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La foresterie est-elle une profession sûre et sans risque pour la santé?

P. Poschen

Peter Poschen est le spécialiste de la foresterie et des industries du bois à l'Organisation internationale du travail, à Genève.

Etabli à partir d'une version mise à jour du rapport du Comité de la foresterie et des industries du bois de l'Organisation internationale du travail (OIT; 1991a), le présent article passe en revue l'évolution sur le plan international des problèmes de sécurité et de santé dans la foresterie, notamment en ce qui concerne les opérations industrielles de récolte. Après avoir décrit et analysé la fréquence des accidents et des maladies ainsi que leurs causes, l'auteur propose des solutions en indiquant qui devrait les mettre en œuvre.

Chargement manuel dangereux de grumes de bois de trituration en Indonésie

«Avez-vous un métier qui tue?», tel était le titre provocateur retenu par la revue américaine Parade Magazine pour la couverture de son numéro du 8 janvier 1989, consacré aux risques liés à certaines professions aux Etats-Unis. Selon les résultats de l'enquête publiée par la revue, c'est parmi les forestiers que la probabilité d'une réponse affirmative à cette question était la plus élevée. Le présent article confirme que cette inquiétante conclusion vaut pour la majorité des pays industrialisés et en développement dans le monde entier. Il y a sans doute plus inquiétant encore: malgré ce triste bilan, les pays ne considèrent généralement pas le problème comme très prioritaire. Beaucoup d'individus et d'organisations revendiquent «la sécurité d'abord», mais la réalité est tout autre.

La foresterie: Une profession dangereuse

Les travaux forestiers comportent généralement une combinaison de risques naturels et de risques liés à l'emploi des machines, du point de vue de la santé et de la sécurité. Les risques naturels sont liés à la déclivité et au caractère accidenté des terrains forestiers, à la densité des plantations et à la difficulté des conditions de travail, notamment en raison des climats extrêmes (très chauds ou très froids). Ces facteurs naturels sont souvent aggravés par l'inadaptation - voire l'absence - des services sociaux de terrain, de la boisson et de la nourriture consommées, des vêtements utilisés, etc.

La scie à chaîne, en particulier lorsqu'elle est utilisée sans matériel de protection approprié, est l'outil forestier le plus dangereux

Les opérations forestières elles-mêmes comportent de nouveaux risques spécifiques, qu'il s'agisse de l'abattage ou des activités de transformation ultérieures. Les arbres qu'on abat, même s'il s'agit de sujets de taille relativement petite, ainsi que les branches qui se détachent quand l'arbre tombe, peuvent être extrêmement dangereux et causer des accidents graves. La manutention des grumes durant les opérations de transport et leur transformation comportent aussi des risques et, lorsqu'elles ne sont plus contrôlées, les forces libérées peuvent entraîner de graves lésions. Les opérations de transformation primaires sont, elles-aussi, dangereuses.

Pour toutes ces raisons, la foresterie est un secteur dans lequel les taux d'accident ont toujours été plus élevés qu'ailleurs. Dans les pays pour lesquels on dispose de statistiques comparables, le nombre des accidents est plus élevé dans la foresterie que dans la plupart des autres secteurs industriels. Il semble en outre que les ouvriers forestiers soient de trois à quatre fois plus exposés aux accidents que les ouvriers agricoles (OIT, 1981). Les chiffres de la figure 1 se rapportent à la Finlande et aux Etats-Unis, mais ils sont très proches de ceux de la plupart des pays, et on peut dire que les travaux forestiers comptent parmi les activités professionnelles les plus dangereuses et les plus risquées qui soient.

Les organisations nationales et internationales se sont efforcées à plusieurs reprises d'obtenir et de comparer les statistiques en matière d'accidents dans le secteur de la foresterie de différents pays, mais l'entreprise s'est révélée ardue. Les réglementations sur les accidents à signaler et les pratiques en matière de signalisation sont si différentes que la plupart des études sont trompeuses. Pratiquement, le seul moyen de comparer les accidents professionnels entre pays est de calculer le nombre d'accidents mortels par million de mètres cubes de bois récoltés (voir figure 2), mais les informations restent très difficiles à obtenir.

FIGURE 1. Nombre d'accidents mortels dans certaines professions en Finlande de et aux Etats-Unis

Source: National Board of Labour Protection, 1988; Leigh, 1987

TABLEAU. Nombre d'accidents aux divers stades de la récolte au Nigéria, 1978-1986

Activité

Accidents

Nombre

Pourcentage

Abattage

79

43

Ebranchage

55

30

Tronçonnage

19

10

Débardage

27

14

Flottage

6

3

Total

186

100

Source: Dickson, 1987.

