FO:AFWC/2000/7


 

COMMISSION DES FORÊTS ET DE LA FAUNE SAUVAGE POUR L'AFRIQUE

Point 9 de l'ordre du jour provisoire

DOUZIÈME SESSION

Lusaka (Zambie), 27-30 mars 2000

LA FORESTERIE ET LE PROTOCOLE DE KYOTO : LES QUESTIONS FONDAMENTALES

Note du Secrétariat


LES FORÊTS ET LA CONVENTION-CADRE DES NATIONS UNIES SUR LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES

1. La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques ("La Convention") a été adoptée en 1992 pour répondre aux préoccupations mondiales concernant le réchauffement de la planète. Elle vise à stabiliser la concentration de gaz à effet de serre (GES) dans l'atmosphère dans le but d'éviter les perturbations anthropiques du système climatique mondial. Au titre de la Convention, les parties s'engagent à dresser des inventaires nationaux des émissions de gaz à effet de serre et des puits, et à s'efforcer de respecter des objectifs volontaires de réduction des émissions. Une Conférence des Parties a été établie - les parties étant les pays signataires mentionnés à l'Annexe B à la Convention - afin de promouvoir l'application efficace de la Convention.

2. Dans le cadre de la Convention, une phase pilote pour les "activités exécutées conjointement" a été créée pour tester les objectifs de la Convention et en évaluer la faisabilité. Ces activités consistent en projets coopératifs entre les parties, visant à éviter, fixer ou réduire les émissions de GES. Les forêts ont un rôle important dans les flux nets entre la terre et l'atmosphère et servent de réservoirs en stockant le carbone dans la biomasse et les sols. Lorsque leur superficie ou leur productivité est accrue, elles servent de puits de carbone, entraînant une absorption majeure de CO2 de l'atmosphère. À l'inverse, elles servent de sources d'énergies lorsque la combustion et la pourriture de la biomasse et les perturbations du sol entraînent des émissions de CO2 et d'autres GES. Les changements d'affectation des terres (surtout le déboisement dans les zones tropicales) représentent actuellement près de 20 pour cent des émissions anthropiques de CO2 dans le monde. Les bonnes pratiques d'aménagement forestier peuvent entraîner des réductions nettes rentables des émissions de GES, soit en diminuant la contribution des forêts aux émissions mondiales nettes, soit en renforçant leur rôle de puits de carbone. En fournissant des matériaux et des combustibles renouvelables, ce qui permet d'utiliser moins de combustible fossile - et en maintenant leur rôle de réservoirs de carbone, les forêts peuvent contribuer à limiter durablement les changements climatiques.

3. L'ampleur des avantages tirés des activités du secteur forestier dépendra de la quantité de terre disponible, de l'amélioration de la productivité des forêts et des progrès techniques qui permettront d'exploiter et d'utiliser de façon plus efficace les produits forestiers.

4. Diverses pratiques d'aménagement forestier aident à ralentir l'accumulation de CO2 dans l'atmosphère:

5. La quantification de la contribution des forêts à la réduction des émissions de CO2 nécessitera la prise en compte globale des sources et des puits de carbone associés dans le temps et une analyse des autres critères environnementaux et socio-économiques qui influent sur les choix en matière d'aménagement forestier.

6. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) estime qu'entre 1995 et 2050, la fixation du carbone à l'échelle mondiale découlant de la réduction du déboisement, de la régénération des forêts et du développement accru des plantations et de l'agroforesterie pourrait correspondre à 12-15 pour cent des émissions de carbone des combustibles fossiles.

PROTOCOLE DE KYOTO

7. Quelque 10 000 délégués, observateurs et journalistes ont participé à la Conférence des Parties (CoP-3) organisée à Kyoto (Japon) en décembre 1997. La Conférence des Parties a adopté par consensus un engagement supplémentaire ayant force d'obligation, appelé "Protocole de Kyoto", dont les points essentiels sont les suivants:

MÉCANISME POUR UN DÉVELOPPEMENT PROPRE

8. Les pays en développement sont concernés par le mécanisme pour un développement propre, défini à l'article 12 du Protocole de Kyoto. Ce mécanisme autorise les pays visés à l'Annexe B à acheter des unités de réduction d'émissions de pays (en développement) non visés à l'Annexe B et de satisfaire ainsi les obligations en matière d'émissions industrielles par des réductions réalisées ailleurs.

