ERC/00/6


 

VINGT-DEUXIÈME CONFÉRENCE RÉGIONALE DE LA FAO POUR L'EUROPE

Porto, Portugal, 24-28 juillet 2000

Point 9 de l'ordre du jour

LE CARACTÈRE MULTIFONCTIONNEL DE L'AGRICULTURE ET DES TERROIRS

Table des matières


 


 

I. LE CONTEXTE

1. L'agriculture, qui a pour rôle essentiel de produire de la nourriture et de contribuer à la sécurité alimentaire, a aussi d'importantes fonctions environnementales, économiques et sociales. Ses fonctions multiples tiennent à sa nature même. Cependant, les politiques et les pratiques correspondantes ne portent que depuis peu de temps sur les défis que posent le renforcement et l'exploitation d'une série de fonctions qui sont de plus en plus considérées comme des éléments critiques pour assurer la durabilité de l'agriculture et du développement rural. Le grand problème sera d'obtenir les avantages potentiels que peut apporter une combinaison optimale de fonctions tout en réduisant au minimum les effets négatifs.

2. Afin de dégager les tendances générales concernant aussi bien les pays développés que les pays en développement, la Conférence FAO/Pays-Bas sur le caractère multifonctionnel de l'agriculture et des terroirs (Maastricht, 1999) a constitué un forum technique international de haut niveau qui a cherché à identifier les nouvelles pratiques et les environnements porteurs nécessaires pour accroître la durabilité de l'agriculture et du développement rural (ADRD). Le contexte normatif global de la Conférence était fourni par la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement de 1992 (CNUED) et le Sommet mondial de l'alimentation de 1996. La Conférence avait pour objectif immédiat d'évaluer la mesure dans laquelle le caractère multifonctionnel de l'agriculture et des terroirs pouvait aider les principales parties prenantes: producteurs et autres utilisateurs des terres, responsables politiques et autres décideurs clés, à mettre en œuvre des pratiques agricoles et une utilisation des terres durables.

3. Le caractère multifonctionnel de l'agriculture et des terroirs présente un intérêt particulier en Europe en raison des transformations progressives du rôle des communautés et des paysages ruraux dans l'économie et la société régionale. Bien que la production agricole reste importante, une gamme d'avantages indirects d'ordre écologique, socioculturel et économique ont pris une place considérable. Ainsi, les bassins versants, les forêts et les sols sont gérés de façon à absorber et recycler les éléments polluants et à régénérer l'air et l'environnement en général. Les agro-écosystèmes gérés de façon durable sont maintenant appréciés pour le tourisme, les loisirs, la sauvegarde du patrimoine culturel national et la création de résidences secondaires ou d'agglomérations satellites des grandes villes.

4. L'approche multifonctionnelle de l'agriculture exploite les approches antérieurement suivies pour réaliser l'agriculture et l'utilisation des terres durables par les moyens suivants:

5. Cette approche multifonctionnelle permet de comprendre plus facilement les interactions complexes existant entre l'agriculture et l'utilisation connexe des terres, les biens et services multiples (alimentaires et non alimentaires) fournis par l'agriculture, la contribution que ces biens et services apportent à la réalisation des buts plus larges de la société et d'autre part l'impact sur l'agriculture des facteurs environnementaux, économiques et sociaux, notamment la démographie et la mondialisation croissante des marchés et des échanges. On verra ci-après deux exemples des ensembles d'avantages constatés actuellement en Europe.


Encadré 1 - Exemples d'agriculture multifonctionnelle en Europe

Relance de l'utilisation des races traditionnelles et des pratiques traditionnelles de gestion des parcours (France)

Depuis le XIIe siècle, la zone située entre l'Auvergne et les Pyrénées dans le sud-ouest de la France sert de pâturage d'été aux troupeaux de bovins des fermes situées dans les vallées environnantes dans un rayon de 50 km. Les troupeaux se composaient principalement de vaches de trait de race locale Aubrac dont le lait était utilisé pour produire le fromage frais pressé de Laguiole. Depuis les années 20, le nombre de vaches traites a diminué en raison de l'évolution du marché et la demande d'animaux de trait a également baissé. En 1960, la coopérative "Jeunes Montagnes" a été créée pour ramasser le lait des petits producteurs et produire le fromage de Laguiole. Les éleveurs ont d'abord utilisé des vaches Holstein qui ne se sont pas bien adaptées aux pâturages de montagne et ont produit un lait peu riche en protéines de sorte qu'une grande partie du fromage n'était pas acceptée. Les vaches polyvalentes de Simmenthal (traction, viande et lait) qui ont ensuite été introduites ont donné de meilleurs résultats et représentaient plus de 85 pour cent du bétail de la zone en 1998. Cependant, les agriculteurs n'étaient pas tout à fait satisfaits de la qualité du produit, de sorte que pendant les premières années 90 ils ont décidé de réintroduire la race Aubrac, réputée pour la production de fromage de Laguiole de qualité supérieure. Avec l'aide de l'Association de Laguiole et de l'Institut de l'élevage, la race a ainsi été relancée pour le plus grand profit économique, social et écologique de la région.

Résultats: 1. Relance d'une race traditionnelle, conservation de la biodiversité agricole; 2. Renforcement de l'économie locale sur la base d'un produit local traditionnel à valeur commerciale élevée (dans ce cas un fromage); 3. Enfin, conservation du paysage montagnard.

