FO:AFWC/2000/2


 

COMMISSION DES FORÊTS ET DE LA FAUNE SAUVAGE POUR L'AFRIQUE

Point 3 de l'ordre du jour provisoire

DOUZIÈME SESSION

Lusaka (Zambie), 27 - 30 mars 2000

SITUATION DES FORÊTS ET DE LA FAUNE SAUVAGE EN AFRIQUE

Note du Secrétariat


INTRODUCTION

1. De nombreux pays africains prennent une part active au débat actuellement en cours dans le monde sur la gestion durable des forêts, qui vise à concilier les fonctions et les valeurs économiques, environnementales, sociales et culturelles des forêts pour le bien des générations présentes et futures1. Comme l'indique le Chapitre 11 du programme Action 21 de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED) et les Principes relatifs aux forêts2 qui la complètent, ces pays se sont engagés à lutter contre le déboisement, ce qui signifie que la gestion durable des forêts doit être vue comme partie intégrante des stratégies globales établies par les pays en faveur de la croissance économique, de la justice sociale dans le développement et de la durabilité environnementale.

2. L'ensemble du continent africain est confronté à des difficultés et à des conditions communes: le fardeau de la dette et les contraintes qu'il provoque; l'instabilité politique et les conditions qui en résultent; la nécessité de disposer en temps voulu d'une information fiable; la nécessité de lancer une vaste campagne d'éducation sur les fonctions écologiques des forêts et sur les biens et services qu'elles fournissent; et la nécessité d'instaurer des programmes de protection sociale propices à une gestion durable des forêts.

SITUATION DES RESSOURCES FORESTIÈRES ET DE LA FAUNE SAUVAGE DE L'AFRIQUE

COUVERT FORESTIER

3. L'Afrique représente près de 23 pour cent de la superficie des terres de la planète et abrite 13 pour cent de la population mondiale.

4. Elle possède 15 pour cent des forêts mondiales et environ 5 pour cent des plantations forestières. Les forêts couvrent une superficie totale de 520 millions d'hectares, soit près de 18 pour cent des terres émergées de l'Afrique. La superficie forestière par habitant (0,7 ha) est plus importante que celle de l'Asie (0,1 ha), mais ne représente que la moitié de celle de l'Europe (1,3 ha) et de l'Amérique du Nord et centrale (1,2 ha) et elle est nettement inférieure à celle de l'Amérique du Sud (2,7 ha) et de l'Océanie (3,2 ha)3.

5. Le continent compte trois grandes zones de végétation: les zones arides et semi-arides, la zone des futaies tropicales et la zone subtropicale. Ces trois grandes catégories se décomposent à leur tour en huit zones écogéographiques, possédant chacune ses écosystèmes forestiers, ses ressources ligneuses et non ligneuses, sa diversité biologique et génétique, ses réalités sociales et sa dynamique de développement. Les contours des différentes zones de végétation naturelle ne correspondent pas à ceux des juridictions politiques. Toutes les zones, même les écosystèmes désertiques, ont leur importance.

6. Pour les forêts comme à bien d'autres égards, l'Afrique est un continent caractérisé par la diversité. Elle compte des pays possédant certaines des forêts les plus riches de la planète, d'autres où les essences intéressantes sont rares et d'autres encore, dits "pays à faible couvert forestier", où la terre est fortement dénudée. Certains pays ne possèdent qu'un patrimoine forestier modeste, certains abritent une forêt décidue sèche, dans d'autres ce sont les écosystèmes de savane, avec des arbres clairsemés et des arbustes, qui dominent. Tous les types de forêt se prêtent à des utilisations de subsistance locales.

7. L'Afrique centrale (204,7 millions d'ha) et l'Afrique de l'Ouest humide (46,3 millions d'ha) abritent la majeure partie des forêts humides denses du continent4. À lui seul, le bassin du Congo couvre 210 millions d'hectares5. Un certain nombre de pays ont compensé le manque de forêts naturelles en établissant des plantations forestières. Toutefois, en règle générale et exception faite de l'Afrique australe, le rythme d'établissement des plantations forestières est nettement inférieur à celui du déboisement.

8. Les arbres hors forêt constituent d'importantes sources de bois et d'autres produits. Si les régimes de faire-valoir des terres et des arbres étaient modifiés et si des mesures appropriées, y compris la fourniture de services de soutien, étaient adoptées, ces arbres pourraient apporter une contribution beaucoup plus importante aux économies locales. Dans de nombreux pays, les communautés locales participent activement à la conservation et à la gestion des arbres.