Les chiffres de la figure 2 sont conformes aux résultats d'autres études, qui indiquent que la situation est beaucoup plus grave dans les pays en développement que dans les pays industrialisés. Cependant, ils réservent aussi quelques surprises: il existe entre certains pays l'Autriche et la Suisse, les Etats-Unis et le Canada, par exemple - des différences qui ne peuvent pas s'expliquer par les différences de relief, de dimensions des arbres ou de techniques de récolte.

Fonctions et instruments dangereux, catégories exposées

Les activités forestières peuvent être classées en trois grandes catégories: sylviculture, récolte et transformation. Si l'on répartit en gros les accidents selon ces trois catégories, on constate que le nombre des accidents est beaucoup plus élevé pendant la récolte que pendant les deux autres phases, puisque les accidents survenant pendant la récolte représentent parfois 70 pour cent du total (OIT, 1981). Parmi les opérations de récolte, ce sont l'abattage et le tronçonnage qui provoquent le plus d'accidents, graves ou mortels notamment (voir tableau).

FIGURE 2 Nombre d'accidents mortels par million de mètres cubes de bols récolté dans différents pays, 1980
Source: Suisse - Wettman (1992); Autriche - Sozialversicherung der Bauern (1990); Suède - Skogsbrukets Yrkesnämd (1985, 1989); Norvège - Royal Department of Agriculture (communication personelle); Allemagne - Berufsgenossenschaften (communication personelle); Canada - Wellburn (1989); Etats-Unis - Paulozzi (1987); Chine - Guo (1989); Nouvelle-Zélande - Gaskin (1988); Malaisie - Cheu Kuok Tuh (1990).

FIGURE 3 Répartition des cas d'accidents mortels par opération en Malaisie (Sarawak), 1989 (Source: Cheu Kuok Tuh (1990).)

La scie à chaîne, ou tronçonneuse, est incontestablement l'instrument le plus dangereux utilisé pour les travaux forestiers, et l'ouvrier qui la manie est le travailleur le plus exposé. La situation décrite à la figure 3 à propos de la Malaisie vaut également, à de petits détails près, pour les autres pays. En dépit d'une mécanisation intégrée accrue dans les pays industrialisés, la scie à chaîne risque de rester un facteur d'accident prépondérant lors des opérations de récolte.

Maladies professionnelles

Dans le secteur de la foresterie, les accidents font de nombreuses victimes, mais il existe un problème également grave et insidieux: le risque constant que représentent pour les ouvriers forestiers des conditions de travail excessivement stressantes, des températures très élevées (ou parfois très basses), un niveau de bruit pénible, de fortes vibrations et - ce qui peut paraître surprenant - la monotonie des tâches lorsque l'équipement est moderne. Les maladies professionnelles résultent d'une exposition répétée ou continue à un environnement hostile. Elles se déclarent au bout d'un certain temps.

Le mal au dos, imputable à de gros efforts physiques et à de mauvaises positions, est très répandu chez les ouvriers utilisant des scies à chaîne. Selon une étude détaillée réalisée en Allemagne, de 30 à 50 pour cent des travailleurs se plaignent de douleurs dans le dos après 10 années d'activité. Parmi les ouvriers âgés, la proportion peut atteindre deux tiers (Sahel, 1986).

L'exposition constante au bruit peut entraîner une surdité partielle. Les scies à chaîne et les débroussailleuses, ainsi que nombre de machines à tracter et de chargeurs, excèdent de loin le niveau de bruit qui peut être toléré sans dommage pour les facultés auditives. A pleine puissance, si les oreilles ne sont pas protégées, le bruit des scies à chaîne détériore l'ouïe au bout de 15 minutes seulement. Une étude réalisée en Nouvelle-Zélande a révélé que la détérioration augmentait avec les années. Après 15 ans, la moitié environ des ouvriers forestiers interrogés lors de l'enquête étaient touchés (McFarlane, 1989). Les opérations de transformation primaires telles que le sciage entraînent souvent des problèmes de surdité elles aussi (NDLR: voir l'article de Staal Wästerlund et Kufakwandi).

FIGURE 4. Nombre d'accidents entraînant une interruption des activités lors des opérations d'abattage à la scie à chaîne et à l'aide d'engins, en Colombie britannique (Canada), 1985-1987 (Source: Wellburn 1989.)

