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Chapitre 4: Logiciels et systèmes d'information géographique

Les ZAE impliquent l'enchaînement de nombreuses procédures logiques pour arriver à une estimation quantitative d'un rendement ou d'une production pour une zone ou une cellule agro-écologique donnée. Ce type de méthodologie est particulièrement approprié à l'informatique, et, vu les quantités impressionnantes de données à traiter, de gros ordinateurs ont été utilisés dès les premières études FAO à échelle continentale (FAO, 1978). Ensuite, la méthodologie s'est adaptée à l'apparition des mini puis des micro-ordinateurs, plus récemment. La plupart des recherches ZAE de pointe intègrent une série de bases de données, liées à un SIG et à des modèles informatiques conçus à cet effet, et qui permettent de multiples applications en gestion des ressources naturelles et en planification de l'utilisation des terres.

Les logiciels peuvent être soit des bases de données, soit des systèmes d'information géographique, soit des modèles, ou encore des ensembles intégrés.

Les bases de données

Lors des compilations nécessaires aux inventaires des terres et à leur utilisation, les ZAE font normalement appel à de grandes quantités de données. Leur stockage dans des bases de données facilite la visualisation directe de l'information et permet de mieux accéder à la modélisation lors des évaluations des aptitudes et des productivités des terres. Les bases de données peuvent être élaborées à l'aide de logiciels disponibles dans le commerce, ou grâce à des ensembles pré-programmes spécialement conçus à cet effet. Les bases de données se rapportant à ce sujet, et qui sont disponibles à la FAO sont les suivantes:

- base de données multilingue sur les sols (FAO/ISRIC/CSIC, 1995)
- base de données des besoins environnementaux des cultures (FAO, 1994b)
- base de données de l'utilisation des terres (de Bie, van Leeuwen et Zuidema, 1995).

Les plus récentes études ZAE de la FAO ont employé des bases de données incorporées dans des programmes, enveloppes, tels l'Outil de Planification Agricole (OPA), qui sera décrit au paragraphe traitant des Ensembles intégrés (p. 65).

Les modèles

Une fois les données essentielles stockées dans les bases de données, les ZAE utilisent des modèles pour en tirer les résultats quantitatifs décrivant la productivité et l'aptitude des terres. Les modèles sont la simplification d'une réalité plus complexe et le niveau de détail du modèle doit être en relation avec les objectifs de l'étude, avec la disponibilité des données et avec la somme de connaissances d'où peuvent venir les déductions. Les modèles mécanistes sommaires, basés sur les relations entre les variables externes et les produits intermédiaires ou finis, sont particulièrement bien adaptés à l'évaluation des terres (Dumanski et Onofrei, 1989). Etant donné que les plantes obéissent à des règles physiologiques similaires, des ensembles de paramètres peuvent être introduits pour des cultures isolées, ainsi que pour des entrées et pour des opérations décrivant les systèmes de production, et les résultats peuvent être directement comparés entre différents systèmes de production et entre différentes unités de terres ou CAE.

De nombreux modèles adaptables peuvent être utilisés dans les études ZAE. Les modèles CYPPAC (De Baveye, 1988) et CYSLAMB (Tersteeg, 1984) ont été développés au cours de projets FAO. Une version mise à jour du programme précédent est incluse dans l'enveloppe OPA. Pour estimer la productivité des cultures, la plupart des études nationales ZAE utilisent des modèles plus simples dans lesquels le bilan hydrique des cultures n'est pas spécifique à chaque culture. D'autres modèles sont employés pour évaluer les pertes de production induites par l'érosion, et pour estimer la productivité de l'élevage et du bois de chauffe.

SIG

Un grand nombre de données et d'informations de base, statistiques, spatiales et temporelles sont requises pour fournir les éléments de décision de l'utilisation des terres; les systèmes d'information géographique sont devenus de puissants outils de gestion et d'analyse de ces données, qu'ils traitent de manière souple, variée et intégrée, en produisant aussi bien des cartes, que des tableaux ou des textes. Ces dernières années, la FAO a développé des SIG en liaison avec ses zonages agro-écologiques ainsi qu'avec des modèles similaires, les appliquant afin de pouvoir résoudre les problèmes posés par les terres, l'alimentation et la population, aux niveaux global, national, et sub-national. Jusqu'à présent, les applications ont surtout concerné les problèmes liés à l'utilisation des terres, mais ont aussi abordé d'autres buts de développement dans des domaines tels que la production et l'auto-suffisance alimentaires, les nécessités en cultures de rente ou la capacité de charge démographique, tout en tenant compte des contraintes de fertilité, de salinité ou de risques d'érosion des sols, et des dangers de dégradation des terres. Le développement des SIG a permis de nettes améliorations en planification, en gestion et suivi des ressources en terres différentes.

