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2.2.2 Gommes

Les exsudats polysaccharides produits par un certain nombre d'espèces d'acacias (tableau 2.2.2) ont plusieurs usages domestiques; on s'en sert notamment pour faire de l'encre et des adhésifs, en artisanat, dans la préparation de produits cosmétiques, en confiserie et dans l'alimentation. Les Hottentots de l'Afrique australe peuvent survivre plusieurs jours sans rien ingérer d'autre que des gommes, tandis que les populations maures d'Afrique du Nord survivent avec une ration quotidienne de 170 g de gomme (Grieve, 1931). Fagg et Stewart (1994) signalent qu'à Oman on mange la gomme d'A. gerrardii, tandis que Story (1958) rapporte que les bushmen du Kalahari consomment celle d'A. mellifera subsp. detiens, A. erioloba, A. erubescens, A. fleckii et A. tortilis subsp. heteracantha.

La médecine traditionnelle fait grand cas de ces gommes qu'elle utilise depuis l'époque des pharaons; elle s'en sert comme calmant et comme agent adoucissant. À usage interne, elles entrent dans la préparation de médicaments destinés à calmer la toux, la diarrhée, la dysenterie et les hémorragies; à usage externe, on en badigeonne les inflammations.

Les gommes tirées d'A. senegal et de 18 autres espèces étaient un objet de commerce important jusqu'à l'adoption récente de spécifications plus strictes. Les gommes de ce groupe, qui comprend A. seyal (la gomme talha d'Afrique orientale et occidentale), A. xantophloea (d'Afrique de l'Est) et A. karroo (d'Afrique australe), s'échangent sur les marchés internationaux; mais seule la gomme arabique extraite d'A. senegal est admise à des fins alimentaires, les autres ne pouvant avoir qu'un usage industriel. Cependant, la gomme d'acacia tirée d'A. senegal et d'autres espèces africaines figurent toujours dans la pharmacopée britannique (1993) comme matières de lest laxatives. De même, si les spécifications des Etats-Unis quant à l'utilisation des gommes d'acacia dans le secteur alimentaire en limitent l'usage à A. senegal (gomme arabique), les spécifications pharmaceutiques, en revanche, autorisent l'utilisation de la gomme talha, tirée d'A. seyal, qui n'est administrée aux patients qu'en petites quantités et sous contrôle médical.

On définit traditionnellement la gomme arabique comme: " exsudat tiré d'Acacia senegal ou d'espèces connexes ". Cette définition englobe nombres d'espèces qui, d'un simple point de vue taxonomique, ne sont même pas apparentées, alors même que les tests reconnaissant l'innocuité des gommes comme additif alimentaire n'ont porté que sur la seule gomme d'A. senegal. Les pressions croissantes qui s'exercent, partout dans le monde, en faveur de spécifications commerciales et de réglementations d'étiquetage plus strictes quant à l'identité et à la pureté des produits, ont débouché sur la publication de Spécifications révisées (OMS, 1990a,b; FAO, 1990), qui définissent la gomme arabique comme tirée d'A. senegal ou d'espèces étroitement apparentées, avec une fourchette de rotation optique comprise entre -26° et -34° et un indice Kjeldahl de teneur en azote compris entre 0,27 et 0,30 pour cent. De ce fait, on ne peut désigner comme " gomme arabique " que les seuls membres du sous-genre Aculeiferum, qui comprend, outre A. senegal, A. laeta, A. mellifera et A. polyncantha subsp. campylacantha, encore qu'on ne trouve dans le commerce aucune gomme tirée de ces espèces apparentées. Les gommes tirées d'espèces telles que A. senegal, A. xanthophloea, A. karroo et A. nilotica, qui contiennent des tanins et sont dotées d'une rotation optique positive, ne sont plus autorisées dans l'alimentation et se vendent, par conséquent, moins cher (Anderson, 1993). La présence de tanin est considérée comme cancérigène.

Les exsudats d'espèces autres qu'A. senegal se présentent sous forme de petites larmes ou de gouttelettes; leur collecte prend donc beaucoup de temps. Cet inconvénient, qu'aggrave encore le faible prix obtenu sur les marchés, soit, actuellement, 1.000 dollars E.-U. par tonne (la gomme arabique se vendant, elle, 5.000 dollars E.-U. la tonne), mettra probablement fin aux exportations de gomme d'acacia mais n'aura sans doute aucune incidence sérieuse sur son usage local, c'est à dire sur son utilisation dans l'alimentation, la fabrication de produits adhésifs et la préparation de médicaments.