L'équipement mécanisé pour la récolte - abatteuses-groupeuses et ébrancheuses-tronçonneuses pour l'abattage et l'ébranchage, porteurs pour le transport jusqu'au bord de la route - a connu un grand essor dans nombre de pays industrialisés, d'Europe du Nord et d'Amérique du Nord notamment. En Suède, les abatteuses - tronçonneuses assurent aujourd'hui plus de 85 pour cent de l'abattage annuel (de 65 à 70 millions de m3). Les conducteurs d'engins sont bien protégés dans des cabines renforcées, et les risques d'accident ont fortement diminué (voir à la figure 4 la comparaison des taux d'accident entre l'abattage mécanisé et l'abattage à la scie à chaîne en Colombie britannique, au Canada). Le rapport entre les accidents dont sont victimes les conducteurs d'engins et les ouvriers employant des scies à chaîne est de moins de 1 à 7 pour la même quantité de bois récolté.

La mécanisation comporte toutefois un inconvénient: le nombre croissant des lésions au cou et aux épaules dont souffrent les ouvriers maniant les machines. Ces lésions sont dues aux longues manipulations répétitives des commandes. Bien qu'il soit difficile d'établir un diagnostic objectif, les spécialistes des maladies professionnelles sont unanimes à reconnaître que ces lésions peuvent être aussi dangereuses que des accidents graves et qu'elles peuvent forcer l'employé à cesser le travail. Dans une large mesure, ce sont les travailleurs indépendants et les ouvriers à la tâche qui paient le plus lourd tribut. En Suède, par exemple, les entrepreneurs travaillent près de 59 heures par semaine sur leur machine contre 40 heures pour les ouvriers salariés. Si l'on tient compte des trajets entre le lieu de travail et le domicile, ils travaillent de 10 à 12 heures par jour, généralement six jours par semaine (Lidén, 1988).

Risques particuliers encourus par les femmes

L'importance croissante accordée à certaines formes de sylviculture, notamment à la régénération des forêts, est un moyen essentiel de production durable, mais c'est en même temps un nouveau facteur de risque pour les ouvriers forestiers. Plantation, émondage et éclaircie, de même que l'emploi d'engrais et de pesticides, compromettent la santé et la sécurité des personnes. Dans les pays en développement et dans les pays industrialisés, une grosse part de ces tâches est confiée aux femmes. Des études ont révélé que, même dans des pays industrialisés disposant de tout un arsenal de lois et règlements sur l'utilisation et la distribution des substances chimiques agricoles, les femmes exerçant la profession d'ouvriers forestiers sont moins bien informées que leurs homologues masculins des risques que présentent les produits utilisés (Camba, 1984). Autre problème pour les femmes: l'absence de vêtements de protection adaptés à leurs besoins et à leur taille.

Sur le plan sanitaire, les femmes sont bien plus exposées à des risques que les hommes. Du fait de leur taille, de leur capacité thoracique et de leur résistance cardiaque et musculaire, les femmes ont en moyenne le tiers de la capacité de travail des hommes. En conséquence, de nombreux pays fixent à une vingtaine de kilos le poids maximal que sont autorisées à soulever et à transporter les femmes (OIT, 1988). Or, ces limites sont souvent largement dépassées par les femmes travaillant dans les forêts. Selon des enquêtes réalisées en Colombie britannique (Canada) dans des plantations, hommes et femmes sont censés transporter des brassées de plants pesant en moyenne 30,5 kg, souvent sur des terrains à forte déclivité au couvert végétal dense (Smith, 1987).

Les femmes qui transportent du bois de feu doivent elles aussi supporter des poids excessifs. Une étude réalisée à Addis Abeba (Ethiopie) a montré qu'elles transportent en moyenne des chargements de bois de feu pesant 30 kg sur une distance de 10 km. Il s'agit d'un travail épuisant qui entraîne de nombreux problèmes de santé graves, notamment de fréquentes fausses couches (Haile, 1991).

Variation des risques en fonction de l'organisation du travail

Les statistiques révèlent généralement de grands écarts entre les risques professionnels auxquels sont exposées les différentes catégories de main-d'œuvre. Les risques sont bien moindres pour les ouvriers forestiers salariés à plein temps que pour les agriculteurs, les travailleurs indépendants ou les tâcherons. En Autriche, les agriculteurs employés de façon saisonnière dans les exploitations forestières sont deux fois plus souvent victimes d'accidents que les forestiers à plein temps pour chaque million de mètres cubes de bois récoltés (Sozialversicherung der Bauern, 1990); en Suède, la proportion est même de un à quatre (Skogsbrukets Yrkesnämd, 1985; 1989). En Suisse, les forestiers employés dans les forêts domaniales ont deux fois moins d'accidents que les forestiers employés par des entreprises, surtout lorsque ceux-ci sont des travailleurs saisonniers ou des immigrés (Wettmann, 1992).