L'enseignement agricole au service de l'agriculture durable (Fédération de Russie)

Depuis 1993, le Centre d'initiatives des citoyens promeut l'agriculture durable en Russie avec un grand succès. Ainsi, il a parrainé onze centres régionaux de vulgarisation pour l'agriculture durable qui forment des enseignants, des cadres et des consultants en Russie. Le programme de "formation de formateurs" a fourni des informations techniques et autres très utiles aux communautés rurales de la Fédération de Russie. Le Centre a les objectifs suivants: 1) diffuser des connaissances sur l'environnement intéressant l'agriculture; 2) aider les entreprises petites et moyennes liées à l'agriculture; 3) encourager la coopération entre les groupes agricoles des communautés locales pour améliorer l'environnement social; 4) initier les agriculteurs aux techniques de gestion et de commercialisation. Ces quatre objectifs sont atteints. Le programme s'élargit dans des directions que le Centre n'avait pas prévu au début, par exemple 1) créer une bibliothèque centrale de vulgarisation disposant de publications imprimées et travaillant sur Internet; 2) élaborer une base de données pour la remise en état des sols pollués; 3) accorder de petits prêts à faible intérêt aux agriculteurs; 4) mettre au point un programme d'étude sur l'agriculture durable à l'intention des collèges agricoles et des agents de vulgarisation.

Résultats: Les agriculteurs risquaient de perdre les terres qu'ils avaient acquises récemment au moment de la privatisation en raison de la médiocrité de la production et de la baisse des revenus. Le résultat le plus important obtenu ces derniers temps par les centres de vulgarisation pour l'agriculture durable est que les agriculteurs en rapport avec ces centres ont augmenté leur production et ont même survécu à la grave sécheresse de 1998 et à la crise économique qui a suivi et sont toujours en activité.

II. MAASTRICHT ET APRÈS

Maastricht

6. Les participants à la Conférence de Maastricht ont exprimé des vues différentes concernant la définition, la portée, l'utilité, la valeur ajoutée et la couverture du caractère multifonctionnel de l'agriculture. Ils ont été d'avis que l'agriculture a des objectifs et des fonctions multiples dans le cadre de l'agriculture et du développement rural durable qui, par le truchement de politiques appropriées, peuvent promouvoir l'agriculture et le développement rural durables et doivent être bien ciblés, financièrement rationnels, transparents et ne pas provoquer de distorsions de la production et du commerce.

7. Les principaux objectifs de la Conférence de Maastricht étaient les suivants:

    1. faire le point, dans le contexte de l'agriculture et de l'utilisation connexe des terres, de l'application des principes formulés dans la Déclaration de Rio et le Programme Action 21;
    2. identifier les principaux problèmes et instruments à étudier, compte tenu de l'évolution constante de la nature de l'agriculture et de l'utilisation connexe des terres.

8. Il est nécessaire d'élaborer un cadre d'analyse cohérent pour mesurer les coûts et les avantages économiques, environnementaux et sociaux des liaisons entre les différents aspects de l'agriculture, compte tenu de la situation différente des régions et des pays et à l'intérieur des pays. L'analyse pourrait contribuer à mieux faire prendre conscience de ces liaisons et à y réfléchir et pourrait faciliter le choix de priorités pour les politiques, les processus, les institutions, les synergies et les arbitrages intéressant toutes les parties prenantes. Les participants ont également indiqué qu'il était nécessaire de faire l'inventaire des leçons apprises.

9. Les participants ont identifié les conditions suivantes qui sont nécessaires pour progresser dans la voie de l'ADRD:

Suite donnée à la Conférence de Maastricht

10. Les résultats des débats de Maastricht ont été communiqués à la Conférence de la FAO sous forme de document d'information (C99/INF/20) lors de sa trentième session tenue en novembre 1999. En ce qui concerne les travaux à venir, le Cadre stratégique 2000-15 pour la FAO adopté à la Conférence mentionne clairement qu'il est important d'évaluer le caractère multifonctionnel de l'agriculture et d'agir en conséquence, notamment aux paragraphes 69, 76 et 781.

11. En qualité de chef de file pour les Chapitres 10 et 14 du Programme Action 21 en ce qui concerne les ressources en terres, l'agriculture et le développement rural durables, la FAO a joué un rôle capital pour présenter les défis et les perspectives d'avenir à la huitième session de la CDD (avril 2000) et, plus tard, à sa dixième session (Rio+10) en 2002.

Conséquences pour la politique du commerce des produits agricoles et les négociations de l'OMC

12. Il est prévu à l'article 20 de l'Accord sur l'agriculture des Négociations d'Uruguay que les négociations en vue de la poursuite du processus de réforme dans l'agriculture devraient prendre en compte, notamment, les considérations autres que d'ordre commercial des membres de l'OMC, en particulier la sécurité alimentaire et la nécessité de protéger l'environnement. La nouvelle série de négociations de l'OMC sur l'agriculture sera probablement axée sur les principaux domaines de l'Accord sur l'agriculture, c'est-à-dire l'accès au marché, le soutien intérieur et les subventions à l'exportation, ainsi que les considérations autres que d'ordre commercial des membres, notamment le traitement spécial et différencié en faveur des pays en développement.

13. Le concept de "multifonctionnalité" n'a pas été retenu comme thème de négociation au sein de l'OMC. Les vues des pays concernant la multifonctionnalité dans le contexte des négociations de l'OMC sur l'agriculture sont variées et fortement divergentes. Les divergences portent en particulier sur la mesure dans laquelle la multifonctionnalité apparaît comme reconnue dans le cadre de l'Accord sur l'agriculture et sur la place à donner à ce concept dans les négociations à venir sur l'agriculture.

