la maîtrise des sources de radioactivité persistent. En dépit de l’attention portée à ce problème depuis septembre 2001, de nombreux pays ne disposent toujours pas des programmes, des ressources et des structures juridiques nécessaires pour faire face à la menace d’une catastrophe nucléaire ou radiologique.

2. Au 31 août 2004, 439 réacteurs nucléaires étaient en activité dans 30 pays et 26 autres étaient en construction dans 10 pays1. Les cinq États dotés de l’arme nucléaire disposent d’environ 16 500 ogives nucléaires opérationnelles et 36 500 ogives nucléaires actives et inactives au total2. Elles sont protégées par des systèmes de sécurité contre le vol ou toute utilisation malveillante. En revanche, on craint l’utilisation éventuelle d’un dispositif de dispersion radiologique appelé ‘bombe sale’ qui pourrait contaminer la terre et les installations. Il est plus facile de se procurer le matériel radioactif utilisé pour ces dispositifs dans des installations moins bien protégées qui se trouvent dans des usines, des hôpitaux, des laboratoires médicaux et de recherche, des universités et des terrils. Étant donné les vives inquiétudes de l’opinion publique face au nucléaire sous toutes ses formes, la seule menace d’une utilisation de ce matériel radioactif constituerait une arme puissante aux mains des terroristes. Le problème serait le même en cas d’attaques de centrales nucléaires, d’installations de retraitement ou d’expéditions de matériel nucléaire.

3. Les retombées immédiates (24 heures) et à court terme (un mois) d’une situation d’urgence nucléaire peuvent être atténuées efficacement si des plans d’intervention sont en place dans le domaine de l’alimentation et de l’agriculture. Les scientifiques estiment que 90 pour cent des 2 000 cancers de la thyroïde qui ont frappé les enfants contaminés après la catastrophe de Tchernobyl, auraient pu être évités si la consommation de lait contaminé avait été interdite. En interdisant la consommation de légumes frais contaminés on aurait pu baisser de 50 pour cent encore les cas de cancer, réduisant ainsi à 100 les cancers de la thyroïde en surnombre. Il est donc indispensable que les pays membres planifient à l’avance la manière dont les produits les plus contaminés3 seront retirés du marché et stockés dans des installations appropriées pour être éliminés ou détruits plus tard par des procédures adaptées.

4. À moyen et à long termes, des stratégies pratiques et rentables seront nécessaires pour assurer des conditions de vie et de travail acceptables dans les zones contaminées en gérant et remettant en état les terres agricoles et les produits alimentaires contaminés. Ces stratégies devront tenir compte de nombreux facteurs: calendrier et nature des interventions; facteurs spécifiques au site tels que les caractéristiques du sol, l’appareil radiculaire et l’utilisation des terres; quantité et composition des radionucléides des émissions (en particulier les radionucléides de longue durée); zones d’exposition aux radionucléides pour chaque groupe de population et coût et durée de l’application des mesures d’intervention. Il convient de vérifier au préalable si ces stratégies peuvent être appliquées facilement et acceptées par la population concernée.

5. Les directives en matière de sécurité pour les programmes de préparation et d’intervention en cas d’urgence nucléaire ou radiologique4 citent comme niveau d’intervention générique les teneurs indicatives de la Commission du Codex Alimentarius pour les radionucléides dans les aliments faisant l’objet d’un commerce international après une contamination accidentelle. Les autorités compétentes doivent spécifier à l’avance des niveaux d’intervention qui seront appliqués en cas de crise. Des mesures appropriées seront prises si le niveau maximum autorisé est dépassé ou risque de l’être. La Commission du Codex Alimentarius FAO/OMS est l’organe de fixation des normes internationales chargé de protéger la santé humaine et de faciliter le commerce des denrées alimentaires. Les limites indicatives actuelles du Codex pour les radionucléides dans les aliments, applicables dans le commerce international à la suite d’une contamination nucléaire accidentelle5 qui sont en vigueur pendant une année après un accident nucléaire, sont actuellement révisées pour englober des situations plus variées et servir de niveau d’intervention générique pendant une année ou plus après une contamination nucléaire ou radioactive6.

