Deux décennies plus tard, une nouvelle période de peur, de pertes et d’incertitude s’est ouverte.
Le 15 mars 2020, les autorités péruviennes ont décrété un confinement en raison de la propagation de la covid-19, maladie nouvelle et inconnue à l’époque.
La communauté de Rosa et Hector, appelée El Milagro, avait des raisons de s’inquiéter. Elle disposait d’un centre de santé mais n’avait pas de médecin, de matériel médical ni de médicaments.
Au début, les Ashaninkas ont pris des mesures pour se protéger du virus: ils se sont isolés et ont interdit leur territoire aux personnes extérieures. Mais au fil du temps, la communauté a vu ses réserves fondre et a commencé à souffrir de la faim.
Face à la pénurie de nourriture, un groupe a été chargé de s’aventurer à l’extérieur pour résoudre le problème de ravitaillement. Malheureusement, des cas de covid-19 n’ont pas tardé à se déclarer.
«Nombre de nos frères et sœurs sont tombés malades et certains n’ont pas survécu», racontent Rosa et Hector.
Relancer l’activité
La pandémie a également mis un coup d’arrêt à une initiative récente permettant d’améliorer la nutrition et les moyens de subsistance de la communauté. En 2018, les autorités locales avaient aidé 18 familles d’El Milagro à créer des élevages de poissons.
Le peuple autochtone espérait ainsi prévenir la malnutrition infantile, laquelle peut atteindre 20,3 pour cent dans les communautés amazoniennes d’après les statistiques des autorités.
L’arrivée de la pandémie a fait cesser brutalement cette initiative.
La situation sanitaire s’étant améliorée fin 2021, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), avec l’appui du Gouvernement du Canada, a réalisé des analyses rapides des marchés locaux et des marchés alimentaires dans l’optique d’aider les organisations rurales et agricoles locales.
L’initiative visait à améliorer la situation sur le plan nutritionnel et financier tout en autonomisant les femmes autochtones et en soutenant des programmes publics de protection qui prennent en considération la dimension de genre.
Lors de la visite du personnel de la FAO à El Milagro, la population a clairement exprimé le souhait de redémarrer et de développer le projet aquacole stoppé par la pandémie.
Rosa a pris la tête de l’initiative. Elle était chargée de coordonner les tâches et d’encourager la participation de davantage de femmes.
«Nous avons appris à préparer l’alimentation des poissons, à améliorer la circulation de l’eau et à mieux nous organiser », explique-t-elle, ajoutant que l’élevage de poissons profitait également à son peuple sur le plan nutritionnel.
«Je rêve que la malnutrition appartienne au passé et que les femmes de la communauté puissent tisser et rire en toute quiétude», confie-t-elle.
Avec l’aide de la FAO et du Gouvernement du Canada, El Milagro et 42 autres communautés implantées dans les provinces d’Atalaya (région d’Ucayali) et de Satipo ont pu relancer l’élevage de poissons et des projets agricoles, dont la culture de café et de cacao.