«Nous sommes restés bloqués pendant presque trois mois à cause de la fermeture des frontières entre le Mali et la Mauritanie. Nous ne pouvions pas déplacer nos troupeaux, ni faire paître nos bêtes ni les vendre. Les animaux avaient faim et il a fallu attendre la pluie pour qu’ils puissent enfin manger», déplore Ould Ne Salem.
Une crise dans la crise
Ould Ne Salem pointe également du doigt le fait que la situation a été encore aggravée par un conflit entre les éleveurs qui ne possèdent pas de terres, ni au Mali ni en Mauritanie. En effet, certains éleveurs, désespérés par le manque de nourriture pour leurs bêtes, font paître celles-ci dans les champs des agriculteurs de la région, ainsi que dans les espaces naturels communs. Cela entraîne irrémédiablement des tensions avec la population locale, qui se retourne contre l’ensemble des éleveurs pastoraux.
Ould Ne Salem fait partie de ces éleveurs sans terres mais il refuse d’exploiter les ressources naturelles sans permission. Il doit assister, impuissant, à la montée des conflits, qui peuvent se solder par des blessés et des morts.
«La crise s’est aggravée à cause des éleveurs qui prélèvent de la paille et du bois sans en avoir la permission et qui, pour se procurer ces ressources, détruisent l’environnement», remarque-t-il.
Comment prévenir les conflits?
Les mouvements transfrontaliers font souvent partie du cycle saisonnier des pasteurs et permettent à ces derniers d’avoir accès aux ressources liées aux pâturages pendant la saison sèche ou pendant la saison des pluies, ou aux pâturages d’hiver ou d’été. La nature nomade des activités pastorales confère aux éleveurs le droit d’utiliser les ressources naturelles qui se trouvent dans des corridors définis par le gouvernement. Les éleveurs sont autorisés à passer d’un pays à l’autre en vertu de traités bilatéraux et internationaux conclus par les États de la région.
L’une des clés de la prévention des conflits dans les pays du Sahel est l’amélioration de la gouvernance foncière. C’est pourquoi la FAO a soutenu la création de plateformes multipartites qui rassemblent les acteurs ayant des intérêts dans l’amélioration de la gestion des terres, notamment les résidents, les membres du gouvernement local et les organisations qui défendent les droits fonciers des habitants et des groupes les plus vulnérables. Ces plateformes permettent d’instaurer un dialogue sur le foncier entre ces acteurs,qui n’avaient jamais eu la possibilité d’interagir et de se concerter tous ensemble, afin d’élaborer des politiques foncières inclusives et respectueuses des droits de chacun.
En Mauritanie, où la situation foncière est très délicate, une plateforme nationale et une plateforme locale ont été mises en place. Le Groupement national des associations pastorales (GNAP) est un acteur très actif de la plateforme nationale, qui défend les droits des populations marginalisées, par exemple les éleveurs nomades.
«La situation est alarmante pour les éleveurs et pour les utilisateurs des ressources naturelles, affirme Kane Aliou, le coordinateur du GNAP. Les plateformes pourraient jouer un rôle important en termes de sensibilisation et de renforcement des capacités des éleveurs, pour les préparer à gérer d’autres crises».