L'industrie alimentaire se sert de gomme arabique pour fixer les saveurs, comme agent émulsifiant, pour empêcher la cristallisation du sucre en confiserie, comme agent stabilisateur dans les produits laitiers surgelés. Sa viscosité et ses propriétés adhésives trouvent un emploi en boulangerie, dans la stabilisation des mousses et comme agent de turbidité de la bière. Dans l'industrie pharmaceutique, la gomme arabique est utilisée dans la stabilisation des émulsions, comme agent liant et pour l'enrobage des comprimés; elle entre également dans la composition des gouttes et des sirops antitussifs. En cosmétique, enfin, elle sert d'agent adhésif dans la préparation de poudres et des masques faciaux et assure l'onctuosité des lotions.

Dans l'industrie, la gomme arabique est utilisée comme colle, comme colloïde protecteur et agent de conservation des encres. Elle sert à la sensibilisation des plaques lithographiques, au revêtement de certains papiers spéciaux et au raidissement de tissus; en métallurgie, on s'en sert pour l'enrobage anticorrosif des métaux. Elle est également employée dans la fabrication d'allumettes et de céramiques (Cossalter, 1991).

La gomme arabique est l'une des principales cultures d'exportation du Soudan. La Gum Arabic Company, qui dispose d'un monopole d'Etat sur son commerce, contrôle quelque 85 pour cent du marché mondial, le reste se partageant entre plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest: Sénégal, Mauritanie, Mali, Tchad, Niger et Nigéria (Anderson, 1993). Jadis, les populations rurales de la "ceinture du gommier" du Soudan pratiquaient un système de jachère arboricole. Constituant des peuplements quasi purs en période de jachère, A. senegal augmentait la fertilité des sols et réduisait leur érosion; en outre, la récolte de gomme assurait aux populations un revenu en saison sèche. L'accroissement démographique et la multiplication des têtes de bétail, et, partant, la pression désormais plus forte sur les terres arables et les pâturages, amenèrent à réduire progressivement la durée des jachères, parfois jusqu'à leur complète disparition. La capacité de charge des terres de pacage diminua également, entraînant la nécessité d'abattre les jeunes arbres pour se procurer du fourrage. Et les faibles prix payés aux agriculteurs pour leur gomme arabique n'étaient plus à même de décourager la coupe des arbres pour en tirer du bois de feu et du charbon, bien que ce ne fût-là qu'une source de revenus à court terme.

En dépit des avantages évidents qu'elle présente: prix très bas et performances nettement supérieures à celles des produits de remplacement, la gomme arabique a souffert dans le passé des fluctuations dans la qualité; c'était dû, d'une part à la composition variable de chaque lot, mais aussi à la difficulté d'assurer un approvisionnement régulier, surtout depuis le déboisement massif consécutif aux sécheresses qui frappèrent les régions sahéliennes en 1973-74 et en 1982-83. De ce fait, la demande a régulièrement décru au cours des 15 à 20 dernières années. Les ventes de gomme arabique atteignirent un sommet vers 1970, représentant alors quelque 70.000 tonnes, dont 70 pour cent furent utilisés en confiserie. Les prix élevés et la pénurie mondiale qui suivirent la sécheresse de 1973-74 poussèrent certains utilisateurs à chercher d'autres sources d'amidon modifié. Les ventes annuelles tombèrent à 40.000 tonnes entre 1978 et 1982. La sécheresse suivante, désastreuse, elle aussi, provoqua une nouvelle pénurie mondiale et la perte de nombreux marchés, les ventes annuelles tombant à un niveau situé entre 20.000 et 24.000 tonnes. La consommation annuelle d'hydrocolloïdes de l'industrie alimentaire est plutôt stable mais, en raison de l'irrégularité de l'approvisionnement en gomme arabique, et vu la disponibilité croissante de celluloses modifiées et de produits de fermentation tels que la xanthine et le gellan, les principaux utilisateurs vont indubitablement s'intéresser de plus en plus aux produits de remplacement peu onéreux. Importateurs et utilisateurs de gomme arabique estiment en outre que le Soudan, qui jouit d'un quasi monopole sur ce marché, n'est pas commercialement fiable. En conséquence, multiplier les sources d'approvisionnement de manière que le Soudan n'ait plus désormais que 50 pour cent des parts du marché amoindrirait le risque de perte totale des récoltes et aiderait à rétablir la confiance (Anderson, 1993).