RESSOURCES DE LA FAUNE SAUVAGE ET DE LA FLORE

9. L'Afrique est connue pour la grande diversité de ses ressources animales et végétales. À lui seul, le bassin du Congo compte 400 espèces de mammifères, pas moins de 1 000 espèces différentes d'oiseaux et 10 000 espèces végétales, dont 3 000 sont endémiques. En 1992, plus de 2 000 espèces de plantes, dont une constituant une découverte pour la science, ont été relevées au cours d'une enquête de prospection de deux semaines dans la réserve forestière de Ziama en Guinée (W. Butzler, remarque personnelle). Les volcans Ruwenzori, Kilimandjaro et Karthala abritent des plantes inconnues ailleurs.

10. La faune sauvage joue un rôle important dans le maintien du couvert forestier. Les oiseaux mangent les insectes ravageurs et assurent également la propagation des graines d'arbres, favorisant ainsi la régénération naturelle des forêts. L'absence anormale d'oiseaux dans un écosystème signale clairement que l'état de santé ou d'intégrité de cet écosystème est menacé ou que la chasse y est pratiquée abusivement. Dans les écosystèmes arides et semi-arides, les mammifères prédigèrent les semences de certaines essences, comme Balanites aegyptiaca et Acacia tortilis, qui, sans cette aide, germineraient moins facilement ou pas du tout.

11. Nos connaissances de la diversité biologique des forêts africaines (variété des écosystèmes, essences et ressources génétiques ainsi que leurs interactions) demeurent très lacunaires. Plusieurs initiatives tentent actuellement de recueillir des renseignements sur les différents niveaux de diversité des forêts et des arbres, sur l'état et les tendances de la conservation et sur la contribution de la diversité biologique au développement socio-économique général.

CONTRIBUTION DES FORÊTS AUX ÉCONOMIES NATIONALES

LA FILIÈRE BOIS ET LES INDUSTRIES FORESTIÈRES

12. Le commerce des produits forestiers représente 2 pour cent de la valeur totale du commerce de l'Afrique. Pour certains pays (par exemple le Cameroun et le Ghana), ce pourcentage est nettement plus élevé, puisqu'il se situe entre 15 et 48 pour cent de la valeur totale des exportations. En 1998, la production de bois de sciage de l'Afrique était estimée à 8,03 millions de mètres cubes par rapport à une production mondiale de 415,42 millions de mètres cubes6. L'Afrique est un importateur net de la plupart des produits ligneux industriels, mais elle est un exportateur net de bois rond industriel.

13. Une nouvelle tendance à limiter les exportations de grumes des sous-régions d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique centrale a récemment vu le jour. Le Ghana et la Côte d'Ivoire, notamment, ont pris des mesures dans ce sens en 1996 et 1997 respectivement, qui ont entraîné une augmentation de la production de sciages et de contreplaqués ainsi que des produits de transformation dans ces pays, mais ont provoqué également un fléchissement des cours des grumes pour les propriétaires forestiers, la dévaluation de leurs ressources forestières et des effets négatifs sur la gestion des forêts. L'amélioration de la qualité des produits manufacturés sur le plan local pour qu'ils répondent aux normes commerciales internationales devrait désormais constituer une priorité pour ces pays. Au Cameroun, le débat sur les restrictions frappant les exportations de grumes est houleux, mais les parties prenantes y sont au moins associées. Le Gabon continue d'exporter d'importantes quantités de grumes.

14. En 1997, la part des pays d'Afrique du Nord dans les importations de bois du continent était de 71 pour cent, tandis que, à elle seule, l'Afrique du Sud a produit 79 pour cent de la pâte à papier de la région. Exception faite du Kenya, du Nigéria, de l'Afrique du Sud, du Swaziland, de la République-Unie de Tanzanie et du Zimbabwe, tous les pays de l'Afrique subsaharienne importent la quasi-totalité du papier dont ils ont besoin.

DENDROÉNERGIE

15. Les populations africaines, en particulier en Afrique subsaharienne, font plus que jamais appel au bois pour couvrir leurs besoins d'énergie domestique. La consommation de bois de feu et de charbon de bois a augmenté de façon considérable entre 1980 et 1998. On prévoit que cette tendance se poursuivra, sous la poussée de la croissance démographique et des politiques macroéconomiques. Sur les 603 millions de mètres cubes de bois rond produits dans la région en 1998, 86 pour cent étaient sous forme de bois de feu et de charbon de bois. Les tendances actuelles laissent présager que le bois de chauffe continuera d'être la principale source d'énergie des ménages en Afrique dans un avenir prévisible.