14. Un certain nombre de pays développés estiment que la mention des considérations autres que d'ordre commercial dans l'Accord sur l'agriculture englobe la "multifonctionnalité" et que l'agriculture, jouant un rôle unique pour remplir des fonctions multiples, devrait avoir droit à un certain degré de soutien public et au maintien d'un traitement spécial dans le contexte des négociations à venir de l'OMC. D'autres pays sont d'avis que les clauses de la "catégorie verte" de l'Accord sur l'agriculture ménagent une marge de souplesse suffisante pour traiter les considérations autres que d'ordre commercial légitimes et que l'article 20 demande une «réforme fondamentale» de l'agriculture de façon que les mesures nationales soutenant les fonctions multiples de l'agriculture ne faussent pas le fonctionnement des marchés mondiaux. Enfin, de nombreux pays en développement considèrent, vu l'expérience qu'ils ont acquise en matière d'application des engagements existants, et compte tenu de l'état général de sous-développement de leur agriculture, qu'une approche de l'agriculture orientée exclusivement vers le marché ne répondrait pas à leurs préoccupations particulières de développement socio-économique. Ils affirment donc la nécessité de laisser une certaine souplesse à la politique intérieure, notamment des modifications de la «catégorie verte» ainsi qu'un traitement spécial et différencié en faveur des pays en développement qui devraient faire partie intégrante des négociations.

15. Malgré les divergences existant entre les membres de l'OMC sur ces questions et d'autres, les négociations sur l'agriculture se sont ouvertes à la première session extraordinaire du Comité de l'agriculture qui s'est tenue à Genève les 23 et 24 mars 2000. A cette occasion, le Comité a adopté un programme de travail prévoyant deux phases de négociations: la première phase durera environ un an et sera consacrée à la présentation et à l'examen de documents techniques et aux propositions de négociations émanant des participants dans le cadre de l'article 20 ; cette phase se terminera par une réunion de bilan en mars 2001 une seconde phase de négociations proprement dites devrait aboutir à un nouvel accord.

III. QUELLES SONT LES "FONCTIONS MULTIPLES"
DE L'AGRICULTURE?

Quelques éclaircissements sur le caractère multifonctionnel de l'agriculture et des terroirs

16. Toutes les activités humaines ont un caractère multifonctionnel, c'est-à-dire qu'elles répondent à un ensemble varié de besoins et de valeurs de la société tout en remplissant la fonction première qui est leur raison d'être. Ainsi, l'agriculture a pour objectif fondamental de fournir des aliments et des matières premières à la société et permet aux exploitants de gagner leur vie. Il n'existe aucune définition acceptée au plan international du caractère multifonctionnel de l'agriculture, mais comme on l'a vu plus haut, cette expression apparaît dans plusieurs textes reconnus au niveau international. Le caractère multifonctionnel de l'agriculture et de l'utilisation connexe des terres doit être examiné pour les raisons suivantes :

17. Alors que les fonctions multiples de l'agriculture tiennent à sa nature même, il y a peu de temps que les programmes politiques sont axés sur les défis liés au renforcement et à l'exploitation de toute une gamme de fonctions. L'élargissement des programmes politiques est dû en partie à la lenteur avec laquelle on progresse vers une agriculture durable et en partie à la réévaluation du rôle de l'agriculture dans le développement économique qui est en cours dans de nombreux pays et régions (voir encadré 2).

18. Le caractère multifonctionnel de l'agriculture et des terroirs présente un intérêt particulier en Europe en raison de l'importance des questions de portée générale énumérées ci-après:


Encadré 2

On prend de plus en plus conscience, au niveau politique, du rôle permanent de l'agriculture et de l'utilisation des terres dans le développement des pays de toutes les régions, quel que soit leur niveau de revenu.

En Europe orientale et centrale, la politique agricole est axée depuis 10 ans sur la privatisation des terres et des entreprises rurales et la préparation à l'entrée dans l'Union européenne. Parallèlement, des millions de petites exploitations familiales luttent pour survivre dans la région et les pratiques agricoles durables restent un luxe pour nombre d'entre elles.

En Europe occidentale, en Amérique du Nord, dans les pays asiatiques riverains du Pacifique et dans les pays fortement industrialisés d'autres régions, les habitants vivant directement de l'agriculture ou de la terre sont relativement peu nombreux. Dans ces pays, on donne la priorité à une combinaison complexe de fonctions : production vivrière, fonctions environnementales culturelles et de loisirs.

Autres régions :

En Afrique, la contribution de l'agriculture à la satisfaction des besoins alimentaires et au développement économique suscite de fortes préoccupations depuis au moins une vingtaine d'années. La plupart des pays africains, ne pouvant guère espérer une industrialisation rapide, continueront de faire de l'agriculture un moteur de développement pendant l'avenir prévisible.

En Asie, on comptait fermement que l'agriculture jouerait un rôle de moins en moins important dans le développement national tandis que les pays s'industrialisaient rapidement. En raison de la crise économique qui a frappé le continent, de nombreux pays reconsidèrent le rôle que l'agriculture peut jouer pour couvrir les besoins de consommation intérieurs, fournir des matières agro-industrielles et stabiliser l'emploi en milieu rural. Elle peut servir de "volant" économique en période de crise de l'emploi et des approvisionnements alimentaires.

En Amérique latine, les questions critiques sont l'intégration verticale de l'agriculture dans l'économie et le passage de la production primaire aux agro-industries pour lesquelles les pays de la région jouissent d'un avantage relatif à long terme. Cependant, les pays ont toujours une agriculture à deux vitesses et des groupes considérables d'agriculteurs manquant de ressources et de ruraux pauvres ont besoin de moyens de subsistance basés sur la terre meilleurs et plus sûrs.

