Les pompes à eau solaires à la rescousse des agriculteurs au Yémen


Un projet FAO-UE permet de lutter contre la pénurie d'eau et l'augmentation des coûts du carburant grâce à de nouvelles méthodes d'irrigation.

Rashed Abdullah a retrouvé le sourire depuis qu’il peut à nouveau cultiver la terre grâce à des puits fonctionnant à l’énergie solaire fournis dans le cadre d’un projet mené par la FAO et l’UE au Yémen. ©FAO/Essam Alkamaly

22/03/2020

Rashed est particulièrement heureux ce matin. Aujourd’hui, lui et ses confrères agriculteurs ont à leur tour accès au puits fonctionnant à l’énergie solaire pour irriguer leurs exploitations.

«Je suis un paysan, et l’agriculture, c’est toute ma vie. L’un de mes plus gros problèmes est l’accès à l’eau. Je cultive des carottes, des pommes de terre, des radis, du cresson d’eau, des oignons, du persil et de la menthe. Ces plantes ont besoin de beaucoup d’eau pour bien pousser, sinon elles meurent et, ma famille et moi, nous nous retrouvons sans rien pour vivre», explique Rashed Abdullah, 37 ans, agriculteur yéménite de la province d’Ibb.

Ce puits, construit dans le cadre d’un projet mené par la FAO et l’Union européenne (UE), est au service d’une communauté de 400 personnes dans le sud-ouest du Yémen. Une semaine sur deux, des tuyaux transportent le précieux liquide dans le potager de Rashed.

Près de 70 pour cent de la population yéménite vit dans des zones rurales. L’agriculture irriguée est la principale source de nourriture, d’emploi et d’activité économique, or la pénurie d’eau a longtemps été l’un des principaux obstacles empêchant les agriculteurs de produire des aliments et d’assurer leur subsistance dans de bonnes conditions. 

Avant le conflit déjà, l’urbanisation et la hausse de la demande d’eau avaient fait grimper le prix de ce bien précieux, qui n’était ainsi déjà plus à la portée de nombreux Yéménites pauvres. Par la suite, le conflit a provoqué une flambée des prix des carburants, ce qui a considérablement augmenté le coût de l’eau d’irrigation, qui est puisée grâce à des pompes motorisées.

La FAO et l’Union européenne, convaincus que l’agriculture irriguée pouvait contribuer au renouveau des moyens de subsistance dans les zones rurales du pays, ont noué un partenariat et mobilisé 12,8 millions d’USD sur deux ans, afin de mettre en œuvre un programme consacré au renforcement des systèmes d’information sur la sécurité alimentaire et aux moyens de subsistance au Yémen». Ce projet, qui s’adresse à 150 990 Yéménites touchés par le conflit, a permis d’installer 42 pompes à eau solaires dans plusieurs districts du pays. L’objectif était d’améliorer la gestion de l’eau, de développer l’utilisation de techniques de production alimentaire adaptées, d’améliorer les chaînes de valeur et de créer des emplois au sein et en dehors des exploitations.

La pénurie d’eau est l’un des principaux obstacles qui empêchent les agriculteurs de produire des aliments et d’assurer leur subsistance dans de bonnes conditions au Yémen, où près de 70 pour cent de la population vit dans des zones rurales. L’agriculture irriguée est la principale source de nourriture, d’emploi et d’activité économique. ©FAO/Essam Alkamaly

Le Yémen, qui fait face à l’une des plus grandes crises de ces dernières années, dépend fortement de l’aide humanitaire. Plus de la moitié de la population yéménite est tributaire de l’assistance alimentaire. Cette situation a été aggravée par une crise du carburant, dont le coût est monté en flèche dans tout le pays, à tel point que les agriculteurs n’avaient plus les moyens d’utiliser les pompes à essence pour irriguer.

«Avant, nous utilisions de l’eau provenant du village voisin. Il y a quatre ans, lorsque le conflit s’est aggravé, les prix des carburants se sont envolés, ce qui a considérablement fait grimper le coût de l’irrigation. Nous avons d’abord vendu certains de nos animaux pour acheter de l’eau, mais le prix a continué à augmenter et nous n’avions presque plus d’argent pour la nourriture et les médicaments. Au bout du compte, nous ne pouvions plus nous permettre d’acheter d’eau», raconte Rashed.

L’exploitation de Rashed s’est lentement asséchée, tout comme celles de nombre de ses voisins. Pendant quatre ans, Rashed se rendait au marché principal de la ville d’Ibb (à 50 kilomètres) pour gagner sa vie. Il y achetait des légumes au prix de gros pour les revendre ensuite au marché local. Il arrivait ainsi à gagner en moyenne 4 USD par jour, bien trop peu pour nourrir son foyer de 16 personnes.

Avec l’aide apportée par la FAO et l’UE, Rashed et ses voisins ont pu sonder le terrain environnant, creuser un puits, construire un réseau de tuyaux vers 40 exploitations et installer une pompe à eau solaire pour alimenter le système. Le projet a également permis de renforcer les capacités de leur association qui regroupe des utilisateurs d’eau: des formations sur les pratiques optimales de gestion des ressources en eau ont été dispensées et des systèmes d’irrigation au goutte-à-goutte et à énergie solaire ont été installés ou remis en état.

Les puits fonctionnant à l’énergie solaire ont sensiblement amélioré la production alimentaire et les revenus des agriculteurs. ©FAO/Essam Alkamaly

Rashed explique comment les choses ont changé pour sa famille depuis lors. «Grâce au projet, nous avons multiplié par quatre la superficie de notre potager. Mon fils aîné, Saleh, m’aide à vendre notre excédent de légumes au marché et, les bons mois, nous faisons jusqu’à 500 USD de bénéfice. À la fin, il nous reste très largement de quoi nourrir la famille: mes enfants peuvent se régaler de leur plat préféré composé de légumes verts, de poulet et d’Asida, un aliment de base très prisé fait de farine de blé».

La FAO a privilégié les programmes consacrés aux moyens de subsistance qui renforcent la résilience des communautés, augmentent la production alimentaire et diversifient les sources de revenus. Ainsi, elle a pu fournir à des familles yéménites les outils dont celles-ci avaient besoin pour gagner leur vie dans ce contexte de crise. L’histoire de Rashed montre que, pour mettre les populations à l’abri de la faim et de la malnutrition, y compris dans les pays touchés par des conflits, la meilleure solution consiste à reconstituer les moyens de subsistance agricoles.


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3. Good health and well-being, 6. Clean water and sanitation, 9. Industry innovation and infrastructure