PRODUITS FORESTIERS NON LIGNEUX

16. On reconnaît de plus en plus, dans le monde entier et en particulier en Afrique, l'importance des produits forestiers non ligneux (PFNL) pour l'économie nationale et rurale. Ces produits comprennent des aliments comme les condiments, le gibier, le miel, les fruits, les noix, les légumes et les champignons; et des produits non alimentaires comme les résines, les colorants, les tannins, les gommes, les parfums, les herbes médicinales, les bâtons à mastiquer, le fourrage tiré des arbres, le rotin, le bambou, les fibres et les matériaux d'emballage. Certains PFNL, comme le vin de palme ou toddy et les noix de kola (kola nitida), outre leur importance économique, présentent également un intérêt socio-culturel. La plupart des PFNL sont d'une importance majeure pour une question de subsistance plus que du point de vue de la commercialisation. Si l'on saisit désormais l'importance des PFNL pour la subsistance des communautés rurales, des efforts systématiques pour quantifier cette importance font encore défaut, et cette carence compromet les interventions permettant d'accroître leur contribution.

17. Les forêts naturelles de l'Afrique fournissent des médicaments d'une grande valeur réelle et potentielle. Par exemple, les extraits de Prunus africana, Warburgia salutaris et Garcinia sp. sont d'ores et déjà d'une importance socio-économique considérable.

FAUNE SAUVAGE

18. Les ressources de la faune sauvage des forêts africaines jouent un rôle économique important et peuvent contribuer au développement socio-économique du continent. La faune sauvage, sous toutes ses formes, est largement exploitée pour la nourriture dans la majeure partie de l'Afrique. Dans la plupart des régions d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique centrale, le gibier, le poisson des cours d'eau forestiers et une grande variété d'insectes fournissent des suppléments de protéines importants pour le régime alimentaire local. Au Ghana, au Togo, au Bénin et au Nigeria, on estime que la viande de chasse représente des échanges dont la valeur se situe entre 150 et 160 millions de dollars É.-U. La Sierra Leone, le Libéria et la Guinée tirent également une part importante de leurs besoins en protéines de la viande de chasse. Des études récentes ont révélé que la viabilité de ce commerce du gibier était en grande partie compromise.7

19. Une exploitation contrôlée des ressources de la faune sauvage peut constituer un moyen important d'assurer une utilisation et une conservation durables des terres dans la région et elle occupe une place de choix dans le débat en cours sur l'environnement.

ÉCOTOURISME

20. Outre le tourisme axé sur l'observation ou la chasse de la faune sauvage, d'autres formes d'écotourisme connaissent une popularité grandissante dans le monde entier. De nombreux citadins africains et habitants de l'hémisphère nord partent avec enthousiasme à la découverte des écosystèmes des forêts ombrophiles et des déserts africains, non seulement pour y observer des animaux sauvages, mais également pour en apprécier la diversité géographique et la beauté naturelle.

21. L'écotourisme représente non seulement une source potentielle de revenu mais également l'occasion d'initier à la fois les visiteurs et leurs hôtes aux phénomènes naturels, aux écosystèmes et à l'écologie et de les rendre conscients de la nécessité d'une bonne gestion et d'une bonne utilisation des ressources forestières. Ce tourisme peut également déboucher sur un rapprochement entre différentes cultures.

LES RESSOURCES FORESTIÈRES ET FAUNIQUES DE L'AFRIQUE MENACÉES

22. De lourdes menaces pèsent sur les forêts africaines. La conversion des forêts en terres agricoles, les incendies non contrôlés, le pâturage, les opérations de coupe, le ramassage du bois de chauffe et la production de charbon de bois pratiqués sans égard à la capacité des terres entraînent une diminution du couvert forestier, une augmentation de l'érosion, un affaiblissement de la capacité productive, la perte de diversité biologique et de ressources génétiques des phénomènes qui sont fréquemment le résultat ou l'une des causes de troubles civils. Depuis les années 40, l'habitat de la faune sauvage disparaît à un rythme soutenu sous l'effet du déboisement.

23. La disparition et la dégradation des forêts ont de graves répercussions sur les économies nationales de nombreux pays africains, en particulier ceux où l'agriculture, l'élevage et le tourisme sont par ailleurs les secteurs dominants. En l'absence de forêts et d'autres formes de végétation en bonne santé, aucune de ces activités n'est viable, non seulement dans les pays où elles sont implantées, mais également très loin en aval. Par exemple, le déboisement et la dégradation des forêts dans le Fouta-Djalon, Guinée, affecte les rendements hydriques dans au moins 17 pays, sans parler de leurs effets sur le climat de la planète.

