Systèmes Ingénieux du Patrimoine Agricole Mondial (SIPAM)
WEBINAIRE

Systèmes Ingénieux du Patrimoine Agricole Mondial et restauration des écosystèmes

Des représentants des SIPAM de Chine, du Japon, du Pérou , du Maroc , d' Espagne et de Tanzanie ont partagé leurs expériences et les défis de leurs systèmes agri-alimentaires au cours du webinaire international Systèmes Ingénieux du Patrimoine Agricole Mondial et restauration des écosystèmes .

Consciente de l'importance de maintenir en vie et en bonne santé les écosystèmes de notre planète, l'Organisation pour l’Alimentation et l’Agriculture a organisé via le Secrétariat des Systèmes Ingénieux du Patrimoine Agricole Mondial (SIPAM) un séminaire dans le cadre de la Décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes.

Zitouni Ould Dada, Directeur adjoint du Bureau du changement climatique, de la biodiversité et de l'environnement de la FAO, a lancé la réunion par un discours d'ouverture au cours duquel il a déclaré que la réalisation des 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) dépendaient de notre capacité à lutter contre la dégradation des écosystèmes à l'échelle mondiale.

Il a souligné que le Programme des Systèmes Ingénieux du Patrimoine Agricole Mondial de la FAO (SIPAM) a un rôle central à jouer face à ces défis. En effet, les SIPAM fournissent des exemples remarquables d’écosystèmes développés, gérés et préservés de manière durable grâce à l'interaction harmonieuse entre l'Homme et la nature. Zitouni a conclu en affirmant que c'est grâce aux laboratoires vivants de conservation et de restauration que constituent les écosystèmes SIPAM qu’il sera possible de mieux comprendre et de reproduire les approches et pratiques éprouvées par le temps.

Au nom du Programme des Nations Unies pour l’environnement, Tim Christophersen, chef de la branche Nature pour le Climat, a souligné la nécessité de tirer parti des efforts et des expériences existants, en intensifiant et en reproduisant les projets de restauration des écosystèmes déjà en cours . Il a également expliqué l'importance de la Décennie des Nations Unies pour la restauration des écosystèmes joignant tous les efforts pour soutenir et intensifier les actions et la volonté politique pour prévenir, arrêter et inverser la dégradation des écosystèmes. « Le passage à une agriculture régénératrice est essentiel » et le rôle de l'agriculture et des systèmes alimentaires est crucial. Dans ce contexte, la Décennie vise à s'appuyer sur des processus pour rendre les écosystèmes productifs plus viables sur les plans écologique, social et économique.

Le coordonnateur du Programme des Systèmes Ingénieux du Patrimoine Agricole Mondial de la FAO, Yoshihide Endo, a souligné que l'agriculture dans de nombreux SIPAM repose sur différents types de services écosystémiques favorisés et entretenus par les agriculteurs depuis de nombreuses générations. Il a également proposé que les SIPAM soient reconnus et identifiés comme vitrines d'écosystèmes durables développés par l'Homme.

Endo a également reconnu l'importance des bonnes pratiques agricoles mises en œuvre par les agriculteurs SIPAM permettant de limiter la dégradation des sols, des eaux et de préserver l'agro biodiversité de tout l’agroécosystème. Il a enfin souligné l'importance de la durabilité économique, de l'identité culturelle et du rôle des organisations locales pour la conservation et la restauration des écosystèmes SIPAM. La conservation dynamique des SIPAM offre des exemples intéressants d’entretien et de restauration des écosystèmes.

Japon

En présentant la vitalité des systèmes agricoles au Japon , Naoki Naito, Professeur associé de l’Université de Tokushima , a illustré comment l'utilisation de l’herbe fauchée des prairies semi-naturelles comme couverture dans les champs cultivés, jouait un important pour l'amélioration des sols, le contrôle des adventices et la prévention de l'érosion dans les SIPAM Système traditionnel intégré thé-prairie de Shizuoka et Système de culture en pentes abruptes de Nishi Awa au Japon. Dans le système de Shizuoka, les agriculteurs ont gardé cette technique jusqu’aujourd’hui car elle améliore le goût du thé. Par ailleurs, Naoki Naito a également démontré que les prairies semi-naturelles (respectivement Chagusaba et Kayaba) stimulaient davantage la biodiversité que les prairies naturelles. Aujourd’hui, cette pratique est encouragée par des incitations aux agriculteurs, la mise en place de systèmes de certification ou encore des activités portées par des associations bénévoles.

Chine

Après une brève présentation des SIPAM en Chine, le Professeur Associé de l'Académie Chinoise des Sciences (CAS), Liu Moucheng, a introduit quelques cas d’études mettant en lumière les services écosystémiques remarquables que peuvent fournir les SIPAM. En particulier la culture riz-poisson de Qingtian, le système riz-poisson-canard des Dong, les rizières en terrasses des Hani et la culture traditionnelle du jujubier dans le Comté de Jiaxian.

Liu Moucheng a souligné les effets positifs induits en synergie par les techniques agricoles ingénieuses adoptées par les agriculteurs dans le système riz-poisson-canard de Congjiang Dong. La coexistence des poissons, de la culture du riz et des canards permet aux agriculteurs d'améliorer la fertilité des sols tout en affinant le cycle des matières nutritives, d'atténuer les risques de ravageurs du riz et de contrôler les adventices. Liu a également décrit comment les agriculteurs des terrasses Hani créaient un microclimat en intervenant sur un réseau de rétention d’eau, ou encore, comment les forêts de jujubiers du Comté de Jiaxian permettaient de favoriser la protection de la biodiversité, la conservation des sols et de l'eau.

