Dénombrer pour mieux conserver


Miser sur le renforcement des capacités des communautés locales au Sénégal

Astou Sané participe activement au dénombrement des oiseaux d’eau dans le Parc national des oiseaux du Djoudj au Sénégal ©FAO/David Mansell-Moullin

À l’aube, une lueur orangée brille sur les eaux du Sénégal. Astou, jeune écologue, se trouve dans le Parc national des oiseaux du Djoudj pour participer au dénombrement annuel des oiseaux d’eau. Fébrile, elle attendait ce moment depuis plus d’un an. Pour une troisième année consécutive, la FAO et ses partenaires soutiennent, au travers du Projet RESSOURCE*, cette importante activité de suivi de la biodiversité.

Le regard partagé entre ciel et terre, crayon et calepin à la main, Astou parle avec enthousiasme de sa passion pour l’environnement. «L’ornithologie est un travail qui n’est pas bien connu des femmes» dit-elle. «Pourtant, la gestion des zones humides et des oiseaux d’eau qu’elles abritent nous concernent tous». Au Sénégal, les femmes peuvent jouer un rôle essentiel dans la conservation. «Nous vivons dans une société où la femme occupe un rôle primordial dans l’éducation des enfants. Ces mères peuvent transmettre, de génération en génération, cette passion pour l’environnement» dit Astou.

C’est en 2015 qu’elle quitta, pour la première fois, son Dakar natal pour se rendre à Saint-Louis, dans la région du delta du fleuve Sénégal. «Je me souviendrai toujours de la première fois que j’ai aperçu une grande aigrette, j’en suis restée bouche bée».

Depuis toujours, ce delta offre des ressources abondantes pour les communautés locales, des poissons, aux sols riches et favorables à l’agriculture. Mais surtout, la région regorge d’oiseaux d’eau qui sont indispensables à la santé des écosystèmes. Toutefois, le changement climatique, les plantes aquatiques invasives et le développement agricole menacent les zones humides fragiles de cette oasis.

Lors du dénombrement, Astou s’est vu confier l’importante tâche de retranscrire les effectifs d’oiseaux d’eau comptabilisés. Gauche : ©FAO/David Mansell-Moullin ; Droite : ©FAO/Bruno Portier

Paradis des oiseaux migrateurs, le Parc national des oiseaux du Djoudj est un sanctuaire vital pour la conservation des oiseaux d’eau.  Par ailleurs, dans le Sahel, une partie de ces espèces contribuent à la sécurité alimentaire de certaines communautés rurales.  Accueillie sur le site par une envolée d’oiseaux, Astou comprend bien l’importance des activités de suivi. «Les dénombrements sont extrêmement importants, puisqu’ils nous permettent de connaître l’état de conservation des populations d’oiseaux d’eau» dit-elle. En janvier 2019, Astou a contribué au dénombrement de plus de 400 000 oiseaux d’eau dans ce parc. «Ce n’est pas la première fois que j’y participe, mais à chaque fois, ça me donne un sentiment nouveau» a-t-elle dit.

Les résultats de ces dénombrements sont une contribution inestimable tant au niveau local et national, qu’au niveau international, puisqu’ils permettent de suivre les fluctuations saisonnières et les tendances à long-terme des espèces recensées. Sous l’effet conjugué de nombreux facteurs, dont les modifications d’habitats et les prélèvements par la chasse, on estime que les populations d’oiseaux d’eau dans le Sahel auraient chuté de 40 pour cent, entre 1960 et 2000. La formation de jeunes comme Astou aux techniques de dénombrement des oiseaux d’eau et à la gestion des zones humides fait partie du renforcement des capacités locales menées par le Projet RESSOURCE. Cela contribue à assurer, au Sénégal, un avenir durable. C’est avec le même objectif que le Projet soutient également l’intégration de modules pédagogiques sur l’identification et les techniques de suivi des oiseaux d’eau dans les universités africaines. Le transfert de compétences est réellement au cœur du mandat.

Sur les 127 espèces d’oiseaux européens qui hivernent au sud du Sahara, 75 sont en déclin ©FAO/Bruno Portier

«Sur l’ensemble du delta du fleuve Sénégal, nous faisons face à une diminution drastique de la disponibilité en eau. Le Projet RESSOURCE arrive donc au bon moment puisqu’il constitue une réponse positive face aux changements climatiques» affirme-t-elle. La diminution du niveau d’eau dans les zones humides conduit inévitablement à une diminution de la fréquentation des oiseaux d’eau.

Le futur du Parc national des oiseaux du Djoudj reste, toutefois, très prometteur «puisqu’il y a une volonté politique de préserver ce site d’importance internationale» affirme Astou. Ce parc est loin d’être le seul à bénéficier du projet. Entre 2017 et 2020, le Projet RESSOURCE améliorera l’exploitation durable des ressources naturelles, en particulier des oiseaux d’eau, dans les zones humides de quatre autres pays du pourtour saharien: l’Égypte, le Mali, le Tchad et le Soudan. Le Projet contribue à la réflexion globale sur le lien entre viande de brousse et sécurité alimentaire, puisqu’il représente la composante sahélienne du Programme de gestion durable de la faune sauvage (SWM Programme), une initiative du Groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.

Le Projet RESSOURCE, cofinancé par le Fonds français pour l’environnement mondial et par l’Union européenne, offre aux jeunes femmes comme Astou une occasion unique de participer à la réalisation du Programme 2030 et aux Objectifs de développement durable (ODD). Notamment, le Projet RESSOURCE contribue à l’objectif «Faim Zéro» (ODD 2), «Consommation et production responsables» (ODD 12) et «Vie sur terre» (ODD 15).

 *RESSOURCE signifie «Renforcement d’expertise au Sud du Sahara sur les oiseaux et leur utilisation rationnelle en faveur des communautés et de leur environnement».


Pour en savoir plus:

2. Zero hunger, 12. Responsible consumption and production, 15. Life on land