Un nouveau type de pêche en Ouganda


Diversifier les revenus et le savoir-faire pour reconstruire les moyens de subsistance sur le lac Victoria

La FAO collabore avec le Gouvernement ougandais à former des villageois des rives du lac Victoria à l’exercice d’autres moyens de subsistance, comme l’aquaculture, afin d’alléger la pression sur les ressources halieutiques du lac tout en aidant les familles de pêcheurs. ©FAO/Fredrick Matovu

21/04/2022

Sur les rives ougandaises du plus grand lac d’Afrique, il est de plus en plus fréquent que les pêcheurs rentrent bredouille. Le lac Victoria pouvait s’enorgueillir jadis de ses 500 espèces de poisson, mais ces dernières années, la surpêche et de mauvaises pratiques de pêche se sont avérées fortement préjudiciables aux stocks de poisson, à l’environnement et aux populations qui dépendent de ces ressources. 

«Le pêcheur que j’étais avais recours à des méthodes illicites», avoue Kigozi Robert Sande, pêcheur du district de Kalangala. «Quand le Gouvernement ougandais est intervenu en mettant fin à ces pratiques, nous avons perdu notre travail.»

De nombreux pêcheurs comme Robert pêchaient sans permis ou utilisaient sur le lac de petites embarcations et des filets non autorisés. Par exemple, certains utilisaient un type particulier de filet, la senne, pour capturer du poisson juvénile, ce qui est illicite.

Quand les pouvoirs publics ont sévi, «beaucoup de gens qui vivaient de la pêche se sont retrouvés sans moyens de subsistance», explique M. Jacob Olwo, fonctionnaire de la FAO chargé des pêches et de l’aquaculture en Ouganda.

Un million de personnes en Ouganda pratiquent la pêche de capture, et il y a plus de 5 millions de personnes dans le pays à qui ce secteur assure les moyens de subsistance.

Les communautés de pêcheurs des rives du lac sont néanmoins, et depuis longtemps, confrontées à une diminution des volumes des prises, à la médiocrité des installations de manutention du poisson, à l’augmentation des pertes après capture, à une concurrence accrue visant les ressources halieutiques et à un éventail limité de sources de revenu.

Depuis deux ans, la FAO collabore avec le Ministère ougandais de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche sur un projet conjoint visant à remodeler le secteur de la pêche et de l’aquaculture du lac. Ce projet arrive à point nommé puisque la FAO met en exergue la contribution des petits pêcheurs, des pisciculteurs et des travailleurs de la pêche en 2022, avec l’Année internationale de la pêche et de l’aquaculture artisanales.

Ce projet, intitulé Appui intégré aux moyens de subsistance des communautés de pêcheurs autour du lac Victoria, a formé les communautés concernées et leur a fourni du matériel destiné à diversifier leurs compétences et à augmenter leurs revenus.

«Le projet a permis de familiariser les pêcheurs aux méthodes de pêche autorisées, de leur fournir des intrants et du matériel, notamment aux femmes et aux jeunes, et de promouvoir des pratiques différentes comme l’aquaculture en cage à poisson dans les eaux du lac et des étangs de l’arrière-pays», explique M. Olwo.

Les participants ont acquis des compétences dans le développement de l’élevage du poisson en cage, une forme d’aquaculture pratiquée dans les eaux du lac, et dans l’aménagement d’étangs à l’intérieur des terres où est élevé du poisson d’espèces locales. D’autres ont reçu de nouveaux équipements et ont été formés à l’amélioration des techniques de valorisation après capture.

«Ce projet a été conçu pour apporter une aide aux personnes qui avaient perdu leurs moyens de pêche, leur source de revenus, et qui devaient trouver un autre moyen de subvenir aux besoins du ménage», explique M. Olwo.