24. D'après les estimations, le taux de perte de couvert forestier du continent a été de l'ordre de 10,5 pour cent entre 1980 et 1995, un pourcentage nettement supérieur à celui relevé pour l'ensemble des pays en développement. Le taux annuel de déboisement au cours de la période 1990-1995 était de 0,7 pour cent pour l'Afrique, soit plus du double de la moyenne mondiale, qui est de 0,3 pour cent.8 Il s'agit d'une situation préoccupante qui réclame une attention particulière.

25. Le déboisement et la dégradation des terres et des forêts sont essentiellement le produit de l'activité humaine: défrichage des forêts pour l'expansion des terres agricoles, ramassage irrationnel du bois de feu, opérations de fabrication du charbon de bois et de récolte du bois d'œuvre. Parmi les autres causes, on peut citer le surpâturage, les feux de forêt, la réinstallation des populations et l'extraction minière. Les causes naturelles de perte de couvert végétal comprennent les sécheresses fréquentes, la désertification, l'ensablement, les feux naturels, les chablis et la salinisation. Une grande partie de l'Afrique est sujette à une alternance de sécheresses et de pluies abondantes. Si ces zones ont une grande capacité de récupération, la surpopulation et d'autres facteurs liés aux activités de l'homme ont fortement aggravé la situation provoquée par la dernière grande sécheresse.

CAUSES DU DÉBOISEMENT ET DE LA DÉGRADATION DES FORÊTS

Guerres civiles et instabilité politique

26. Au cours des dernières décennies, les conflits civils et les flux de réfugiés qui en ont résulté ont infligé d'importants dommages aux forêts africaines, y compris les aires protégées. Les camps de réfugiés sont parfois situés à proximité des réserves forestières où les réfugiés peuvent cultiver la terre, chasser et ramasser le bois de feu. Des Maliens expulsés d'autres pays ont été autorisés à s'installer à l'intérieur ou à proximité de réserves forestières au Mali, la plupart des autres terres faisant encore l'objet de revendications.

27. En 1999, des conflits civils, déclarés ou non, faisaient rage dans 15 pays africains. Les groupes rebelles lancent fréquemment leurs opérations depuis les zones boisées, y compris les plantations forestières. À titre d'exemple, les rebelles occupent les montagnes de Rwenzori en Ouganda depuis 1997, empêchant toute activité de conservation; en décembre 1999, l'UNESCO a ajouté ce site à sa Liste des sites du patrimoine mondial en danger. Dans bien des endroits, le paysage rural est truffé de mines terrestres qui mutilent ou tuent les humains et les animaux sauvages.

Facteurs démographiques

28. Les pays africains se caractérisent par des taux de croissance démographique annuels élevés, une population rurale nombreuse, une urbanisation accélérée et des revenus par habitant faibles. L'épidémie de SIDA a des répercussions négatives sur les économies, y compris sur le secteur agricole, et ses conséquences directes et indirectes sur le secteur forestier n'apparaissent pas encore clairement. Ces changements démographiques, conjugués à d'autres facteurs, entraînent une demande en terres cultivables, en bois de feu, en piquets, en nourriture, etc. nettement supérieure à la capacité d'approvisionnement des forêts. La plupart des pays à faible revenu et à déficit vivrier (PFRDV) de la région sont également des pays à faible couvert forestier; ils n'en utilisent pas moins leurs maigres ressources forestières pour satisfaire les besoins essentiels. De vastes zones en périphérie des centres urbains ont été dépouillées de leurs arbres et de leur couvert forestier pour fournir de l'énergie. La fertilité de ces terres s'en trouve réduite et l'agriculture devient de moins en moins attrayante ou praticable.

Prise de conscience des problèmes et mesures incitatives

29. Pour enrayer le déboisement et la dégradation des forêts, il faudra à la fois prendre davantage conscience de la valeur des biens et services multiples et des fonctions écologiques fournies par des écosystèmes forestiers sains et mieux maîtriser les technologies améliorées permettant d'accroître la production alimentaire en dehors des zones forestières. Si l'on a déjà largement pris conscience de l'importance des forêts, les mesures incitatives prises ne suffisent pas à mener une action efficace. Même si les effets en aval d'activités locales sont connus (comme l'envasement des retenues d'eau, la destruction des mangroves et des récifs de corail, les inondations dues à des techniques agricoles inappropriées sur des terres en pente abrupte et la contamination de l'eau potable par le bétail ou par un emploi excessif des engrais chimiques), les possibilités de prévention de ces effets sont limitées en l'absence de politiques et de mécanismes d'incitation appropriés.