Sécurité alimentaire

19. La production de nourriture et d'autres produits primaires et la contribution à la sécurité alimentaire reste la fonction première de l'agriculture.

20. La sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active (Plan d'action du Sommet mondial de l'alimentation). La sécurité alimentaire, besoin général, est liée à de nombreux facteurs, notamment la gestion durable des ressources naturelles (agriculture, pêches et forêts), l'accroissement de la production, la politique à différents niveaux, les échanges internationaux, le maintien de la biodiversité, la protection de l'environnement, l'investissement, la paix et la stabilité. Les responsables politiques soutiennent massivement la réalisation de la sécurité alimentaire : 112 chefs d'État et de gouvernement (ou leurs adjoints) et plus de 70 représentants de haut niveau d'autres pays ont adopté la Déclaration de Rome sur la sécurité alimentaire mondiale et le Plan d'Action du Sommet mondial de l'alimentation en 1996.

21. La réalisation de la sécurité alimentaire est une tâche complexe qui requiert un environnement propice et des politiques assurant la stabilité et l'équité sociales, culturelles, politiques et économiques. Pour atteindre cet objectif, il est utile de bien comprendre les fonctions économique, sociale et environnementale de l'agriculture et d'orienter les politiques en conséquence. La sécurité alimentaire doit se réaliser au niveau national - en partie pour des raisons de stratégie et de souveraineté - mais aussi au niveau local et au niveau des ménages. La perspective multifonctionnelle englobe la gamme d'activités nécessaire pour assurer les recettes et les ressources indispensables à la viabilité des communautés et des ménages en milieu rural. En fait, la sécurité alimentaire constitue un préalable de la productivité à venir et de la stabilité locale.

La fonction environnementale

22. En sa qualité d'acteur et de gardien, l'humanité joue un rôle dynamique dans l'entretien et la viabilité de tous les écosystèmes. Comme tous les systèmes d'agriculture et d'utilisation des terres ont une incidence directe sur les composantes et le fonctionnement des milieux locaux, les écosystèmes sont presque tous devenus progressivement des systèmes aménagés.

23. L'agriculture et l'utilisation connexe des terres peuvent avoir des effets bénéfiques ou néfastes sur l'environnement. L'agriculture a les effets bénéfiques directs ci-après : réduction de la pollution grâce à la gestion des sols et de la végétation ; accroissement de la biomasse et de la fixation des éléments nutritifs grâce à la polyculture, à l'utilisation des terres et à l'application d'engrais ; enfin, renforcement de la résilience des écosystèmes au moyen de techniques de lutte contre l'érosion. On trouvera dans l'encadré 3 ci-après quelques exemples des effets positifs que l'agriculture peut avoir sur certains problèmes écologiques mondiaux.

24. Des pratiques comme l'utilisation excessive de produits chimiques, l'irrigation et le travail mécanisé du sol peuvent avoir des effets négatifs, principalement la pollution, la perte de résilience et de diversité des écosystèmes cultivés et l'absence de renouvellement des structures des sols qui rend les terres beaucoup plus vulnérables aux chocs extérieurs et affaiblissent leur capacité de se reconstituer.

25. La reconnaissance et l'analyse des fonctions environnementales peuvent contribuer à établir les meilleures liaisons possibles entre l'agriculture et les propriétés biologiques et physiques du milieu naturel. Il est indispensable de renforcer les capacités des institutions locales à assurer l'aménagement durable des ressources locales. Afin de stimuler l'investissement et la planification à long terme, les exploitants doivent être sûrs d'avoir des droits appropriés de propriété, d'accès organisé ou d'autres modes d'occupation des terres.


Encadré 3 - Sécurité alimentaire en Europe

Sécurité alimentaire et forêts : protection efficace, mise en valeur et utilisation durables des forêts et des parcours (Turquie)

Entre 1992 et 1998, diverses initiatives lancées dans le cadre d'un projet dirigé par la FAO ont favorisé la formation, la vulgarisation et les démonstrations sur le terrain de techniques améliorées ainsi que le renforcement des institutions, des politiques et de la législation et des activités dans ce domaine dans trois villages pilotes de zones forestières. Le projet visait à améliorer la sécurité alimentaire des ménages en favorisant diverses productions agricoles et en diversifiant les revenus. Les terres boisées dégradées ont été remises en état grâce à la construction de terrasses et à l'établissement de nouvelles plantations de cerisiers, de pommiers, de poiriers et de vignes. La modification des réservoirs, du stockage de l'eau et de l'irrigation a permis de réduire l'érosion et d'assurer un approvisionnement en eau régulier. La protection efficace, la mise en valeur et l'utilisation durables des ressources forestières et des parcours ont été assurées grâce au renforcement des capacités et institutions locales, à l'introduction de méthodes appropriées d'agroforesterie et à la sensibilisation des populations rurales et du grand public aux questions d'environnement.

Résultats: 1) Amélioration des connaissances, de l'expérience et des compétences techniques des spécialistes et des villageois en matière de foresterie communautaire et participative grâce à la formation ; 2) Élaboration de modèles appropriés d'aménagement participatif et intégré des ressources naturelles ; 3) Mise en place d'un cadre institutionnel, de politiques et d'une législation rationnels. À l'issue de ce projet pilote en faveur des terres fragiles de Turquie, 1378 personnes constituant 219 ménages bénéficient de revenus plus élevés, d'approvisionnements alimentaires plus surs et plus réguliers pendant toute l'année.

26. Bon nombre des études de cas présentées à la Conférence de Maastricht montrent comment on peut exploiter de façon très variée les fonctions multiples de l'agriculture et des terroirs et traiter les problèmes des effets sur l'environnement en utilisant mieux les ressources naturelles disponibles.