Le projet a fourni aux communautés vulnérables du matériel de pêche et d’aquaculture et leur a dispensé des formations destinées à diversifier leurs compétences et à leur permettre d’augmenter leurs revenus ©FAO/Fredrick Matovu

Une rampe de lancement pour changer de vie 

Nantongo Mary est membre du groupe Agali Awamu, une coopérative qui, elle aussi, a participé au projet. Elle raconte comment les femmes de son groupe ont appris à élever le poisson et à réinvestir leur revenu dans l’augmentation de la production.

«Dans deux ans, notre groupe espère pratiquer la pisciculture à grande échelle et récolter du poisson tous les trois mois», lance-t-elle. «Nous aimerions disposer d’un plus grand nombre d’étangs piscicoles et de davantage de réfrigérateurs.»

Comme l’affirme M. Dheyongera Geoffrey, fonctionnaire principal des pêches au Ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche, «ces communautés ont profité du renforcement des capacités. Elles ont acquis des connaissances et savent à présent pratiquer la pisciculture.»

«Pour moi, cela a été un tremplin pour changer de vie», déclare Robert, qui a aussi acquis des compétences commerciales grâce au projet. Il dirige à présent un groupe de 10 pisciculteurs et piscicultrices développant l’aquaculture dans les eaux du lac. «Nous avons pour objectif de posséder 20 cages, soit deux cages pour chacun et chacune d’entre nous. Avec deux cages, on parvient à élever 10 000 poissons.»

Les claies de séchage fournies par le projet ont permis d’améliorer le traitement et la qualité des petits poissons d’argent (Lepisma saccharina), de les proposer à la consommation humaine et d’en tirer de meilleurs prix. ©FAO/Agatha Ayebazibwe

Tout ce qu’une claie de séchage peut changer 

Outre le savoir-faire enseigné et les formations dispensées, le projet du lac Victoria a aussi fourni du matériel: des moteurs de bateau et des filets de pêche, mais aussi des claies de séchage qui améliorent la transformation et la qualité d’un produit de la pêche locale – le petit poisson d’argent appelé mukene. 

«Auparavant, nous devions sécher le poisson d’argent à même le sol et les prix étaient bas par rapport à ceux que l’on obtient quand le poisson d’argent est séché sur les claies», explique Nantongo Irene, présidente du groupe de femmes Kezimbra à Lambu, autre village des rives du lac. «Le petit poisson d’argent séché à même le sol peut se vendre 12 000 shillings (environ 3 USD) le seau, tandis que le nôtre, séché sur les claies, atteint les 40 000 shillings (soit 11 USD environ).» 

Le petit poisson d’argent, aliment hautement nutritif, était auparavant exploité pour l’alimentation animale, car, séché à même le sol, le produit était souvent gâché ou contaminé. Grâce aux claies, le séchage du petit poisson d’argent s’effectue dans de meilleures conditions d’hygiène et plus rapidement, ce qui permet de proposer le produit à la consommation humaine, qui rapporte ainsi davantage aux producteurs.

Irene déclare que les nouvelles claies de séchage du poisson ont fortement accru les capacités du groupe de valoriser les produits, ce qui a fait bondir les bénéfices de ses membres.

Divers produits de la valorisation de ce poisson sont désormais préparés et conditionnés pour la consommation humaine, ce qui a eu pour conséquence d’améliorer la nutrition des ménages locaux dans un périmètre où la malnutrition infantile connaît une forte incidence.

Selon le Représentant de la FAO en Ouganda, M. Antonio Querido, le projet ne fera pas qu’élargir l’éventail des moyens de subsistance des communautés de pêcheurs, il les aidera aussi à renforcer leur résilience sur le long terme face à la crise climatique et ses effets.

En reconnaissant la puissance et la valeur du travail des pêcheurs et des pisciculteurs artisanaux et des travailleurs de la pêche, en particulier durant l’Année internationale qui leur est consacrée, la FAO aide à l’avènement d’un monde où ils peuvent continuer de contribuer au bien-être humain, à des systèmes alimentaires sains et à l’éradication de la pauvreté, grâce à l’utilisation responsable et durable des ressources marines et naturelles.


En savoir plus

2. Zero hunger, 8. Decent work and economic growth, 14. Life below water