6. La FAO est membre à part entière de deux conventions: i) la Convention sur la notification7 obligeant le pays où a lieu l’accident à avertir et informer les pays potentiellement affectés et l’AIEA. L’AIEA doit faire état de cette notification et fournir des informations aux pays membres et aux organisations internationales et ii) la Convention sur l’assistance8 en cas d’accident nucléaire qui autorise tout gouvernement national à demander une aide d’urgence à l’AIEA et/ou d’autres parties, notamment: une vérification et des avis; une assistance sur place, notamment un suivi et des traitements médicaux. L’AIEA fournit une assistance soit directement soit par l’intermédiaire du réseau ERNET9 et des organisations internationales compétentes, notamment la FAO. Le plan de gestion conjointe des situations d’urgence nucléaire des organisations internationales est un document de gestion de haut niveau qui décrit le cadre interorganisations de préparation et d’intervention en cas d’accident nucléaire réel, potentiel ou perçu comme tel, qui précise le rôle et les responsabilités de chaque organisation internationale. Les arrangements pratiques passés entre la FAO et l’AIEA pour la notification, l’échange d’informations et la fourniture d’un appui technique dans le secteur alimentaire et agricole durant et après un accident radiologique ou nucléaire, ont été décrits dans les arrangements coopératifs FAO/AIEA qui sont entrés en vigueur le 25 avril 2003. Dans le cadre de ces arrangements, le directeur de la Division mixte FAO/AIEA (AGE) a été désigné comme centre d’alerte pour la FAO.

7. Pour respecter ses engagements, la FAO a adopté une série de mesures visant à renforcer son soutien aux États Membres en cas de besoin:

8. Étant donné que les États Membres sont responsables en dernier recours de la protection de la vie, des biens, de l’environnement et de la qualité de vie sur leur territoire, ces plans d’intervention sont essentiels et doivent prévoir comment mobiliser au mieux les ressources en cas de situation d’urgence nucléaire. Les recherches et les études menées jusqu’à présent se sont limitées aux pays touchés par la catastrophe de Tchernobyl et aux pays développés. Il faut s’intéresser à présent aux pays en développement. S’il est vrai que les mesures d’intervention agricole varieront d’un pays à l’autre selon les capacités nationales, les réglementations en vigueur, les systèmes de production et l’emplacement des usines nucléaires, néanmoins la FAO peut aider ses pays membres à concevoir une stratégie de promotion et de renforcement des capacités de préparation dans le secteur alimentaire et agricole en cas d’accident nucléaire. Pour l’instant, les principaux mécanismes en place sont les ateliers sur les mesures pratiques d’intervention agricole organisés par AGE et les informations fournies sur le site Internet de AGE10. De plus en plus, ces méthodes seront complétées par du matériel d’apprentissage à distance harmonisé.

9. En conclusion, on peut donc dire que la situation a évolué d’un système d’intervention après une catastrophe à un système de préparation dans l’éventualité d’une crise, qui privilégie les mesures de protection en prévision d’une situation d’urgence. À l’heure actuelle, seuls 92 États sont parties à la Convention sur la notification rapide et 89 États sont parties à la Convention pour l’assistance en cas d’urgence nucléaire, soit moins de la moitié des États Membres de la FAO. Il est donc important, pour ouvrir la voie au renforcement d’un dispositif international de préparation en prévision d’une urgence nucléaire, que tous les États Membres de la FAO et de l’AIEA ratifient ces deux conventions. L’étape suivante consistera à mettre en application des plans nationaux de préparation afin de limiter les disparités régionales en en matière de sécurité sanitaire des aliments.

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1 http://www.iaea.org/programmes/a2/index.html

2 http://projects.sipri.se/nuclear/world.pdf

3 Dans le cas de la centrale de Tchernobyl ces produits étaient le lait, les légumes frais, les champignons et les baies.

4 http://www-pub.iaea.org/MTCD/publications/PDF/Pub1133_scr.pdf

5 Programme FAO/OMS pour les normes alimentaires, Commission du Codex Alimentarius, Codex Alimentarius, Volume 1 (1991), Section 6.1 (CAC/GL 5-1989)

6 ftp://ftp.fao.org/codex/ccfac36/fa36_35f.pdf

7 Convention sur la notification rapide d’un accident nucléaire (http://www.iaea.org/Publications/Documents/Conventions/cenna.html)

8 Convention sur l’assistance en cas d’accident nucléaire (http://www.iaea.org/Publications/Documents/Conventions/cacnare.html)

9 Le Réseau d’intervention en cas d’urgence de l’AIEA se compose d’équipes d’intervention basées dans les différents pays membres qui tirent profit des capacités d’intervention d’urgence régionales.

10 http://www.iaea.org/programmes/nafa/dx/emergency/index.html