La fonction économique

27. L'agriculture reste un moteur important du fonctionnement et de la croissance de toute l'économie, même dans les pays très industrialisés. L'investissement peut avoir des incidences économiques en amont et en aval de l'agriculture. Du point de vue de la demande, l'agriculture requiert des intrants sous forme de travail, de services et de capital. Elle fournit à son tour des produits qui sont traités, transportés, commercialisés et distribués. Pour évaluer les diverses fonctions économiques, il faut prendre en compte les avantages obtenus à court, à moyen et à long terme. Le degré de complexité et de maturité atteint par le marché et le niveau de développement institutionnel ont une influence déterminante sur la fonction économique. Pour participer au développement économique, le secteur doit accumuler des capitaux grâce aux recettes réalisées sur les ventes de produits et de services, à de nouveaux apports de fonds (crédit et subventions) et à un accroissement de l'activité économique dû à de multiples effets boule de neige dans l'ensemble de la région.

28. Plusieurs études de cas montrent la large gamme d'avantages que peut offrir l'amélioration de la compréhension, de l'analyse et de l'exploitation des fonctions économiques de l'agriculture : amélioration de la sécurité alimentaire et de la nutrition, de la cohésion sociale, de la création d'emplois, de la position des femmes et de l'économie locale et nationale, effets positifs notables sur l'environnement et les ressources.


Encadré 4 - Cultiver l'environnement

Nature et agriculture: conservation et habitats de la faune sauvage dans les zones d'exploitation intensive (Allemagne)

Dans le cadre de ce programme, des stratégies et des mesures ont été étudiées pour sauvegarder et élargir les habitats de la faune sauvage dans les zones d'exploitation agricole intensive. Une fois que les ressources matérielles sont assurées grâce à des méthodes de culture durable, l'action est axée sur les ressources biologiques. L'objectif consiste à maintenir la spécificité des sites et les variations régionales des espèces. Des recherches scientifiques poussées sur la biodiversité et les équilibres écologiques ont été organisées dans cinq exploitations de différentes zones agroécologiques d'Allemagne pour suivre et évaluer les résultats obtenus.

Résultats: 1) Constatations positives concernant la biodiversité et la productivité; 2) Acceptation des stratégies de conservation de la nature par les agriculteurs qui prennent de mieux en mieux conscience de l'importance des zones agricoles pour les habitats de la faune sauvage; 3) Amélioration des connaissances concernant la biodiversité dans les zones agricoles d'Allemagne qui sont fréquemment publiées et diffusées dans les médias. Les expériences pratiques ont amené à créer des parcelles de végétation sauvage en association avec les cultures; trente parcelles de recherche établies sur 6 785 hectares en 4 ou 5 ans ont ainsi fait l'objet d'une surveillance intensive.

La fonction sociale

29. Le maintien de communautés rurales dynamiques est indispensable pour maintenir l'agroécologie et améliorer la qualité de vie (et même assurer la survie) des populations rurales, en particulier des jeunes. D'autre part, l'exploitation des connaissances locales et la création de rapports entre les sources locales et extérieures de connaissances spécialisées, d'informations et de conseils sont essentielles pour l'avenir des communautés rurales. La viabilité sociale comporte le maintien du patrimoine culturel. De nombreuses sociétés s'identifient toujours fortement aux communautés agraires et aux modes de vie ruraux d'où elles tirent leurs origines historiques.


Encadré 5 - Agriculture et développement économique

L'agriculture dans le parc national de Prespa, Grèce

Les agriculteurs de la région de Prespa (Grèce) produisaient principalement des haricots destinés à la vente, tout en pratiquant l'élevage et la pêche pour compléter leurs revenus. Le système traditionnel de gestion des terres contribuait utilement au maintien du patrimoine naturel: le bétail pâture dans les prairies humides et limite ainsi la croissance des roseaux créant des habitats précieux pour les oiseaux et les poissons. Le parc national a été créé pour protéger cet habitat original où niche la plus grande colonie de pélicans frisés (Pelicanus crispus) du monde.

L'adoption de méthodes de culture intensive destinées à accroître les rendements de haricots a entraîné la transformation des prairies en terres labourées, avec une forte augmentation de l'utilisation d'engrais et de pesticides. Ces méthodes ont eu un effet négatif sur les ressources aquatiques qui a entraîné la disparition des spatules, des ibis luisants et d'autres espèces sauvages. En 1993, diverses organisations ont commencé à encourager la culture organique des haricots, la diversification de la production agricole et le développement du tourisme basé sur la faune sauvage dans le parc.

Résultats: les rendements de haricots ont augmenté et la production organique a permis de vendre à des prix plus élevés; la pratique de l'écotourisme pendant toute l'année a créé des emplois locaux; l'éducation en matière d'agriculture durable et d'environnement a été utile aussi bien aux jeunes de la région qu'aux visiteurs; enfin, les communautés, les pouvoirs publics et le secteur privé se sont mis à collaborer pour prendre les décisions relatives aux infrastructures, aux investissements, aux questions sociales et à l'environnement.

30. Plusieurs études de cas montrent que les fonctions sociales de l'agriculture et des terroirs englobent de nombreux domaines, notamment l'organisation humaine, les mécanismes d'action collective, la mise en valeur du capital humain, les technologies appropriées et les connaissances locales, enfin la gestion collective. Les ressources humaines sont un élément capital pour une agriculture durable. Il existe de nombreux moyens d'encourager les hommes à connaître leur propre environnement et à en tirer parti plus efficacement, notamment l'éducation informelle (par exemple écoles de terrain pour agriculteurs) et les programmes de formation officiels. Le secteur privé peut jouer un rôle utile dans l'étude et l'exploitation des améliorations des capacités, des technologies et de l'organisation locales.