9. Le mécanisme pour un développement propre vise également à aider les pays ne figurant pas à l'Annexe B à mettre en œuvre un développement durable et à obtenir des fonds leur permettant d'exécuter des activités de projet qui aboutiront à des réductions d'émissions certifiées de GES.

10. La participation à ce mécanisme est volontaire, les avantages liés à l'atténuation des changements climatiques doivent être réels, mesurables et durables. La réduction d'émissions ne pourra être certifiée que si elle s'ajoute à celle qui aurait eu lieu en l'absence de l'activité.

11. Les réductions d'émissions certifiées peuvent être accumulées ou vendues par les pays en développement respectifs à partir de l'an 2000 jusqu'au début de la première période couverte par le rapport (2008-2012), c'est-à-dire pendant huit années.

QUESTIONS NÉCESSITANT DES ÉCLAIRCISSEMENTS

12. L'étude de la foresterie s'est limitée jusqu'à présent aux questions de boisement, de reboisement et de déboisement (art. 3.3.). L'aménagement ni la conservation des forêts n'ont été inclus dans les débats et les négociations, et de nombreuses incertitudes doivent être levées, notamment en ce qui concerne les aspects ci-dessous.

13. L'Article 12 ne mentionne pas expressément dans quelle mesure la foresterie est incluse dans le mécanisme pour un développement propre.

14. En outre,

15. De nombreux termes utilisés ne sont pas définis avec assez de précision et aucune directive n'est donnée sur l'application du mécanisme.

16. Aucun lien n'est envisagé avec d'autres initiatives dans le contexte du débat international sur la foresterie (telles que critères et indicateurs) ou avec d'autres conventions pertinentes.

17. Les puits de carbone ne sont pris en compte que pour la période 2008-2012. Le protocole n'indique pas clairement comment l'impact des activités forestières durant la période allant de 1990 à 2008 sera traité. De même, en fixant l'année 1990 comme référence arbitraire pour la mesure des émissions de GES on risque de conférer un avantage aux pays qui ont coupé de grandes étendues de forêts avant 1990.

18. Le calendrier pour la mesure de la fixation du carbone dans les projets forestiers n'a pas été établi clairement. Des dates de mesures différentes aboutiront à des résultats différents.

19. Le GIEC n'a adopté aucune directive ni aucune norme convenue au niveau international pour les systèmes de mesure et de prise en compte.

20. On ne comprend pas clairement quelles variations des stocks de carbone sont évoquées à l'article 3.3 et l'inclusion d'activités anthropiques supplémentaires (article 3.4) rendra plus difficile encore la vérification de la comptabilisation du carbone.

21. Étant donné que les règles du GIEC ne spécifient pas de valeur minimale, il sera difficile de les appliquer d'un point de vue juridique (article 5).

22. La question du stockage du carbone dans les produits forestiers n'est pas envisagée et il n'est pas certain que cette question sera incluse.

23. L'établissement de plantations visant à servir de puits de carbone pourrait promouvoir la conversion des forêts secondaires ou primaires.

24. Les périodes d'engagement courtes de cinq ans chacune pourraient favoriser l'établissement de plantations d'arbres à croissance rapide qui ne garantiraient pas de stocks de carbone durables.

25. Certains pays sont favorables à la libéralisation des achats d'émissions tandis que d'autres préfèrent limiter les achats par les pays visés à l'Annexe B à 50 pour cent le niveau convenu de leur réduction d'émissions, afin que chaque pays doive limiter ses propres émissions aux 50 pour cent restants. Certains pays se sont déclarés préoccupés que les mécanismes JI et CDM ne puissent inciter à continuer à polluer l'atmosphère au lieu de motiver à réduire les émissions industrielles.

26. Pour mettre ces questions au clair, le GIEC prépare un "rapport spécial" qui sera prêt en mai 2000. Il est permis de penser qu'à la prochaine Conférence des Parties, en novembre 2000, certaines de ces questions auront été traitées.

RÔLE DE LA FAO

27. La FAO a établi un Groupe ad hoc interdépartemental sur le climat par rapport à l'agriculture et à la sécurité alimentaire, afin que la contribution de l'Organisation aux aspects techniques ainsi qu'au débat international sur les changements climatiques soit assurée.