Le développement de ces applications, ainsi que d'autres applications qui lui sont liées, implique l'analyse et l'interprétation d'un grand nombre de données biophysiques et socio-économiques, qu'elles soient statistiques, spatiales ou temporelles, afin de fournir les différents types d'information désirés, sous formes d'images, de cartes, de tableaux ou de texte et permettre ainsi aux décideurs de faire leur choix aux différentes échelles requises. Pour arriver à ce résultat, des outils informatiques d'analyse spatiale mis à jour sont nécessaires; ils permettent un accès aisé aux données et aux informations ainsi qu'à leur traitement.

Le rapide développement qu'ont connu les technologies de l'information durant la dernière décade est une occasion unique de développer un tel outil; il s'agit d'un système d'information multi-objets des ressources en terres (SIRT) que divers utilisateurs peuvent utiliser pour obtenir rapidement et efficacement différents types d'informations selon leurs besoins. Le SIRT contient des bases de données informatisées, des modèles, des outils d'aide à la décision et une interface facilitant sa mise en oeuvre par les utilisateurs.

L'élément central dans la configuration d'un SIRT est un SIG. L'utilité d'un SIG provient de sa capacité de fonctionnement dynamique, grâce à trois qualités principales:

1. la capacité physique de calcul pour manipuler des données, les superposer, les cumuler, ou les dissocier;

2. la capacité, qui est liée à la précédente, de rechercher des données en formulant des hypothèses pour vérifier des postulats, pour définir des relations potentielles et pour développer des modèles théoriques;

3. la capacité de relier selon deux ou trois dimensions les positions de caractéristiques de la surface terrestre (y compris l'atmosphère, la lithosphère/hydrosphère/écosphère) avec des processus dynamiques à quatre dimensions (espace/temps), tels que représentés par des opérations fonctionnelles de systèmes d'évaluation, de planification, de gestion et de surveillance des ressources en terres.

Les SIG/SIRT sont des entreprises multidisciplinaires qui intègrent des bases de données de types et d'origines divers, des modèles pour l'analyse des données, des outils d'aide à la décision, des systèmes informatiques et des logiciels, ainsi que les ressources humaines et les cadres institutionnels à même de faire fonctionner le système. La télédétection fournit les données et les cartes d'occupation et d'utilisation des terres; elle permet aussi une surveillance rapide et efficace des modifications dans l'occupation des terres; cette capacité est un élément essentiel de l'évaluation de la dégradation des terres; c'est enfin un paramètre déterminant de l'utilisation durable des terres.

Ensembles intégrés: lier les bases de données, les SIG et les modèles

Combinée avec des procédures et avec la supervision d'experts, l'intégration des ZAE et des SIG permet d'effectuer l'analyse des ZAE plus efficacement et de présenter les résultats avec la souplesse requise par la variété des besoins des utilisateurs. L'étude ZAE de la FAO au Kenya (FAO, 1993a) a conduit au développement d'un ensemble intégré de logiciels, adaptable partout ailleurs, à condition de disposer de l'expertise suffisante pour modifier les paramètres. Une alternative est l'OPA, un ensemble qui intègre bases de données et modèles; cependant un système auxiliaire est nécessaire pour introduire ses résultats dans un SIG.

Les systèmes intégrés utilisés lors de l'étude ZAE au Kenya sont composés de deux éléments principaux:

· une base de données informatisée des ressources en terres;

· un ensemble de modèles (majoritairement empiriques ou heuristiques) sous forme de programmes informatiques.

La base de données des ressources en terres est obtenue en combinant diverses couches de données (données cartographiques et tabulaires) portant sur des aspects physiques de l'environnement agricole, tels que les sols, les paysages et le climat. Les modèles sont utilisés pour créer la base de données des ressources en terres, pour calculer les aptitudes et la productivité des terres, et pour allouer au mieux les ressources en terres (figure 8). Des résultats variés sont obtenus à la fois sous forme de tableaux et sous forme de cartes. La puissance de la méthodologie ZAE repose sur le fait qu'elle crée une base de données intégrée et multi-objets des ressources.

Les liens entre les SIG et les modèles ZAE sont de type partiaux et ad hoc. Les SIG et les modèles sont développés séparément. La capacité qu'a un SIG d'intégrer, de superposer et de produire des cartes est utilisée pour établir la base de données des ressources en terres requise par les modèles. La modélisation se fait hors SIG. Les données circulent, venant des bases de données que le SIG a créées, et allant vers le modèle ZAE, et vice versa. Les résultats de la modélisation sont finalement retransférés dans le SIG afin d'être traités et publiés.

L'ensemble de logiciels utilisé pour un pays, avec la méthodologie ZAE détaillée, se compose de cinq programmes informatiques, pour mettre en oeuvre les modèles ZAE, et de plusieurs programmes utilitaires variés, qui permettent la gestion des bases de données, l'analyse statistique et la publication des résultats. Les programmes ZAE analysent l'aptitude et la productivité des terres; ils incluent les systèmes de culture, les relations agriculture - élevage, agriculture - foresterie, ainsi que des considérations sur l'érosion des sols. Est également compris dans l'ensemble, un logiciel de programmation linéaire pour l'optimisation de l'utilisation des terres au niveau de la cellule et du district.