31. Au cours des dernières années, les programmes de gestion collective ont connu une expansion extraordinaire dans le monde entier, sous diverses dénominations: gestion communautaire, gestion participative, gestion conjointe, gestion décentralisée, gestion autochtone, participation des utilisateurs et cogestion. Ces initiatives ont été axées sur des processus d'apprentissage participatif et fondé sur les discussions pour l'aménagement des bassins versants, les systèmes d'irrigation, la fourniture de microfinancements, la conservation et l'utilisation des forêts et la lutte intégrée contre les ravageurs.


Encadré 6 - Agriculture et population urbaine

Une oasis urbaine: la ferme coopérative COBRAGOR (Italie)

La ferme COBRAGOR, coopérative exploitant des terres en location aux environs de Rome, offre toute une gamme de services aux citadins. Elle produit du blé, des olives, des fruits et des légumes d'été, de la viande et des œufs en appliquant des méthodes qui respectent l'environnement. Elle vend dans son magasin les produits frais ainsi que divers produits transformés comme le pain de campagne, l'huile d'olive, le vinaigre et du vin acheté à un autre agriculteur. Pendant le week-end, un restaurant est ouvert sur place et les gens peuvent se promener et jouer dans les champs et les vergers. Des balançoires et des toboggans sont à la disposition des enfants et il existe des installations pour les réceptions. Les écoles de la zone viennent passer une journée sur place pour apprendre à connaître la ferme et les animaux; un stage d'été permet aux enfants d'âge scolaire de récolter des légumes, de nourrir les animaux et de vendre les produits; enfin, un stage pratique pour les jeunes adultes ayant des difficultés à s'instruire a été organisé récemment.

Résultats: La ferme constitue un centre important de loisirs et d'éducation pour les citadins et leurs enfants; la qualité du sol s'est améliorée et la biodiversité est protégée; des produits agricoles de qualité supérieure sont mis en vente; les milieux politiques locaux ont reconnu la valeur sociale de l'entreprise qui répond aux besoins des populations locales, de sorte que la province a prolongé le bail de location des terres.

Interactions entre fonctions

32. Les fonctions multiples de l'agriculture et de l'utilisation des terres sont évidemment liées entre elles. Elles peuvent s'exercer à de nombreux niveaux: local, national, régional, mondial. Des fonctions différentes et leurs incidences peuvent également avoir des horizons temporels différents; en fait, certaines innovations et transformations peuvent entraîner des inconvénients à court terme, par exemple une baisse de la productivité, avant d'aboutir à long terme à des avantages économiques et environnementaux globaux. Situation encore plus complexe, les fonctions multiples peuvent avoir des incidences diverses qui varient dans le temps et l'espace. Il ressort des débats de diverses instances internationales que les valeurs et les buts de l'agriculture et de l'utilisation des terres ne sont pas toujours les mêmes dans les diverses régions ni même dans tous les pays d'une même région. Cette variété est particulièrement évidente dans les négociations relatives aux échanges internationaux.

33. Vu l'ampleur de la gamme de relations et d'interactions entre les diverses fonctions, une évaluation transparente des avantages, des synergies éventuelles et des arbitrages entre les solutions possibles est nécessaire pour prendre des décisions éclairées. Dans chaque cas, les avantages et les inconvénients potentiels peuvent être très nombreux. Le choix des mesures doit toujours être précédé d'un débat, de négociations et de compromis entre les communautés locales, les pouvoirs publics locaux et nationaux, les organismes techniques et les partenaires extérieurs. Les mesures et les initiatives peuvent alors être fondées sur un accord général, une évaluation conjointe des résultats probables et être périodiquement réexaminées renégociées. Il est donc évidemment important d'appliquer de meilleures méthodes pour évaluer les conséquences probables des grandes décisions et des mécanismes transparents d'évaluation et de choix publics. Cependant, un processus de planification n'entraîne pas nécessairement la centralisation des pouvoirs et des ressources mais les organismes publics peuvent néanmoins intervenir pour favoriser la négociation entre des intérêts divers et parfois opposés et coordonner les efforts de tous.

34. Toute planification visant à optimiser les fonctions multiples de l'agriculture et des terroirs doit rester axée sur la sécurité alimentaire qui comporte l'approvisionnement sûr des zones urbaines en pleine expansion. Les fonctions convergent sur ce thème puisqu'il est économiquement impératif de maintenir la production, qu'il est nécessaire d'aborder les questions d'environnement pour sauvegarder l'agriculture et les terres et que l'accès et la distribution de nourriture à tous les groupes, notamment les plus vulnérables et les plus frappés par l'insécurité, revêtent des dimensions sociales.

35. Afin de progresser dans la voie d'une agriculture et d'une utilisation des terres durables, il faut disposer d'un cadre plus satisfaisant pour comprendre les fonctions multiples de l'agriculture et des terroirs, leurs interactions, les compromis et les synergies potentielles. L'élaboration d'un cadre de ce genre et son utilisation pour guider la planification et les décisions sont étudiées dans la section suivante:

Pertinence du concept pour l'Europe

36. Ce concept a une valeur potentielle pour les raisons suivantes:

Autres perspectives concernant les fonctions multiples de l'agriculture

37. Diverses perspectives se sont dégagées au sujet des fonctions multiples - certains parlent de "multifonctionnalité" - de l'agriculture. Selon un point de vue actuellement proposé dans un document destiné à l'OCDE, la multifonctionnalité concerne des caractéristiques spécifiques du processus de production agricole et de ses produits. Les principaux éléments de la multifonctionnalité sont les suivants: i) l'existence d'extrants multiples (produits de base et autres biens) qui sont produits conjointement par l'agriculture; ii) le fait que certains des extrants autres que les produits de base présentent les caractéristiques d'externalité et/ou de bien public de sorte qu'aucun marché n'existe pour ces biens ou qu'il fonctionne mal2. Cette définition présente les fonctions multiples comme une caractéristique d'une activité économique, - dans ce cas l'activité agricole - et insiste sur les aspects publics de cette activité. Au contraire, une approche "normative" fait du concept un objectif politique.