30. Il faut de toute évidence mener, à tous les niveaux, une vaste campagne d'éducation et de sensibilisation pour mieux faire connaître les fonctions écologiques des forêts et les biens et services qu'elles offrent actuellement ou qu'elles peuvent fournir à l'humanité. Il faut pour cela, notamment, procéder à un examen des programmes de formation et d'enseignement pour les administrateurs des ressources forestières, en insistant sur les nouvelles compétences dans les domaines de la sociologie rurale, des communications, du transfert de technologies, de la conservation de la diversité biologique et des approches participatives. La FAO a amorcé ce processus dans plusieurs pays choisis d'Afrique de l'Ouest.

POLITIQUES ET LÉGISLATION

31. Par le passé, les initiatives en matière de politiques forestières présentaient généralement un caractère sectoriel étroit. De surcroît, de nombreux pays ne sont pas dotés d'un cadre réglementaire et législatif adéquat de nature à soutenir et faciliter la gestion locale des forêts et une approche de la planification et de la mise en œuvre des initiatives forestières faisant appel à toutes les parties prenantes. Cependant, la foresterie est de plus en plus replacée dans le contexte du développement rural et le rôle des forêts dans la satisfaction des besoins locaux de biens et services retient de plus en plus l'attention.

32. Soucieux d'établir un lien plus étroit entre les préoccupations environnementales et le développement social et économique, le programme Action 21 de la CNUED adopté en 1992, prône une approche intersectorielle pour l'analyse et la formulation des politiques. Dans le cadre des programmes forestiers nationaux, de nombreux pays africains ont entrepris des réformes de leurs politiques. Dans le cas du Cameroun, du Ghana, du Sénégal et de la République-Unie de Tanzanie, ces initiatives ont donné d'excellents résultats, mais les progrès dans d'autres pays ont été entravés par le manque de stabilité politique et institutionnelle, l'absence de compétences techniques suffisantes et la pénurie de ressources financières.

33. Lors de la consultation des experts africains en matière de politiques qui s'est tenue à Accra (Ghana) en octobre 1995, l'échec des politiques forestières a été imputé à l'emploi d'instruments de projet reposant sur l'aide extérieure quand l'accent devrait être mis sur l'élimination des obstacles locaux, la création de systèmes d'incitation et la mise au point de stratégies à moindres coûts.

34. Les instruments de réglementation juridiquement contraignants fondés sur les lois forestières, les constitutions nationales et la révision des cadres juridiques régissant les droits de propriété ont été les outils de politique les plus fréquemment utilisés. Il existe une deuxième catégorie d'instruments de politique, composée d'instruments économiques, financiers et commerciaux, qui visent généralement à favoriser une planification appropriée de la gestion des forêts à travers un système d'incitations et de pénalités. L'éco-étiquetage et la certification forestière comptent au nombre de ces instruments.

INSTITUTIONS FORESTIÈRES

35. Les tendances actuelles font apparaître un accroissement de la gestion axée sur la collectivité, de la participation, de la décentralisation de l'administration des forêts et, dans certains cas (notamment en Afrique australe), de la privatisation. Des liens plus étroits sont en train d'être forgés entre le secteur privé et la communauté et les associations de fermiers (par exemple systèmes de plantations satellites en Afrique du Sud). Dans certains pays, les institutions publiques doivent réexaminer la façon dont elles s'acquittent de leurs missions respectives dans ce nouveau cadre. Dans la plupart des pays, les départements du tourisme, des forêts et de la faune sauvage relèvent de ministères différents dont les politiques et/ou les programmes sont mal coordonnés et harmonisés. Cela aboutit fréquemment à une situation de cloisonnement ou de discordance entre les politiques et les lois pertinentes.

36. Il faut également mettre en place un cadre de professionnels et de techniciens bien formés. On reconnaît aujourd'hui que de nombreux pays africains ont des capacités institutionnelles dans le secteur des forêts nettement inférieures au minimum nécessaire pour planifier et mettre en œuvre le programme Action 21. Il semble notamment qu'il faille mettre en place une capacité d'analyse intersectorielle. Les programmes d'ajustement structurel, en imposant un gel sur le recrutement de nouveaux fonctionnaires, ont eu à cet égard des conséquences fâcheuses.