On a investi - en pure perte - beaucoup d'efforts dans la recherche de meilleurs rendements en gomme. On a recensé des arbres d'élite et planté à partir de leurs semences, exercice particulièrement futile vu que ces arbres sont naturellement pollinisés par les insectes. En outre, les rendements des arbres d'élite sont eux-même sujets à des fluctuations imprévisibles. Aucune étude chimio-physiologique approfondie de la production de gomme n'a encore été réalisée; et tant qu'on ne connaîtra pas les causes et les modalités de cette production, la sélection judicieuse des semences et la gestion en vue de meilleurs rendements ne seront pas scientifiquement possibles.

2.2.3 Tanins

L'écorce et les gousses du genre Acacia sont connues comme source de tanin (voir tableau 2.2.3); on estime cependant que plusieurs autres espèces pourraient servir au même usage. Les tanins sont principalement utilisés dans les tanneries locales et l'on en exporte fort peu. Bien que l'on puisse aisément se procurer des solvants plus efficaces, ce sont - pour des raisons d'ordre économique - les tanins solubles dans l'eau que préfèrent les industries locales de tannerie. Ainsi que nous l'avons vu brièvement à la section 2.2.1.2, on trouve dans les plantes deux groupes de tanins: les tanins condensés et les tanins hydrolysables. Leur composition chimique influe sur leur qualité d'agent tannant. On ne semble toutefois disposer d'aucune information quant aux pourcentages de tanins condensés et hydrolysables; d'après Siegler (1986) la plupart des tanins d'acacia sont du type condensé.

On exploite les tanins d'acacia dans de nombreux pays: au Sénégal, en Mauritanie et au Mali, les gousses d'Acacia nilotica, subsp. nilotica sont largement exploitées sous le nom local de "Nep nep", ainsi qu'au Soudan sous le nom de " graines de Sunt ". Celles-ci, naguère exportées par le Soudan, sont tirées des gousses broyées d'Acacia nilotica, subsp. nilotica ou sbsp. tomentosa, dont on a, au préalable, extrait les semences; la plupart des cosses sont alors enlevées par tamisage. Du résidu, on tire de 50 à 60 pour cent de tanin, qui donne un cuir souple, plein, légèrement coloré. Cependant, la contamination des cosses par des particules de fer ou des substances minérales provoque l'apparition de taches indésirables sur le cuir (Howes, 1953). La littérature contient les assertions les plus diverses quant à la teneur en tanin d'Acacia nilotica. Cela tient au fait que les différents auteurs n'ont pas cru bon de mentionner les sous-espèces concernées; l'auteur de la présente étude suppose que la teneur en tanin varie considérablement selon les sous-espèces, voire entre individus d'une même population. Howes lui-même (1983), qui reconnaît pourtant l'existence de sous-espèces (comme variétés d'Acacia nilotica) ne parvint pas à identifier la source des " graines de Sunt ", encore que sa description des gousses et leur nom local fassent penser à subsp. nilotica ou tomentosa. A Kano, au Nigéria, subsp. adstringens est réputée la meilleure source de tanin pour le tannage des peaux de chèvre destinées au commerce marocain du cuir; les résidus de gousses servent d'alimentation pour le bétail (W.J. Howard, O.D.A., information transmise oralement en 1994). Au Kenya, la ville de Thika prépare le tanin à partir de l'écorce d'Acacia meansii, originaire d'Australie.

2.2.4 Fibres

On trouvera au tableau 2.2.4 la liste des espèces d'acacias dont on utilise le fût et les racines pour produire des fibres. Ces fibres trouvent maints emplois dans l'économie ménagère mais ne semblent pas présenter d'intérêt commercial. On estime généralement qu'on peut les obtenir à partir d'autres sources et que le genre Acacia ne constitue pas une source de fibres digne d'être exploitée.

2.2.5 Utilisation à des fins médicinales

Les utilisations locales des espèces d'acacias à des fins médicinales sont énumérées au tableau 2.2.5. Ces usages locaux ne sont validés par aucune étude clinique, et si l'on peut douter de l'efficacité des produits dans le traitement des maladies vénériennes et du diabète, ou de leur efficacité comme aphrodisiaque, ils n'en contiennent pas moins des principes actifs qui peuvent présenter un certain intérêt. Ainsi, la gomme a des vertus émollientes qui permet de calmer les irritations cutanées ou internes. Grâce à ses propriétés astringentes, le tanin provoque une contraction des muqueuses; il coagule les protéines et se révèle très utile pour stopper les écoulements divers et les hémorragies bénignes résultant de petites blessures sans gravité (Brown, 1977). Hagos et al. (1987) ont démontré que l'écorce du fût d'A. tortilis, subsp. raddiana, utilisée en Somalie contre l'asthme, contient des principes actifs qui inhibent, chez le cobaye, les contractions musculaires de l'intestin grêle. Des recherches plus poussées ne manqueront pas de révéler chez A. tortilis d'autres principes actifs présentant un intérêt pharmacologique.