Importance de la sécurité et de la santé dans la foresterie

Dans toutes les professions, la protection des travailleurs est avant tout une question d'éthique, mais les accidents ont aussi leur coût. Dans le secteur de la foresterie, les questions de sécurité et de santé ont en outre une grande importance pour deux raisons particulières. Le caractère dangereux du travail donne une image très négative de la profession et, par extension, du secteur tout entier, tant parmi les travailleurs de ce secteur que parmi la population. Enfin, il existe un lien entre les méthodes de travail dangereuses et les dégâts écologiques que provoque l'exploitation forestière.

Les accidents professionnels et les problèmes de santé sont sources de nombreuses souffrances et compromettent les chances de chacun de pouvoir préserver sa santé et son intégrité physique et mentale. Par ailleurs, nombre de pays ne disposent que de systèmes de sécurité sociale rudimentaires et ne sont même pas en mesure d'atténuer au moins les difficultés économiques rencontrées par les familles des salariés qui perdent leur emploi, sans parler d'aider à la réadaptation professionnelle des victimes.

La sécurité a aussi son utilité sur le plan économique. Outre leur coût direct (indemnité, traitement médical et salaires), les accidents ont aussi un coût indirect qui peut être plusieurs fois supérieur. Ainsi, le coût direct d'un accident mortel survenu au Sarawak (Malaisie), au cours duquel un arbre est tombé sur un tracteur à chenilles qui ouvrait un chemin de débusquage, tuant le conducteur et endommageant gravement la machine, s'est élevé à 19400 ringgit, mais les coûts indirects ont atteint plus de 111000 ringgit. Il faut remarquer en outre que le manque à gagner n'ayant pas été pris en considération, ce dernier chiffre est très inférieur à la réalité.

En Ethiopie, le fardeau moyen de bols de feu ou de fourrage que transportent les femmes dépasse largement la charge maximale de sécurité, fixée par l'OIT à 20 kg

Dans les pays où il existe des assurances contre les accidents, le montant des primes croît avec le volume des indemnités. Dans certains pays industrialisés, les indemnités dues aux travailleurs sont désormais l'un des principaux postes de dépenses des entreprises forestières, dont elles compromettent ainsi gravement la rentabilité économique. Aux Etats-Unis, par exemple, le coût des assurances peut atteindre jusqu'à 40 pour cent du montant des salaires. En d'autres termes, pour 100 dollars versés, il faut acquitter 40 dollars d'assurance (Garland, 1989).

Les risques d'accidents et de problèmes de santé, et donc de retraite anticipée, contribuent pour beaucoup à ternir l'image de la profession. Ils accréditent l'idée qu'il s'agit d'un travail salissant, difficile et dangereux. On comprend pourquoi dans de nombreux pays le secteur a du mal à retenir ses travailleurs qualifiés et à en recruter de nouveaux. Une main d'œuvre moins compétente et moins efficace a pour corollaire une baisse de productivité, un renchérissement des coûts et une multiplication des accidents: c'est un cercle vicieux (OIT, 1991b).

Dans de nombreux pays, les statistiques sur les accidents sont un argument facile pour donner de la foresterie l'image d'un secteur impitoyable pour les travailleurs et accréditer l'idée qu'il en va de même pour les populations locales et les forêts. Ainsi, on a utilisé des photos de travailleurs mutilés à la suite d'accidents survenus dans les forêts du Sarawak (Malaisie) pour des campagnes contre la foresterie (INSAN, 1992) en prétendant que, outre les arbres, elle abat aussi les hommes.

Le lien entre sécurité et environnement n'est pas aussi indirect qu'il pourrait paraître. On l'a déjà dit, les opérations d'abattage constituent la première cause d'accidents. Les travailleurs doivent employer les techniques qui permettent d'abattre les arbres de façon sûre et contrôlée pour les coucher à terre avec un minimum de dégâts. L'abattage directionnel limite l'endommagement de la souche, réduit les distances de traînage et donc les dégâts que provoquent celui-ci, et permet d'éviter les pertes (si la grume se fend ou se brise). Il convient d'appliquer ce type de technique pour pratiquer une exploitation forestière sûre et écologiquement rationnelle, notamment dans les forêts tropicales.