28. En ce qui concerne les questions de foresterie, une Équipe spéciale départementale sur le rôle de la foresterie dans la fixation du carbone et sa substitution, a été établie. Elle collabore étroitement avec le Groupe ad hoc et traite des questions de foresterie dans le contexte des changements climatiques.

29. La FAO vient en aide au GIEC et au Secrétariat de la Convention par des avis en matière de terminologie et de cohérence des définitions et des méthodes et l'examen du rapport spécial qui sera soumis en mai 2000 et elle participe en tant qu'observateur aux diverses réunions de la Conférence des Parties.

30. La FAO diffuse des informations aux États Membres sur les perspectives du secteur forestier dans le cadre du Protocole de Kyoto. Deux publications régionales ont été préparées portant : l'une sur les possibilités et les contraintes des investissements pour la compensation des émissions d'oxyde de carbone dans le secteur forestier dans la région Asie-Pacifique, publiée en mai 1998 et l'autre sur le Protocole de Kyoto et le mécanisme pour un développement durable, publiée en avril 1999. Une troisième publication pour l'Afrique est en cours de préparation.

31. Des projets seront formulés pour soutenir les pays qui souhaitent entreprendre des activités dans la cadre du Protocole de Kyoto, comme celui sur la stratégie forestière pour l'Amérique centrale.

32. La FAO dirige des ateliers nationaux et régionaux sur cette question, comme au Honduras en octobre 1999.

33. Sur la base de son mandat international, la FAO se présentera comme partenaire pouvant contribuer:

34. Une réunion d'experts devrait être organisée par la FAO en collaboration avec d'autres donateurs en l'an 2000. Elle sera chargée d'examiner certaines des questions évoquées dans cette section.

RÉSUMÉ ET PERSPECTIVES

35. Le Protocole de Kyoto sera valable s'il est ratifié par 55 pays signataires au moins, responsables tous ensemble d'au moins 55 pour cent des émissions totales de gaz carbonique des pays industrialisés en 1990. On constate toutefois que des progrès sont réalisés dans la voie de l'application du mécanisme du développement propre.

36. En 1997, la Banque mondiale a créé un fonds d'investissement dans le carbone dont le montant total était de 150 millions de dollars E.-U. Le Conseil mondial des entreprises pour le développement durable a créé un Centre d'échange pour les sociétés intéressées par des initiatives de compensation en matière d'émission de carbone. Au 30 août 1998, 97 projets AIJ étaient en cours, dont 14 dans le secteur forestier.

37. La question de la fixation du carbone a déjà été incorporée dans le programme opérationnel du Fonds pour l'environnement mondial (GEF/c.1314). Les critères fixés par les conventions sur la biodiversité et l'eau, ainsi que les principes de bonne gestion forestière, sont les conditions préalables nécessaires aux projets en matière de compensation des émissions de carbone.

38. À l'heure actuelle, environ 4 millions d'hectares de forêts dans le monde sont aménagées avec un financement destiné à limiter l'émission de GES.

39. On estime que la valeur annuelle potentielle des compensations des émissions de carbone des tropiques par le mécanisme pour le développement propre est d'au moins 840 millions de dollars E.-U. Par conséquent, même si les processus de clarification et de légalisation prennent énormément de temps, les achats de compensation des émissions de carbone deviendront certainement un des outils permettant de financer certaines opérations forestières dans les tropiques.

40. Il importera, surtout pour les projets forestiers au titre du mécanisme CDM, de veiller à ce que sa mise en œuvre respecte les concepts d'aménagement forestier durable et les autres instruments et conventions de foresterie convenus au niveau international ayant force obligatoire comme la Convention sur la diversité biologique, la Convention relative aux zones humides d'importance internationale et la Convention sur la désertification. Une fois devenu pleinement opérationnel, le mécanisme CDM pourra ouvrir des possibilités de financement aux pays africains intéressés par le reboisement.

AVIS DEMANDÉS

41. Compte tenu de l'importance actuelle et future de cette question, le Département des forêts de la FAO s'efforce d'accroître ses activités relatives à la contribution des forêts à l'atténuation des changements climatiques. Il se propose de renforcer sa capacité en matière d'avis et de conseils aux États Membres pour qu'ils puissent tirer le meilleur parti des possibilités nouvelles offertes dans le cadre du Protocole de Kyoto.

42. Les observations et les recommandations de la Commission seront les bienvenues.