L'acide acétique, l'alcool et l'eau extraits des fruits d'A. dudgeoni et d'A. nilotica subsp. adstringens et nilotica avaient une activité molluscocide. La plantation de subsp. nilotica le long des cours d'eau pourrait aider à combattre la schistosomiase (Ayoub, 1982, 1985; Kloos et McCullough, 1987).

2.2.6 Utilisation à des fins alimentaires

Si l'on consomme en Afrique les graines de plusieurs variétés d'acacias (voir tableau 2.2.6.1), on en sait fort peu, en revanche, sur leur valeur nutritionnelle (tableau 2.2.6.2). Le peu de données disponibles semble indiquer que les semences d'acacias pourraient constituer une source non négligeable - et jusqu'ici négligée - d'aliments. On sait que les variétés australiennes sont généralement riches en protéines (de 17 à 25 pour cent) et en hydrates de carbone (de 30 à 40 pour cent) et soutiennent favorablement la comparaison avec des céréales comme le blé et le riz et se révélant même supérieures à certaines viandes (Brand et Cherikoff, 1985; Thomson, 1992). Se reporter également à la section 3.7 où l'on traite des graines comestibles des variétés introduites.

2.2.7 Utilisation en artisanat

On trouvera au tableau 2.2.7 l'exposé des divers usages des espèces d'acacias en artisanat. Il s'agit, pour l'essentiel, d'usages domestiques, encore que l'industrie du tourisme offre de modestes débouchés potentiels. On estime généralement que d'autres espèces feraient tout aussi bien l'affaire et que les acacias ne constituent pas une source d'objets d'artisanat particulièrement digne d'intérêt.

2.2.8 Usages domestiques divers

Les usages domestiques des espèces d'acacias dans l'économie rurale sont énumérés au tableau 2.2.8. Là encore, on estime généralement que d'autres espèces seraient tout aussi appropriées et que l'acacia ne joue pas, en la matière, un rôle particulier.

2.3 Services


2.3.1 Protection de l'environnement
2.3.2 Fertilité des sols
2.3.3 Haies, ombrage et abris
2.3.4 La faune sauvage
2.3.5 Variétés ornementales
2.3.6 Agroforesterie


2.3.1 Protection de l'environnement

Les espèces d'acacias utilisées dans la protection de l'environnement sont énumérées au tableau 2.3.1; nul doute que nombre d'autres variétés puissent servir au même usage.

Encore qu'il s'agisse souvent de phréatophytes, de nombreuses espèces d'acacias ont, notamment dans les régions les plus sèches, nombre de racines latérales souterraines qui leur permettent de tirer parti de la moindre pluie. Ce système racinaire aide à stabiliser les sols. Le couvert aérien joue, lui aussi, un rôle dans la réduction de l'érosion éolienne et dans l'amélioration des micro-climats, encore qu'on manque généralement d'informations sur les variations d'humidité et de température. Des plantations intensives d'A. nilotica, subsp. indica, A. senegal, A. tortilis et F. albida ont été effectuées, aux fins de fixer et de stabiliser les dunes de sable et de combattre l'érosion éolienne.

L'effet d'ombragé obtenu par l'abaissement de la température ambiante permet également de réduire l'évaporation des sols et abaisse leur température de surface; on manque singulièrement d'informations en ce domaine. Au terme d'une mission au Kenya, Amundson et al. (1994) rapportent qu'au milieu de l'après-midi, la température du sol, sous les cimes d'A. tortilis subsp. spirocarpa baissait de 3° à 12° C. On ignore à quelle profondeur ces températures ont été prises, mais les mesures souterraines et superficielles effectuées à El Obeid, au Soudan, avec ou sans strate herbacée, (Hunting Technical Services, voir figure 2.3.1) semblent indiquer que la profondeur n'a pas une importance particulière. Il n'en demeure pas moins qu'en l'absence de tout ombrage, la température superficielle élevée des sols nus a un effet délétère, voire mortel, sur les semences dormantes ou en germination à la surface du sol, ce qui contrarie la repousse et favorise la désertification.

