L’innovation et des modèles à suivre donnent une nouvelle image à l’agriculture en Jamaïque


Des exploitants agricoles adoptent des pratiques innovantes pour faire face au manque d’eau et transmettent leur passion pour la production d’aliments nutritifs.

Howard Manning a pu atteindre de nombreux objectifs personnels grâce à l’agriculture et sert aujourd’hui de modèle à la jeune génération, qui considère généralement cette dernière comme une activité ingrate. ©FAO/Chrishane Williams

14/09/2021

L’association d’agriculteurs Mount Airy Farmer’s Group est née dans les collines de Clarendon, en Jamaïque. Pour une grande partie de ses membres, l’agriculture était un moyen d’existence dont la transmission de génération en génération n’était pas remise en cause et qui faisait partie intégrante de leur quotidien. Pour Howard Manning, qui a arrêté l’école lorsqu’il a compris qu’il n’était pas fait pour les études, l’agriculture était une issue face au chômage.

«Plus jeune, j’ai dû faire des choix. J’ai quitté l’école, mais je me suis retrouvé sans perspectives», raconte-t-il. Comme ses parents avaient été agriculteurs, il a voulu tenter l’expérience. «Je me suis lancé dans cette voie et, aujourd’hui, j’en tire des revenus satisfaisants.» Ses revenus lui ont même permis d’acheter une maison et une voiture, deux de ses objectifs personnels. «J’exerce cette activité depuis 25 ans et je voudrais servir d’exemple», explique Howard.

La majorité des jeunes considèrent que l’agriculture est un travail ingrat, qui ne rapporte pas assez rapidement de bénéfices, mais ils changent peu à peu d’avis en voyant ce que des agriculteurs comme Howard ont accompli et sont aujourd’hui nombreux à mesurer l’importance de cette activité.

Vice-président de Mount Airy Farmer’s Group, Howard est à présent une personnalité reconnue dans sa communauté. Il explique son parcours aux jeunes et donne des conseils au sujet des bonnes pratiques agricoles à ceux qui se lancent dans l’agriculture.

Dans cette région, les exploitants agricoles sont confrontés à des épisodes de sécheresse prolongée, au manque d’eau et à la dégradation des sols. La FAO et l’Autorité jamaïcaine chargée du développement agricole rural ont fait découvrir aux agriculteurs des moyens innovants d’améliorer leur accès à l’eau et de renforcer leur résilience face aux aléas climatiques. ©FAO/Chrishane Williams

Quand la passion ne suffit pas

En dépit de leur passion pour l’agriculture, Howard et les autres exploitants de la communauté ont de plus en plus de mal à se procurer suffisamment d’eau pour leur activité, dans cette région de l’île particulièrement exposée à la sécheresse.

Compte tenu de l’imprévisibilité croissante des précipitations observée depuis plusieurs années, les agriculteurs ont dû commencer à s’approvisionner dans un plan d’eau situé à proximité. Cependant, comme ils n’étaient pas équipés de citernes individuelles, ils achetaient régulièrement de l’eau distribuée par des camions, ce qui amputait leurs revenus.

«Cet approvisionnement irrégulier en eau constitue notre principale difficulté. Nous nous en procurons auprès de camions ou dans un plan d’eau près d’ici, mais cela ne suffit pas», explique Howard.

À Clarendon, qui est pourtant la principale région agricole du pays, certaines zones sont également exposées à la dégradation des sols. L’extraction intensive de la bauxite – première ressource minière de la Jamaïque – a entraîné une dégradation de la qualité des sols et les agriculteurs se heurtent à de nombreuses difficultés nées de l’évolution des conditions météorologiques. Comme les parcelles de beaucoup d’exploitations ont été récupérées après cette activité minière, les taux de nutriments dans le sol y sont déséquilibrés, les organismes nuisibles sont fortement présents et les ressources en eau sont limitées.

Ces obstacles pourraient suffire à dissuader n’importe qui de vivre de l’agriculture. Pour éviter cela, la FAO et l’Autorité jamaïcaine chargée du développement agricole rural (RADA) ont noué un partenariat autour d’un projet axé sur la résilience pour apprendre de nouvelles techniques novatrices aux exploitants.

Dans le cadre de ce projet, soutenu par le Fonds d’affectation spéciale des Nations Unies pour la sécurité humaine en Jamaïque, l’approche des écoles pratiques d’agriculture est mise à profit pour aider les agriculteurs à faire face aux difficultés d’approvisionnement en eau. La récupération de l’eau de pluie, l’irrigation au goutte-à-goutte par gravité et l’irrigation fertilisante (processus consistant à irriguer tout en assurant un apport en nutriments) figurent au rang des méthodes enseignées.

«Depuis que je bénéficie du soutien de la FAO et de la RADA, j’obtiens de meilleurs rendements pendant des cycles plus longs et j’ai un revenu stable que je tire exclusivement de mon activité agricole», déclare Euxan Smith, président de l’association d’agriculteurs.

Grâce aux formations de l’école pratique d’agriculture, les agriculteurs parviennent à maîtriser la propagation des organismes nuisibles à l’aide de méthodes plus abordables et plus responsables. Ils ont également pu augmenter leurs rendements de plus de 35 pour cent et ont maintenant pour ambition de développer la production de fruits et de légumes.

Althea Spencer, agricultrice et trésorière de l’association, évoque en ces mots son ambition pour ses membres:

«Notre association considère que l’agriculture est une activité économique. Je voudrais que nous nous engagions dans la transformation de produits agricoles et que, d’ici à cinq ans, nous ne prenions pas seulement en charge l’exploitation agricole, mais aussi l’emballage et l’étiquetage de nos propres produits.»

Dans les écoles pratiques d’agriculture, les exploitants agricoles ont découvert des techniques et acquis des compétences qui les aident à allonger leurs cycles de production et à augmenter cette dernière, en particulier s’agissant d’aliments nutritifs tels que les fruits et les légumes. ©FAO/Chrishane Williams

Comme beaucoup d’autres membres de l’association, Althea Spencer souhaite vivement intensifier la production une fois que la pandémie sera terminée et que les problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement alimentaire se seront atténués. En dépit de leur accès limité aux marchés, des longues distances qui les séparent de leurs clients et des restrictions concernant les déplacements, les membres de Mount Airy Farmer’s Group sont optimistes quant à l’avenir de l’agriculture et à son statut de profession respectable.

«C’est très satisfaisant d’être agriculteur. En récoltant 45 kg de poivrons, je peux nourrir des centaines de personnes. Je trouve gratifiant d’être un acteur de cette chaîne qui nourrit la population jamaïcaine», déclare Euxan Smith.

Si les membres de l’association n’ont pas pu régler tous leurs problèmes, ils ont trouvé dans les informations et le soutien de la FAO et de ses partenaires, dont ils tirent encore parti, un moyen d’améliorer considérablement leurs moyens d’existence.

L’initiative de la FAO a incité d’autres structures à proposer aux agriculteurs de nouvelles solutions aux problèmes d’approvisionnement en eau dans la communauté. Le Mount Airy Farmers’ Group cherche également à faire reconnaître officiellement sa mission d’assistance auprès des autorités, ce qui lui permettra de mieux mobiliser ses ressources et de renforcer la résilience face au changement climatique. Cette association dynamique reste un véritable exemple de collaboration, de dévouement et d’engagement en faveur de la sécurité alimentaire durable en Jamaïque.


Pour en savoir plus

 

2. Zero hunger, 9. Industry innovation and infrastructure, 13. Climate action