Comment améliorer la sécurité des ouvriers forestiers?

Bien que le tableau brossé du secteur soit plutôt sombre, on peut aussi citer des cas où les conditions de sécurité et l'état sanitaire ont été améliorés. Les exemples ci-après montrent que les raisons et les possibilités d'améliorer la situation existent, mais il faut les déterminer.

Une proportion élevée des victimes d'accident est composée de novices insuffisamment formés, employés notamment dans les entreprises privées, différents pays ont-ils imposé un niveau minimal de formation pour tous les travailleurs. Des programmes d'homologation ont été mis en place pour garantir un certain niveau de formation et vérifier que les règles sont bien respectées (pour les Etats-Unis, voir Spoerke, Wallace et Flemming, 1992; pour le Royaume-Uni, voir Bardy, 1988). Certains pays en développement ont suivi la même voie. A cet égard, les codes d'usages forestiers, comme celui adopté à Fidji, définissent des règles précises en matière d'environnement et de sécurité pour les opérations forestières et disposent qu'un ouvrier forestier ne peut occuper un emploi s'il n'a pas été formé à cet effet (Ministère des forêts de Fidji, 1990). L'école forestière de Fidji a mis en place un plan d'homologation pour s'assurer, à l'aide de tests de compétence, que les travailleurs respectent les normes définies dans le code national d'usages en matière d'exploitation forestière. Des unités de formation mobile sont utilisées dans un nombre croissant de pays pour former les travailleurs forestiers saisonniers et les agriculteurs qui peuvent difficilement suivre des cours dans des centres de formation.

Les coûts économiques des pratiques dangereuses sont élevés. Ce camion a été complètement détruit

A Fidji, presque tous les opérateurs sous contrat qui se servent de scies à chaîne dans les plantations de pins utilisent maintenant un matériel de protection approprié

La figure 5 montre les améliorations spectaculaires qu'on peut obtenir lorsqu'on fait cas de la sécurité. Dans une grosse entreprise d'exploitation forestière brésilienne, le nombre des accidents a considérablement diminué en dépit de l'augmentation des effectifs lorsque l'entreprise a créé, en 1970, une section spéciale pour la sécurité, l'hygiène et la médecine professionnelles.

L'organisation du travail joue un rôle crucial dans la sécurité des opérations, mais aussi dans l'augmentation de la productivité et dans l'élimination des problèmes de santé rencontrés par les utilisateurs de machines. La Suède a mis au point de nouveaux types d'organisation du travail avec rotation des fonctions, chevauchement d'horaires des postes et travail d'équipe. Conçus à l'origine pour réduire les problèmes de cou et d'épaules parmi les utilisateurs de machines, ils ont aussi permis d'améliorer l'efficience des opérations, notamment grâce à un meilleur taux d'utilisation du matériel (Lidén, 1992; Pontén, 1992; Norin, 1992).

De même, de bons résultats ont été obtenus dans certains pays en développement, tels que la Zambie et le Chili, grâce à une amélioration de l'état nutritionnel des travailleurs dont les régimes alimentaires se sont révélés inadaptés à un dur labeur, d'autant que, souvent, les repas sont pris une fois la journée de travail accomplie. Dans les deux pays, les entreprises ont amélioré la qualité des repas et fourni de la nourriture sur le lieu de travail, améliorant du même coup l'état sanitaire et la productivité des travailleurs.

FIGURE 5. Nombre de blessés par rapport au nombre moyen de travailleurs forestiers à la Klabin do Parana Agro Florestal S.A., Brésil, 1968-1986 (Source: Da Costa, 1987.)

Pour certains risques liés à la nature même du travail en forêt, une organisation rationnelle des tâches, de bonnes méthodes de travail ou une amélioration des conditions de travail et de formation ne suffisent pas. L'adoption de vêtements et accessoires de protection (casques, visières, bottes de sécurité, gants, pantalons renforcés, etc.) s'avère un moyen de défense supplémentaire efficace. La figure 6 montre que l'utilisation de pantalons de protection et de jambières, en Nouvelle-Zélande, a fait baisser le nombre des accidents aux jambes dus aux scies à chaîne. Si l'équipement de protection peut sembler coûteux, notamment aux employeurs et aux ouvriers des pays en développement, il existe de bonnes raisons d'y voir plutôt un investissement. De nombreux pays spécifient aujourd'hui l'équipement de protection qui doit être employé. L'achat de cet équipement est généralement à la charge de l'employeur.