Les températures sous ombrage moins élevées sont propices à l'apparition d'une couverture plus mésophyte et, généralement, plus nutritive, qui se trouve également favorisée par la plus grande humidité du sol près du tronc, vu l'accumulation des eaux de ruissellement autour du fût. L'eau de pluie récoltée du fait de ce ruissellement ne parvient pas immédiatement aux racines latérales, dont les poils absorbants tirent plus facilement parti de l'eau qui tombe goutte à goutte de la cime. Des travaux américains non encore publiés semblent indiquer que les eaux de ruissellement s'infiltrent dans le sol aux alentours des racines latérales, d'où elle sera utilisée par l'arbre.

Les mesures de teneur en eau totale du sol sous F. albida effectuées juste avant le début de la saison des pluies donnaient les valeurs suivantes: 8 pour cent sous la cime et 4 pour cent ailleurs (Radwanski et Wickens, 1967). Les auteurs supposaient que les conditions physiques meilleures régnant sous la cime pouvaient expliquer ces résultats; autre explication possible venant compléter la précédente: des températures moins élevées du fait de l'ombrage.

2.3.2 Fertilité des sols

La contribution des espèces d'acacias à la fertilité du sol est double; elle se fait d'abord par le biais de la fixation de l'azote (tableau 2.3.2) et ensuite par accumulation de la litière. Dans ce dernier cas, l'apport de la litière tient au recyclage des minéraux extraits du sol par le système racinaire (Radwanski et Wickens, 1967). L'apport azoté est minime, le feuillage tombé au sol étant probablement soumis à deux cycles successifs de dégénérescence rapide. La première consiste en une déshydratation rapide de la litière qui s'accompagne de la perte de tous les composés volatiles, de sorte qu'au terme de la longue saison sèche, le second cycle de décomposition affectera la masse fibreuse et les minéraux.

Faidherbia albida fait exception, la chute des feuilles intervenant au début de la saison des pluies; de ce fait, la litière est déjà passablement décomposée et les éléments nutritifs incorporés au sol. Giffard (1964) a démontré que la litière de feuilles d'un peuplement moyen de 50 Faidherbia albida par hectare réintroduisait chaque année dans le sol l'équivalent de 75 kg d'azote, de 12 kg de phosphore, de 13 kg de potassium, de 20 kg de soufre, de 25 kg de magnésium et de 120 kg de calcium par hectare. Planter du mil chandelle (Pennisetum glaucum) sous la cime des Faidherbia albida permet d'obtenir des rendements de 2,5 à 3 fois supérieurs à la moyenne, sans apport complémentaire d'engrais.

Signalons encore la contribution indirecte du bétail qui brouts la litière, la décomposition des déjections animales suivant un cycle analogue à celui de la litière. On n'a pas encore mesuré, semble-t-il, l'importance de cet apport.

2.3.3 Haies, ombrage et abris

On trouvera au tableau 2.3.3 la liste des espèces d'acacias servant à la confection de haies vives, de taillis, d'ombrage et d'abris. Nul doute que d'autres espèces puissent tout aussi bien servir au même usage. La fonction d'ombragé des acacias est manifeste, à en juger par l'entassement du bétail sous leurs cimes aux heures les plus chaudes de la journée.

Gillet (1983) dénonce la pratique des pasteurs qui coupent de grosses branches des variétés épineuses, telles A. nilotica, A. tortilis subsp. raddiana et A. seyal pour construire des zéribas (enclos de broussailles assemblés pour y garder le bétail pendant la nuit); cette pratique est encore plus fréquemment employée par les paysans désireux de maintenir le bétail hors de leurs champs cultivés. Ces zéribas durent deux ans, avant d'être détruites par les termites ou, parfois même plus tôt, par les feux de brousse. On obtient ces taillis de broussailles en mutilant gravement les arbres ou, pratique courante chez les cultivateurs, en se servant d'arbres abattus lors de défrichements. Dans de nombreuses régions du Sahel, où l'on a défriché de vastes superficies pour compenser les faibles rendements dûs à la désertification et aux faibles précipitations, on ne trouve plus d'arbres pouvant fournir les haies de broussailles. Quant aux haies vives, le recours à A. mellifera et à A. tortilis serait une bonne solution, encore que l'irrégularité des précipitations, souvent aggravée par des problèmes de propriété et de protection des arbres après leur implantation, ne favorise pas les plantations.


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