38. L'agriculture et le développement rural présentent un aspect complémentaire qu'il est indispensable d'examiner: il s'agit des "aménités" rurales, à savoir "...une large gamme de structures naturelles ou construites par l'homme en zone rurale telles que la flore et la faune, les paysages aménités, les monuments historiques et même les traditions culturelles. Ces éléments de jouissance se distinguent des caractères plus ordinaires de la campagne car elles sont reconnues comme précieuses ou, en termes économiques exploitables"3. L'évaluation de ces aménités varie en outre selon que leurs caractéristiques sont considérées comme des biens publics ou biens privés.

39. Ces vues ne sont pas inconciliables avec la description et les définitions proposées plus haut puisqu'il s'agit de mieux décrire l'état présent de l'agriculture et des terroirs dans l'économie mondiale afin de mieux éclairer les débats et les décisions publics. Ces processus se situent au cœur même de l'administration et de la responsabilité des pouvoirs publics ainsi que de la durabilité, de l'économie et de la société en Europe ou ailleurs.

IV. RECOMMANDATIONS CONCERNANT L'ACTION À VENIR

40. Les données disponibles et les arguments présentés démontrent l'intérêt de la perspective multifonctionnelle. En ce qui concerne l'agriculture et le développement rural durables, le concept des fonctions multiples permet de mieux comprendre les facteurs capitaux pour renforcer la durabilité de l'agriculture. Les relations entre les différentes fonctions et leurs impacts peuvent être évaluées pourvu que l'on comprenne bien la complexité et la portée des systèmes d'agriculture et d'utilisation des terres, ce qui aide aussi à dégager les synergies et les arbitrages potentiels.

41. La possibilité de distinguer les fonctions de l'agriculture dans des contextes précis permet de dégager les orientations possibles des politiques et des activités à venir. La réalisation de l'objectif global du développement durable englobe l'amélioration de la sécurité alimentaire et le renforcement des synergies entre les fonctions environnementale, économique et sociale de l'agriculture et de l'utilisation connexe des terres. Les priorités et les processus d'établissement des priorités varient selon les pays et les choix entre les options possibles sont fonction des processus de décision officiels. Pour faire ces choix, il est également nécessaire d'évaluer les relations, les compromis et les synergies potentielles entre l'agriculture et les autres secteurs.

42. La conciliation de l'objectif majeur de la sécurité alimentaire avec les objectifs environnementaux représente peut-être le plus grand enjeu de l'agriculture et de l'utilisation connexe des terres durables. Tous ces objectifs ont naturellement un caractère international. En raison des fluctuations annuelles et des capacités relatives de production et de distribution des divers pays, la coopération et la collaboration entre les États et au niveau local et sous-régional sont nécessaires pour assurer la sécurité alimentaire. L'environnement présente aussi de nombreux aspects supranationaux en raison des dimensions temporelles et spatiales associées à la conservation de la diversité biologique, des plans d'eau ouverts, des bassins versants et de l'atmosphère. La durabilité apparaît clairement comme un problème régional dès que l'on comprend le rôle essentiel des grands écosystèmes (écorégions).

43. L'amélioration de la description et de l'analyse des fonctions multiples permet de mieux apprécier les nombreux avantages qu'apportent les divers aspects liés ou non à la production de l'agriculture et de l'utilisation des terres et l'importance d'instaurer un équilibre entre ces aspects. Il est utile de distinguer les fonctions économique, sociale et environnementale pour entreprendre le suivi et l'évaluation des résultats de choix particuliers.

44. Toutefois, les analyses fondées sur la perspective multifonctionnelle et les conclusions qui en ont été tirées n'ont encore qu'un caractère provisoire et préliminaire. Il est nécessaire d'examiner les idées au moyen d'une analyse plus fine d'exemples pratiques et de mettre au point des instruments de description et un cadre théorique qui permette d'organiser rationnellement l'énorme masse de données disponibles sur un thème sujet à des changements rapides et radicaux.

45. Les principaux domaines où les travaux doivent être poursuivis sont les suivants:

Rassemblement de données supplémentaires et perfectionnement des concepts

46. Un accord général s'est dégagé sur la nature des diverses fonctions de l'agriculture mais non sur leur importance relative et les relations entre elles. Il est donc nécessaire d'élargir les informations et d'affiner encore les idées étudiées pour préparer la Conférence de Maastricht en collaboration avec les organisations partenaires les plus actives dans ce domaine. Il faudrait entreprendre les travaux suivants de concert avec les institutions et les pays partenaires:

Mise au point de méthodologies et d'instruments

47. L'amélioration et la mise au point de méthodologies et d'instruments propres à être utiles à la politique et à la planification constitueront une tâche considérable. Il est en particulier nécessaire d'étudier une méthode pour évaluer les biens et les services extérieurs à la production primaire. Par exemple, l'évaluation des conséquences économiques des changements de l'environnement pour la biodiversité, les biotopes et les écosystèmes a fait de grands progrès ces dernières années. Ces progrès ont une incidence directe sur la conception et l'application des accords internationaux intéressant l'agriculture et l'environnement, notamment les différents accords commerciaux et les conventions concernant la biodiversité, le climat, la désertification et les eaux. On comprend aussi de mieux en mieux l'importance économique croissante d'autres services fournis dans les zones rurales comme le tourisme et les loisirs. L'évaluation d'autres services - notamment les dimensions esthétiques des paysages ruraux - n'en est encore qu'à ses tout premiers stades.

