Les algues ouvrent de nouveaux débouchés aux pêcheurs autochtones au Panama.


La FAO aide des pêcheuses à acquérir de nouvelles compétences face au déclin des stocks de poissons.

Face à la diminution des stocks locaux de poissons, l’Organisation a mis en œuvre un programme sur le territoire autochtone de Guna Yala (Panama) dans le cadre duquel des femmes tirent de nouvelles sources de revenus de la culture, de la récolte et de la transformation d’algues marines. ©FAO/Epimenides Diaz

28/06/2022

Guna Yala est un territoire autonome situé sur le littoral de la mer des Caraïbes au Panama, où vit depuis des siècles le peuple autochtone Guna. Bordant le golfe du même nom, il est composé d’un archipel d’environ 300 îles. Dans la ville côtière de Naranjo Grande, la mer apporte à la population de quoi se nourrir, lui fournit du travail et rythme la vie quotidienne. 

Luisa Lopez Hurtado a toujours vécu ici. Membre du peuple autochtone Guna, elle pratique la pêche avec les membres de sa famille au large de la côte orientale du Panama depuis aussi longtemps qu’elle s’en souvienne.

«J’ai grandi au bord de la mer», explique Luisa, qui est mère de quatre enfants, «lorsque j’étais jeune, j’accompagnais mon père quand il partait pêcher.»

Depuis des générations, le peuple Guna vit des ressources marines et côtières. Mais selon Luisa, qui est la présidente de l’association des femmes de Naranjo Grande, il devient plus difficile pour les pêcheurs de vivre de leur activité en raison de la surpêche et du changement climatique, qui ont des répercussions sur les stocks locaux de poissons et de homards.

«La production n’était pas la même lorsque j’étais enfant. Il n’y a plus autant de poissons qu’avant et il est de plus en plus compliqué de trouver des homards, alors qu’ils étaient très nombreux auparavant», précise-t-elle.

Maria Dickson, une membre âgée de 24 ans de l’association de femmes présidée par Luisa, dresse le même constat: «La production a beaucoup diminué. Je me dis parfois que les prises sont trop petites, ce qui compromet la reproduction.» 

Les femmes ont un rôle important dans la communauté Guna et sont nombreuses à nettoyer et à transformer le poisson ainsi qu’à travailler dans les secteurs de l’agriculture, du tourisme et de la production artisanale. Cependant, elles sont souvent dépendantes des hommes pour leurs revenus. 

La chute importante du tourisme depuis le début de la pandémie de covid‑19 et le déclin des stocks de poissons ont eu des effets dévastateurs qui ont fait basculer de nombreuses familles dans la pauvreté, en particulier les ménages dirigés par une femme.

La FAO offre désormais de nouvelles perspectives aux membres du peuple Guna qui peuvent acquérir des compétences en matière de production et de transformation des algues. Une nouvelle initiative de formation permet à des pêcheurs autochtones du littoral, en particulier à des femmes, de vivre d’une autre source de revenus.

Dans le cadre d’un programme pilote soutenu par l’Administration panaméenne des ressources aquatiques (ARAP) et les autorités autochtones territoriales, la FAO travaille avec 20 femmes et cinq hommes et partage des connaissances sur la culture, la récolte et la transformation d’algues marines entrant dans la composition de savons et de crèmes vendus dans le commerce.

La FAO a aidé des femmes à créer et à administrer un fonds monétaire par rotation destiné à soutenir les membres en situation de détresse, et à mettre sur pied une coopérative pour commercialiser des produits à base d’algues. En haut, à gauche: ©FAO/Epimenides Diaz. En bas, à droite: ©FAO/Vanessa Olarte

Selon Alejandro Flores, fonctionnaire régional principal chargé des pêches et de l’aquaculture de la FAO pour l’Amérique latine et les Caraïbes, l’objectif est de renforcer la résilience et l’indépendance des femmes du peuple Guna.

«Nous voulions travailler avec une organisation de femmes autochtones pour contribuer à leur émancipation économique», explique Alejandro Flores.

Après avoir consulté l’association de Naranjo Grande, la FAO et l’ARAP ont noué des contacts avec Gracilarias de Panama, une entreprise privée spécialisée dans la culture durable et l’exportation d’algues marines, qui a accepté de former gratuitement des membres de l’association et d’acheter leurs produits. 

Gracilarias de Panama a aidé des femmes du peuple Guna à renforcer leurs compétences en matière de culture d’algues marines et la FAO a prêté son assistance en ce qui concerne la création et l’administration d’un fonds par rotation et la mise sur pied d’une coopérative leur permettant de vendre leurs produits.

Les participantes ont lancé une culture de chlorophycées en novembre 2021 et ont récolté les premières algues en février 2022. Après les avoir fait sécher au soleil, elles ont appris à extraire de leurs parois cellulaires une substance gélatineuse nommée agar-agar, qui entre dans la composition de savons et de produits cosmétiques.

Alejandro Flores précise qu’à terme les bénéfices tirés de ces activités économiques serviront à financer d’autres projets et à soutenir des familles en situation de détresse.

«L’activité vient de commencer, mais les participantes ont accompli des progrès importants», ajoute Alejandro Flores. «Avec deux récoltes à leur actif, elles ont désormais beaucoup plus de moyens d’agir et grâce à leur plus grande contribution dans leur famille, elles pourront gagner en autonomie.»

Des femmes autochtones ont appris à faire sécher des algues au soleil et à extraire de leurs parois cellulaires une substance gélatineuse nommée agar-agar, qui entre dans la composition de savon et de produits cosmétiques. ©FAO/Vanessa Olarte

Maria se réjouit déjà des nouvelles compétences qu’elle a acquises. «Je n’avais jamais imaginé que les algues pouvaient se cultiver et j’ai vraiment été surprise», déclare-t-elle. 

«Vivement que nous puissions fabriquer et vendre nos produits à la population locale ainsi qu’aux touristes. Les bénéfices seront très importants pour notre économie et je suis certaine que les changements seront positifs pour la communauté.»

Gracilarias de Panama considère que cette initiative est une réussite et un modèle à suivre non seulement pour les communautés de femmes au Panama, mais aussi pour l’ensemble de la région.

Cent cinquante membres supplémentaires de la communauté Guna espèrent eux aussi participer à l’avenir au projet.

Ne comptant pas s’arrêter à la production de savons et de crèmes, Gracilarias de Panama souhaite travailler à terme avec des femmes autochtones Guna qui commercialiseront des algues séchées et accueilleront des visiteurs locaux et étrangers sur des sites de culture destinés à l’écotourisme. 

Ce projet coïncide avec l’Année internationale de la pêche et de l’aquaculture artisanales 2022, qui met en lumière le rôle essentiel des petits pêcheurs et des travailleurs de la pêche ainsi que leur contribution aux conditions de vie et aux moyens de subsistance.

En reconnaissant la valeur du travail des pêcheurs et des pisciculteurs artisanaux et des travailleurs de la pêche, la FAO s’emploie à créer un monde leur donnant les moyens de renforcer leur contribution au bien-être humain, à des systèmes alimentaires sains et à l’éradication de la pauvreté, grâce à l’utilisation responsable et durable des ressources marines et naturelles.


Pour en savoir plus

3. Good health and well-being, 9. Industry innovation and infrastructure, 14. Life below water