37. Pour que les politiques forestières soient appliquées avec succès, des systèmes solides de collecte, d'analyse et de diffusion de l'information et des données doivent être mis en place pour garantir un retour d'information en temps opportun aux cabinets des ministres, aux législateurs et aux décideurs des pays. Malgré des améliorations considérables, de nombreux pays africains accusent encore un déficit d'informations fiables et communiquées en temps opportun sur la situation et le potentiel de leurs ressources forestières. L'évaluation des ressources forestières 2000 de la FAO (FRA 2000), l'Étude sur les perspectives forestières pour l'Afrique (FOSA), un projet de collecte des données appuyé par l'Union européenne et d'autres initiatives récentes visent à apporter des solutions à ce problème. Il est toutefois urgent de renforcer les capacités nationales, de recueillir, analyser et exploiter l'information pour la prise de décisions et la planification. Les progrès des technologies de l'information offrent désormais les outils nécessaires, mais des efforts systématiques devront être engagés pour en tirer pleinement parti.

RECHERCHE

38. Au cours des 15 dernières années, les capacités de recherche dans le domaine des forêts et les résultats de cette recherche ont accusé un recul important. En fait, dans certains pays, la recherche forestière est au point mort. Les pays africains attendent beaucoup des initiatives régionales et continentales destinées à relancer la recherche forestière et réclament notamment la mise en place urgente du Réseau de recherche forestière pour l'Afrique subsaharienne (FORNESSA) qui depuis cinq ans environ en est encore au stade de la planification. Le Programme spécial pour les pays en développement de l'IUFRO (IUFRO/SPDC) met actuellement au point des stratégies pour accroître les capacités institutionnelles par le biais d'organisations de recherche régionales et sous-régionales. Pour que la foresterie puisse bénéficier des progrès de la science, il faut absolument investir dans la recherche.

39. Le Programme de renforcement des capacités pour la recherche forestière (CBFR) de l'Académie africaine des sciences a apporté une contribution importante à ce secteur. Ce programme complète les activités prévues pour le Réseau FORNESSA, puisqu'il se concentre sur les chercheurs individuels et sur la création de réseaux de scientifiques, alors que le Réseau FORNESSA vise davantage le renforcement des capacités institutionnelles. Toutefois, compte tenu de l'ampleur des besoins en matière de renforcement des capacités humaines et institutionnelles en Afrique, la coordination et le partenariat entre le Programme CBFR, le Réseau FORNESSA et le Programme Capacité 21 du PNUD sont essentiels.

PARTICIPATION AU DÉBAT MONDIAL SUR LES FORÊTS

40. La participation des pays africains au dialogue mondial de politique générale a jusqu'à présent été très limitée. Plusieurs pays sont insuffisamment informés des débats en cours sur les principaux dossiers forestiers. L'instabilité politique explique en partie le manque de cohérence dans les positions défendues par certains pays dans différents forums.

41. Certaines organisations sous-régionales, comme l'Organisation africaine du bois (OAB), le Comité permanent inter-États de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS), l'Autorité intergouvernementale sur le développement (IGAD), l'Unité de coordination technique du secteur forestier (FSTCU) de la Communauté du développement de l'Afrique australe (SADC) et la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), Division des forêts, donnent aux pays des possibilités de prendre collectivement une part plus active et plus efficace à ces débats. Mais c'est peut-être la Commission qui offre les meilleures possibilités d'accroître la participation des gouvernements membres. Ses capacités dans ce domaine seront nettement rehaussées par la création récente du Groupe des experts forestiers africains sous l'égide de l'Académie africaine des sciences (AAS). Ce Groupe d'experts aura pour mandat de définir des positions concertées et mûrement réfléchies sur les questions forestières touchant l'Afrique, afin de renforcer la voix de ce continent dans les forums internationaux.

CONTRAINTES ET IMPÉRATIFS D'UN DÉVELOPPEMENT DURABLE DES FORÊTS

42. Dans de nombreux pays africains, le lourd fardeau de la dette a fortement entravé la mise en oeuvre des programmes forestiers. Trente-deux pays africains sont considérés comme des pays pauvres très endettés (PPTE). Le progrès économique demeure un objectif fuyant, puisque 22 des 53 pays africains ont des taux de croissance économique inférieurs aux taux de croissance démographique.9 Si les programmes d'ajustement structurel s'imposent pour éponger la dette et améliorer les perspectives alimentaires, ils ne doivent pas pour autant entraîner une dégradation de l'environnement et des écosystèmes qui risque à terme d'aggraver les problèmes, avec toutes les conséquences néfastes que cela pourrait avoir au plan socio-économique.