48. Les informations recueillies auront initialement des incidences surtout sur la politique officielle et les prises de décision au niveau national. L'analyse permettra d'établir des critères pour faire une distinction entre les dimensions publiques et privées des biens et services ruraux. Des améliorations de la législation, de l'administration, des investissements et des réglementations pourraient donc suivre.

Élaboration de lignes directrices: initiatives régionales et nationales

49. Afin que la méthodologie, les instruments et l'analyse soient efficaces, des expériences pratiques seront nécessaires au niveau régional et national. Les activités devraient servir à mettre à l'essai et à adapter les concepts, les instruments et les méthodologies aux besoins des pays développés ou en développement et elles devraient intéresser toute une gamme de parties prenantes participant à des opérations conjointes de planification et de décision.

50. En vue d'élaborer des lignes directrices utiles pour les décideurs et les parties prenantes au niveau national, les représentants des pouvoirs publics des organisations non gouvernementales du secteur privé et des organisations communautaires devront se consulter et travailler ensemble à mettre au point les méthodologies pratiques et les politiques les mieux adaptées à leur propre situation. Les méthodologies devront être utiles et accessibles aux pays en développement qui ont des ressources humaines et financières limitées.

51. L'objectif serait d'améliorer la qualité des débats publics, d'élargir l'éventail de solutions possibles et, en dernier lieu, de faire des progrès mesurables vers la durabilité grâce à des combinaisons appropriées de fonctions adaptées aux situations nationales et régionales. Afin que les résultats soient applicables au niveau mondial, les travaux initiaux porteraient sur plusieurs régions représentatives des économies postindustrielles, fortement industrialisées, en voie d'industrialisation et essentiellement agraires afin d'établir des modèles applicables à d'autres situations nationales et régionales.

Autres domaines à étudier à l'avenir

52. L'appréciation plus juste de l'importance relative des fonctions multiples dans des circonstances précises peut avoir des répercussions sur divers autres thèmes, notamment:

53. L'agriculture est bien mieux en mesure de remplir ses rôles traditionnels dès que les fonctions environnementales, économiques et sociales de l'agriculture elle-même et des terroirs sont reconnues. Toute avance ultérieure dans la voie de l'agriculture durable exigera un resserrement de la collaboration entre les institutions responsables de l'agriculture et de l'utilisation des terres, de l'économie, de la politique officielle et de la planification générale. La FAO, offrant une tribune neutre aux débats internationaux, continuera de se consacrer aux questions critiques pour l'avenir de l'alimentation et de l'agriculture.

_________________________________

1  Par. 69- "La FAO, dont l'éventail de compétences couvre notamment l'agriculture, les forêts et les pêches, de la politique aux ressources et de la production à la transformation et à la commercialisation, est une source majeure de conseils indépendants sur les politiques à adopter dans ces secteurs.... Elle est également bien placée pour donner des avis sur les compromis et les synergies entre la fonction de production agricole et les autres utilisations des terres".

Par. 76 - "Le bien-être des générations actuelles et futures est menacé, en particulier dans les pays en développement, par la dégradation des terres, la rareté, la pollution et la salinisation de l'eau, la destruction des forêts, la surexploitation des ressources marines du monde, l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre et l'appauvrissement des ressources génétiques et de la diversité biologique. Les écosystèmes fragiles sont les plus menacés. Le défi est de trouver un équilibre approprié entre la conservation et l'utilisation durable des ressources naturelles. Ceci suppose d'adopter des politiques et des mesures qui soient favorables à une gestion efficace et socialement opportune des ressources en terres et en eaux, ainsi que des ressources halieutiques et forestières, et soient propres à renforcer les effets positifs et limiter les effets négatifs sur l'environnement et les ressources naturelles, compte tenu du caractère multifonctionnel de l'agriculture. Cependant, les membres de la FAO ayant noté qu'il n'existait pas encore de consensus sur la définition du concept de caractère multifonctionnel de l'agriculture, ni sur le rôle que pourrait jouer la FAO dans les activités y relatives, il a été convenu que l'Organisation devrait poursuivre et étoffer son action en matière de développement agricole et rural durable."

Par. 78 - "Les programmes et politiques orientés vers la conservation et la mise en valeur des ressources naturelles échouent souvent, au moins en partie, car les ressources sont rares et soumises à des demandes concurrentes pour les besoins du développement. Plus la compétition pour les ressources s'intensifie, plus il devient nécessaire de mettre à profit les synergies positives entre les diverses fonctions de l'agriculture et les utilisations multiples des ressources, notamment la conservation au bénéfice des générations futures. La gestion intégrée des ressources naturelles vise à atteindre les deux objectifs de conservation et de développement, dans le contexte de l'évolution actuelle de la population (croissance et urbanisation en particulier)".

 

2 «Multifonctionnalité sous ses aspects de production, d’externalité et de bien public: résumé et conclusions» OCDE (Mars 2000), COM/AGR/APM/TD/WP(2000)2/PART4, p. X

3 Cultiver les aménités rurales: une perspective de développement économique, OCDE 1999, p. X