FIGURE 6. Accidents aux jambes dus aux scies à chaîne en Nouvelle-Zélande, 1983-1988 (Source: Spiers, 1988; Gaskin, 1989.)

L'étude récente réalisée à Fidji dans les exploitations de pins donne des résultats encourageants puisqu'elle indique que, sur l'ensemble des ouvriers de toutes les entreprises employant une scie à chaîne, 98 pour cent portaient des casques de sécurité, 72 pour cent des protège - oreilles, 82 pour cent des jambières de cuir ou des pantalons de protection et 80 pour cent des bottes de sécurité.

Souvent, en matière de sécurité, la première mesure peut consister à procéder à des enquêtes et à établir des statistiques sur les accidents. Il ne s'agit pas de décerner des blâmes ou de désigner des coupables mais de tirer des enseignements pour l'avenir. L'Organisation internationale du travail a émis des directives pour l'élaboration de procédures simples de signalisation des accidents (Apud et al., 1989). Diffuser les résultats de ces enquêtes au moyen de brochures décrivant brièvement les accidents, en particulier à l'aide de croquis, et indiquant comment les éviter peut contribuer efficacement à sensibiliser les travailleurs.

FIGURE 7. Facteurs humains influant sur la sécurité dans les travaux forestiers (Source: Wettmann, 1992.)

Sécurité: L'impulsion doit partir du sommet

Les exemples ci-dessus prouvent qu'il est tout à fait possible d'améliorer la sécurité et la santé des ouvriers forestiers - souvent pour le plus grand profit de toutes les parties concernées. La question de la responsabilité demeure cependant posée.

Les représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs ont conclu un accord sur ce point lors de la deuxième session du Comité de la foresterie et des industries du bois de l'OIT en avril 1991. Il a été déclaré que les problèmes de sécurité et de santé étaient l'affaire des gouvernements, des employeurs et des travailleurs mais que les premiers responsables étaient cependant les employeurs (OIT, 1991c).

Dans maints pays en développement, l'Etat a une double casquette: il est l'autorité qui détient le pouvoir de réglementation et de contrôle, mais il est aussi un gros propriétaire de forêts; à ce titre, il emploie donc lui-même de la main-d'œuvre, passe des marchés avec des entreprises ou supervise le travail des concessionnaires. Il a donc un grand rôle à jouer dans l'amélioration de la sécurité. Or, dans beaucoup de pays en développement, il n'assume quasiment pas sa fonction de réglementation et de contrôle. Lorsqu'il dispose de ressources, il serait préférable qu'il les consacre plutôt à aider, motiver, éduquer et conseiller qu'à faire respecter la loi et à réprimer. La méthode adoptée par le Conseil national finlandais de l'inspection du travail constitue à cet égard un exemple encourageant.

Les commissions mixtes de sécurité employeurs - employés jouent souvent un rôle très efficace et expliquent en grande partie les bons résultats obtenus dans les pays du nord de l'Europe, par exemple. Parfois, ce sont les entreprises elles-mêmes qui prennent des initiatives efficaces sur des points précis. On peut citer par exemple le programme participatif sur la sécurité et la gestion des risques adopté en Colombie britannique (Canada), et grâce auquel une société a réduit de 75 pour cent la fréquence des accidents sur les chantiers et de 62 pour cent les demandes d'indemnisation, tout en améliorant la productivité de 10 pour cent. L'une des composantes essentielles du programme était la participation accrue des travailleurs aux décisions (Painter et Smith, 1986).

Il est urgent de mieux connaître l'influence possible des différents niveaux de décision sur la sécurité. Trop souvent, les enquêtes sur les accidents concluent à une «défaillance humaine», laissant ainsi entendre que la responsabilité première de l'accident incombe à la victime. La figure 7 indique les facteurs qui influent sur la sécurité et montre qui en a la maîtrise. Sur les huit facteurs énumérés, il n'en est qu'un sur lequel l'ouvrier exerce un contrôle direct: la réalisation du travail lui-même A ce stade, les conditions de travail dépendent dans une large mesure des décisions prises à un niveau supérieur. Le combat pour la sécurité représente un effort commun qui est l'affaire de tous les niveaux de décision dans l'entreprise mais, pour qu'il soit couronné de succès, l'impulsion doit venir du sommet. Ce sont ceux qui lisent cette revue - et leurs semblables - qui prennent les décisions importantes.

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