Le changement climatique au quotidien sur la côte chilienne


Les artisans pêcheurs et les petits aquaculteurs chiliens doivent adapter leurs moyens d’existence.

Les énormes changements environnementaux ont des répercussions sur la disponibilité et l’abondance des espèces; les artisans pêcheurs et les petits aquaculteurs du vaste littoral chilien sont contraints de modifier leurs moyens d’existence en conséquence. ©FAO/Max Valencia

05/11/2021

Dans le village côtier d’El Manzano, dans le sud du Chili, les artisans pêcheurs sont en première ligne face à la crise climatique. La majorité des 400 habitants de ce village pittoresque vivent de la pêche artisanale ou de la récolte de coquillages et d’algues marines.

Cependant, des changements environnementaux alarmants contraignent les artisans pêcheurs et les petits aquaculteurs du littoral chilien, qui s’étend sur 6 400 kilomètres, à modifier ou compléter leurs activités en raison des répercussions de ces changements sur la disponibilité et l’abondance des espèces.

«Nous assistons à des changements que nous n’avions jamais connus auparavant, comme des précipitations excessives et des phénomènes inexplicables», explique Alejandro Naiman, pêcheur de merlu et personnalité influente d’El Manzano.

La pêche est l’un des secteurs agricoles les plus importants du Chili. Dans ce pays, la production totale de la pêche et de l’aquaculture était d’environ 3,4 millions de tonnes en 2019 et les emplois de plus de 200 000 personnes dépendent directement ou indirectement du secteur.

Alejandro ajoute qu’avec d’autres artisans pêcheurs il a été contraint de s’essayer à la pêche aux moules lorsque la quantité de merlus, l’un des poissons les plus consommés au Chili, a chuté.

Cela n’est peut-être pas surprenant dans la mesure où le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) indique que les régions côtières du pays subissent des hausses de température, des baisses de précipitations, une élévation du niveau de la mer, une acidification des océans et une augmentation de la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes.

«Ces changements menacent l’avenir de la pêche et de l’aquaculture au Chili en perturbant la croissance et la reproduction des organismes aquatiques, ce qui, à terme, se répercute sur l’abondance et la répartition des ressources marines», indique José Aguilar-Manjarrez, fonctionnaire de la FAO chargé de l’aquaculture au Chili.

Les artisans pêcheurs se sont tournés notamment vers la pêche aux moules lorsqu’ils ont vu chuter la quantité de merlus, l’un des poissons les plus consommés au Chili. ©FAO/Max Valencia

Depuis que le Chili a ratifié l’Accord de Paris en 2017, le gouvernement s’efforce de réduire les émissions et d’améliorer la capacité du pays à s’adapter au changement climatique.

La FAO et le Chili ont collaboré pour mettre au point une initiative spécifique visant à aider le pays à rationaliser ses processus gouvernementaux dans le secteur, tout en formant les artisans pêcheurs et les populations afin d’améliorer leurs capacités et de diversifier leurs activités pour qu’ils soient en mesure de faire face au changement climatique.

Grâce à l’appui financier du Fonds pour l’environnement mondial (FEM), la FAO a mené conjointement avec le Sous-Secrétariat à la pêche et à l’aquaculture et le Ministère de l’environnement du Chili, de 2017 à 2021, un projet visant à renforcer les capacités d’adaptation du secteur de la pêche et de l’aquaculture au changement climatique afin de réduire la vulnérabilité de quatre criques et de leurs habitants.

«Notre objectif était de mieux préparer les artisans pêcheurs et les petits aquaculteurs afin qu’ils aient d’autres débouchés professionnels s’ils venaient à se trouver en difficulté à cause du changement climatique», explique M. Aguilar-Manjarrez, qui a supervisé le projet pour la FAO.  