43. L'insuffisance des ressources financières mises à disposition du secteur forestier africain constitue un obstacle réel à la capacité des institutions publiques de s'acquitter efficacement de leurs missions. Le développement et la gestion durable des forêts exigent des moyens financiers considérables que bien des pays ne peuvent mobiliser, surtout depuis la diminution des fonds provenant de sources publiques, nationales et internationales. Les sommes considérables nécessaires pour faire face au problème des réfugiés dans le monde constituent à cet égard un obstacle important, puisque même les pays nantis disposent de budgets d'aide internationale limités. Si la situation des réfugiés dans le monde constitue une priorité pour les organisations internationales, celles-ci ne devraient pas pour autant en oublier d'apporter un appui au secteur forestier.

44. Le Chapitre 11 d'Action 21 a estimé qu'il faudrait investir au total quelque 31 250 millions de dollars E.-U. au cours de la période 1993-2000 pour réaliser une gestion durable des forêts dans les pays en développement. L'aide publique au développement (APD) pour les forêts ne représente actuellement que 27,2 pour cent de cette somme et elle n'est guère susceptible d'augmenter dans la conjoncture politique et économique actuelle.10 En outre, et pour différentes raisons, les pays africains assistent à un fort recul de l'APD pour les forêts.

45. La Banque mondiale, qui gère le plus important portefeuille de projets de gestion de l'environnement rural et des ressources naturelles (recoupant différents aspects de la gestion des forêts), a en 1997 appuyé davantage de projets en Afrique que dans d'autres régions. Toutefois, ces projets étaient de plus petite envergure, de sorte que le budget total des projets pour l'Afrique (446 millions de dollars E.-U.) était nettement inférieur au budget pour l'Extrême-Orient, l'Asie du Sud-Est ou l'Amérique latine et les Caraïbes.

46. Certaines organisations bilatérales ne disposent que d'un budget d'aide internationale limité et sont tenues d'assujettir leur soutien à un certain nombre de critères dont, par exemple, le palmarès du pays dans les domaines de la gouvernance et des droits de l'homme.

47. Jusqu'à présent, le secteur privé n'a pas suffisamment participé au financement des programmes forestiers. C'est pourtant une solution qui devrait être soigneusement envisagée et facilitée par des mesures et des réglementations favorables.

FAITS NOUVEAUX ET DÉFIS POUR L'AVENIR

CONSERVATION ET UTILISATION DURABLE DES RESSOURCES DES FORÊTS ET DE LA FAUNE SAUVAGE

48. L'évaluation des effets globaux des interventions en matière de gestion forestière doit reposer sur des critères communs permettant de définir ce qu'est une gestion durable des forêts et sur des indicateurs quantifiables en fonction desquels cette gestion peut être jugée, décrite et contrôlée à intervalle régulier. L'élaboration et la mise en oeuvre de critères et indicateurs de gestion durable des forêts à l'échelon des unités de gestion forestière et à l'échelon national sont en cours de réalisation en Afrique, à travers deux principaux mécanismes et initiatives: le Processus pour l'Afrique sèche, couvrant 28 pays subsahariens, et l'Organisation africaine du bois (13 pays membres). Dans certains pays d'Afrique du Nord, la mise en oeuvre de ces critères et indicateurs se fait dans le cadre du processus pour le Proche-Orient. L'OIBT et le Centre pour la recherche forestière internationale (CIFOR) ont également engagé dans la région des actions pour l'élaboration, la mise à l'essai et la mise en oeuvre de critères et indicateurs à l'échelon des unités de gestion forestière.

49. L'Afrique de l'Est et l'Afrique australe sont devenues des leaders mondiaux dans le domaine de la gestion durable des ressources de la faune sauvage et du développement touristique fondés sur des politiques forestières saines et sur des investissements rationnels. Dans d'autres pays africains, le potentiel offert par les ressources de la faune sauvage demeure nettement sous-exploité.

50. Pour gagner le pari de la conservation des ressources forestières et de la faune sauvage, il faudra notamment préserver et mettre en valeur les forêts naturelles existantes et le système d'aires protégées et assurer la conservation des zones présentant une diversité biologique élevée reconnue. Les autres enjeux de la conservation consistent à associer les communautés locales à la gestion des aires protégées et à concilier conservation et développement (en particulier le développement rural).

RESSOURCES GÉNÉTIQUES FORESTIÈRES ET DÉVELOPPEMENT DES PLANTATIONS

51. Les pays africains ont participé au débat international sur la conservation et l'utilisation durable des ressources génétiques des arbres et arbustes des forêts. Un plan sous-régional d'action pour les ressources génétiques forestières a été préparé par les participants provenant de 15 pays de l'ouest du Sahel, au cours d'un atelier qui s'est tenu à Ouagadougou (Burkina Faso), en septembre 1998. Une démarche semblable a été amorcée en Afrique de l'Est et australe sous l'égide du SADC/FSTCU et un atelier sur les ressources génétiques forestières de la sous-région de la SADC est prévu au début de l'an 2000. Par la suite, le réseau pour les ressources génétiques forestières pour l'Afrique subsaharienne (SAFORGEN), qui sera mis sur pied par l'Institut international des ressources phytogénétiques (IPGRI) en collaboration avec la FAO, contribuera à la mise en oeuvre de plusieurs activités de recherche dans le cadre des plans d'action sous-régionaux.