Programmation linéaire pour l'aide à la décision multi-objets

L'application de modèles d'optimisation aux ensembles des productions ZAE/SIG a constitué un important progrès; cela a rendu possible l'étude de modèles d'options d'utilisation des terres aux échelons de la région et du district. De tels modèles supposent qu'il est possible de proposer des patrons d'utilisation des terres aptes à satisfaire au mieux certains objectifs spécifiques de développement, tels que: patrons-types de consommation alimentaire, capacité de charge démographique ou niveaux d'emplois ruraux. L'approche utilisée est une programmation mathématique; dans l'utilisation des terres, il y a en effet de nombreuses possibilités: par exemple, augmentation de la capacité de charge démographique des populations (production de calories et de protéines au niveau de la cellule AE), contraintes relatives aux cultures associées ou limitation de l'utilisation d'engrais au niveau du district.

FIGURE 11 - Exemple de publication ZAE

Développement futur des ZAE et des SIG

Le développement continu des ZAE/SIG a également contribué à l'élargissement du champ et des échelles de ses applications. Alors que le concept sous-jacent de ZAE reste valide à toute échelle, les méthodes et outils spécifiques de mise en oeuvre doivent bien souvent être différents, car ils doivent refléter la nature changeante et la complexité des prises de décision au niveau du pays, du district, de la ferme, voire même de la parcelle.

Les approches ZAE/SIG sont pertinentes pour toute application dans laquelle les relations entre les ressources et les besoins en terres doivent être étudiées - soit dans le contexte de l'évaluation de l'aptitude des ressources en terres pour des usages spécifiques, - soit dans le contexte de l'évaluation de l'impact probable de ces utilisations sur les ressources en terres elles-mêmes. En outre, les façons d'étudier ces relations s'enrichissent constamment. D'autres applications dans les domaines de l'analyse politique et de la planification se font sous forme de questions du type: 'que se passerait-il si ...?'. Les deux principaux types de questions sont: (1) que se passerait-il si je pouvais modifier une ou plusieurs caractéristiques des ressources en terres? (ex. terrassement, drainage, fertilisation, chaulage) ou (2) que se passerait-il si je pouvais modifier les caractéristiques d'utilisation des terres actuelles ou proposées? (ex. par l'utilisation de matériel génétique résistant mieux à la sécheresse, ou à cycle de croissance plus court, ou par l'utilisation accrue de mécanisation avec moins de main d'oeuvre, ou par l'utilisation de résidus pour l'alimentation animale plutôt qu'en paillis). Les ZAE/SIG sont à même d'estimer les modifications, soit dans l'aptitude à l'utilisation des terres, soit dans les risques de dégradation de l'environnement, que les tests des scénarios 'que se passerait-il si...?' peuvent générer. Il est dès lors possible d'évaluer les coûts et bénéfices socio-économiques plus importants introduits par ces modifications. Pour ce type d'application, un SIG et un modèle étroitement corrélés sont mis au point. Le modèle est appliqué en utilisant exclusivement les fonctions du SIG qui concernent l'introduction, le traitement et la production des données.

Cette méthodologie continue de se développer et, parmi les plus récentes, les améliorations suivantes sont à relever:

· Modèle amélioré d'analyse des données climatiques tenant compte des effets des basses températures dans le calcul de la LPC.

· Modèles révisés de l'aptitude des cultures, afin de:

· prendre en compte l'enrichissement en CO2 et son effet sur le taux de photosynthèse, ainsi que l'efficacité de la consommation en eau, et de les intégrer dans le modèle de calcul, selon la longueur du cycle des cultures;

· mieux évaluer les contraintes agro-climatiques et quantifier le déficit hydrique du sol à différents moments du cycle des cultures;

· permettre l'inclusion d'hausses artificielles des températures et précipitations sous concentrations en CO2 actuelles et estimées, afin de tester la sensibilité des modèles ZAE aux variations climatiques;

· rendre possible l'inclusion de considérations sur la durabilité dans la formulation des scénarios de planification;

· intégrer complètement le calcul de l'évapotranspiration potentielle (ETP), la détermination de la longueur de la période de croissance (LPC) (modèle de bilan hydrique), le calcul de la biomasse et des rendements dans les évaluations des aptitudes ou des productivités.

FIGURE 12 - Application ZAE de changements climatiques: flux d'information et intégration

La dernière version du système intégré SIG/ZAE est présentée à la figure 12.

La FAO est en train de préparer un outil amélioré; il contient ces modèles ZAE nouvelle version, ainsi que des techniques multi-critères d'aide à la décision, et ce en vue de pouvoir l'utiliser de manière plus générale dans différents contextes agro-écologiques et socio-économiques; il sera dès lors possible d'assister plus efficacement les différents décideurs dans les processus dont ils sont responsables et dans les négociations sur l'utilisation des terres. Le logiciel pourra tourner sous les modèles de PC facilement disponibles dans les pays en développement.


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