Plus de 140 personnes (autant d’hommes que de femmes) des criques de Riquelme, de Tongoy, de Coliumo et d’El Manzano-Hualaihué ont participé au projet pilote, qui prévoyait notamment des formations destinées aux populations côtières et des ateliers scolaires. Plus de 400 responsables, spécialistes nationaux et dirigeants locaux ont également participé au programme.

Alessandro Lovatelli, le fonctionnaire de la FAO chargé de l’aquaculture qui a lancé le projet de lutte contre le changement climatique, estime que cela a révélé le besoin de souplesse de la part du gouvernement et des pêcheurs. Lorsque le thon est apparu dans le sud du pays, à Los Lagos, par exemple, les pêcheurs ayant subi les conséquences de la diminution des prises n’ont pas pu le pêcher, car le thon n’était pas une espèce autorisée dans leur région.

«Pour que les pêcheurs survivent, il faut faire preuve de davantage de souplesse», a ajouté M. Lovatelli. «Nous avons formé les artisans pêcheurs à l’exploitation d’autres sources de revenus, comme l’aquaculture artisanale, et nous nous sommes efforcés d’encourager la consommation de produits comestibles de la mer. L’élevage d’espèces adéquates représente un potentiel considérable si l’on fournit les technologies nécessaires et si l’on apprend à la population à le faire.»

Le Fonds pour l’environnement mondial, la FAO et le Gouvernement chilien ont aidé les populations côtières à réduire leur vulnérabilité face au changement climatique en diversifiant leurs moyens d’existence et en leur apprenant de nouvelles manières d’apporter une valeur ajoutée aux produits. ©FAO/Max Valencia

Grâce à la contribution de la FAO, les artisans pêcheurs et les petits aquaculteurs ont appris de nouvelles manières d’apporter une valeur ajoutée à leurs produits et de diversifier leur production.

Luis Valdés, pêcheur de crustacés et de mollusques à Riquelme, à l’extrême nord du pays, a dit avoir acquis de nouvelles compétences dans le cadre du projet de la FAO. Grâce à des données environnementales recueillies au moyen de dispositifs portatifs, il est désormais mieux à même de mesurer la salinité et le taux d’oxygène de l’eau et d’évaluer la productivité.

«La chasse au poulpe et la pêche sont étroitement liées à l’évolution du taux d’oxygène et des températures. Par exemple, à 14° C, les poissons migrent, mais à 18° C, la température est idéale pour notre travail», explique-t-il. «Nous avons mené des expériences avec des algues pour voir s’il était possible d’en produire à cet endroit.»

«On entend parler de changements climatiques, mais ici, nous les vivons au quotidien», déclare Juan Torrejón, Directeur de l’association d’aquaculture locale de Tongoy. «Grâce au soutien de la FAO, nous avons élaboré un projet d’usine de transformation, pour que nos associés et notre coopérative ne soient pas que de simples producteurs, mais puissent également proposer des produits.»

Les pêcheurs ont également appris comment valoriser et promouvoir les ressources naturelles et le patrimoine culturel de leur région afin de compléter les revenus tirés de leurs ressources marines, grâce au tourisme.

Matías Torres, un pêcheur de Coliumo, a ainsi eu de nouvelles idées pour développer le tourisme durable. «Coliumo a d’autres choses à offrir que la pêche, comme la plongée, les sentiers en pleine nature, la randonnée et des produits gastronomiques typiques de la région. Toutes ces activités permettent à la population de Coliumo de disposer d’alternatives pour mieux s’adapter aux effets du changement climatique.»

Au Chili, pays au littoral si étendu, les artisans pêcheurs et les petits aquaculteurs n’ont d’autre choix que de s’adapter au changement climatique et à la situation actuelle, mais que se passerait-il si les ressources marines essentielles venaient à disparaître?

Cette question ne concerne pas uniquement la population chilienne, mais l’ensemble de la communauté internationale.

Proyecto GEF

Pour en savoir plus:

5. Gender equality, 8. Decent work and economic growth, 13. Climate action, 14. Life below water