52. Les plantations forestières constituent un élément important du développement durable du secteur forestier et sont le complément des forêts naturelles. Dans l'Afrique non tropicale et l'Afrique australe, ces plantations représentent déjà la quasi-totalité des forêts industrielles et au Kenya, au Malawi, en République-Unie de Tanzanie, en Zambie et au Zimbabwe, elles constituent la principale source de bois d'oeuvre et de matière ligneuse.

53. La plupart des plantations africaines ont été établies en Afrique du Sud (1,428 millions d'hectares) et dans les pays méditerranéens de l'Afrique du Nord. Pris ensemble, ces pays représentent 55 pour cent des plantations du continent. Les ressources des plantations sont toutefois largement réparties entre les pays, 16 pays comptant plus de 100 000 hectares de plantations.

54. Toutefois, les plantations africaines sont en général de petite taille et accusent bien souvent un taux de survie faible et des carences de gestion imputables à différents facteurs, comme le manque de ressources financières pour des investissements à long terme de ce type, les conditions climatiques et la concurrence du secteur agricole pour les ressources hydriques.

CONCLUSIONS

55. Des forêts et des écosystèmes naturels sains peuvent apporter une contribution appréciable au développement économique. Ils sont essentiels pour l'agriculture, l'élevage, la santé, le logement et le maintien des valeurs socioculturelles. Les programmes éducatifs destinés à faire ressortir leur importance doivent s'adresser à l'ensemble de la société, depuis les fermiers aux citadins, en passant par les plus hautes instances dirigeantes, civiles, militaires et traditionnelles.

56. L'importance de la faune sauvage pour les économies africaines est évidente. Une utilisation contrôlée de ces ressources peut constituer un élément essentiel de la conservation et de l'utilisation durable des terres dans cette région. Dans de nombreux pays, ce potentiel est encore largement sous-exploité.

57. Les savoirs traditionnels entourant les PFNL, y compris les plantes médicinales et les produits vétérinaires, présentent un intérêt économique considérable. Le flou qui entoure parfois les droits de propriété intellectuelle et l'absence d'un régime équitable de partage des avantages constituent les principaux obstacles à l'utilisation et la mise en valeur rationnelles de ces produits forestiers non ligneux.

58. En Afrique, les conflits civils et l'instabilité politique constituent des obstacles considérables pour le secteur forestier. Des solutions pacifiques aux différends politiques devraient être recherchées.

59. Pour que l'Afrique puisse mettre en oeuvre les recommandations du Groupe intergouvernemental sur les forêts (GIF) de la Commission du développement durable (CDD), il est impératif d'accroître les capacités nationales de développement forestier.

60. Les programmes d'ajustement structurel font peser de lourdes contraintes sur la gestion et le développement durable des forêts. Si des mesures correctives sont parfois adoptées pour le secteur agricole, le secteur forestier semble être laissé pour compte. Ces programmes s'imposent peut-être pour assurer une croissance à long terme, mais leur mise en oeuvre ne devrait pas se faire au détriment des forêts.

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1  FAO, Situation des forêts du monde 1999.

Déclaration de principes, non juridiquement contraignante mais faisant autorité, pour un consensus mondial sur la gestion, la conservation et l'exploitation écologiquement viable de tous les types de forêts.

3  FAO, Situation des forêts du monde 1999.

4  FAO, Évaluation des ressources forestières 1990 - synthèse globale, 1995.

5  Reportage sur le Sommet sur les écosystèmes en Afrique centrale, Zambie, 1999.

6  Statistiques FAOSTAT.

7  FAO, Wildlife and food security, 1997; Molade, F.S. Contribution of bush meat to food security in selected African countries, rapport préparé pour le Bureau régional de la FAO pour l'Afrique, 1999.

8  FAO, Situation des forêts du monde, 1999. L'évaluation des ressources forestières 2000 de la FAO (ERF 2000) devrait fournir des données actualisées sur l'évolution des forêts dans tous les pays.

9  CEA, Annuaire statistique africain, 1997.

10 Equipe de travail interorganisations sur les forêts, juin 1997.