Tanzanie

Ancien fonctionnaire du ministère de l'Agriculture en Tanzanie, Firmat Banzi, a présenté le système agroforestier Kihamba de Shimbwe Juu, situé aux pieds du Mont Kilimandjaro. Ce système agroforestier se démarque comme un des exemples les mieux conservés dans les hautes terres du pays maintenu vivant par l'identité culturelle de ses habitants. Firmat Banzi a alors décrit comment les essences forestières endémiques, les cultures agricoles et l’élevage cohabitaient de façon harmonieuse au sein d’un système organisé en plusieurs strates abritant caféiers, des bananiers et cultures maraichères. Ce système contribue également à la séquestration du carbone mais aussi à la conservation de l’eau grâce à système complexe d'irrigation. Le peuple autochtone Chagga, gardien de ces jardins agroforestiers, continue de transmettre ses valeurs et ses savoirs de génération en génération.

Maroc

Mohammed Bachri, Directeur de la stratégie et des partenariats de l'Agence Nationale pour le Développement des Zones Oasisiennes et de l’Arganier au Maroc (ANDZOA), a présenté les SIPAM marocains. Il a expliqué comment le système des oasis froides du Haut Atlas et le Système agro-sylvo-pastoral de l'arganier dans l'espace Ait Souab - Ait Mansour reposent sur des techniques anciennes de gestion de l'eau et d'irrigation. Fortement ancrées dans la culture locale, les connaissances et la gestion sociale des ressources naturelles ont permis aux agriculteurs non seulement de réussir à développer des systèmes adaptés pour accroître la production alimentaire dans les zones arides, mais ils ont également assuré la conservation d'agroécosystèmes uniques. Enfin, il a insisté sur le rôle central que les SIPAM ont joué au Maroc pour soutenir et traduire les politiques publiques en actions concrètes et locales.

Espagne

Teresa Adell Pons, cheffe de Taula del Sénia et responsable du système agricole des oliviers millénaires de « Territorio Sénia » en Espagne, a expliqué comment les communautés locales ont réussi à maintenir vivants et productifs des milliers oliviers millénaires.  Les techniques actuelles de culture des oliveraies et les pratiques de production d'huile remontent à l'Antiquité, comme décrit dans les traités agricoles romains et arabes. Teresa a souligné comment l'utilisation durable des ressources naturelles, ainsi que le maintien des variétés locales d'oliviers, ont permis la conservation de l'ensemble de l'agroécosystème. Par ailleurs, les agriculteurs locaux utilisent différentes techniques locales pour réduire l'érosion et l'évapotranspiration des sols, lutter contre les ravageurs et assurer la conservation de la biodiversité locale.

Amador Peset, agriculteur du système agricole d’oliviers anciens Territorio Sénia, a expliqué comment il est devenu agriculteur dans son projet de récupération de 165 oliviers millénaires. Aujourd’hui, il promeut activement la récupération et la remise en production d'oliviers abandonnés rendant la région à nouveau productive.

Pérou

Du Pérou, Javier Llacsa, membre du comité de coordination nationale du projet du Fond pour l’Environnement Mondial (FEM) « Gestion durable de l’agro-biodiversité et récupération des écosystèmes vulnérables dans les régions andines du Pérou par les SIPAM» , a expliqué les objectifs et l’approche du projet dont il fait partie. Il a souligné comment ce projet visait à préserver les systèmes agricoles traditionnels grâce à une approche interculturelle comprenant la gestion intégrée des forêts, des ressources en eau et en terres, et le maintien des services écosystémiques dans des régions andines spécifiques. M. Llacsa a enfin mis l'accent sur le rôle fondamental des communautés locales et des savoirs ancestraux dans la restauration des écosystèmes dans un rapport strict avec la nature.

Clôture

Mette Wilkie , Directrice de la Division des forêts de la FAO , a clôturé le séminaire en ligne et invité à poursuivre les échanges faisant appel à tous les SIPAM pour continuer à la Décennie des Nations Unies pour la restauration des écosystèmes et à la Décennie des Nations Unies pour l’agriculture familiale. Selon Wilkie, la restauration des écosystèmes représente La « recette idéale » pour mieux reconstruire le monde d’après la pandémie.

ÉLEMÉNTS CLÉS

De nombreux systèmes agricoles traditionnels, tels que représentés par les SIPAM, ont survécu pendant des siècles et, dans certains cas, des millénaires grâce aux systèmes et techniques agricoles ingénieux que des générations d'agriculteurs, de pêcheurs et d'éleveurs ont développés et entretenus au fil du temps

Les agrosystèmes traditionnels ont permis aux agriculteurs d'adapter les SIPAM aux changements environnementaux, sociaux et économiques et de surmonter des difficultés telles que les effets du changement climatique

Grâce à la symbiose et à l'utilisation durable de la nature, les SIPAM sont des écosystèmes façonnés par l'Homme dans lequel la production agricole repose sur divers types de services écosystémiques, sur la conservation de la biodiversité, tous deux entretenus par une approche dynamique de la conservation

En raison de sa pertinence avec la production agricole et l'identité culturelle locale des agriculteurs, les incitations économiques et le lien fort avec les identités locales seraient des facteurs de renforcement de la conservation et de la restauration des écosystèmes dans les SIPAM

La précieuse expérience des agriculteurs gérant le patrimoine agricole peut contribuer à la réalisation des principaux objectifs de la Décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes : soutenir et intensifier les efforts visant à prévenir, arrêter et inverser la dégradation des écosystèmes

FAITS MARQUANTS

Bons baisers de la campagne
C’est le moment de restaurer nos écosystèmes!