Systèmes culturaux en Ramli dans les lagunes de Ghar El Melh, Tunisie
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Importance mondiale
Crées au 17ème siècle par la diaspora andalouse acculée sur un territoire indigent en terres agricoles, les cultures lagunaires Ramli, éthymologiquement sur sable, sont des jardins singuliers. Formés sur le cordon lagunaire ou sur les rives du lagon, les cultures ramli permettent de surmonter les contraintes physiographique et la rareté des terres arables conjuguée à la rareté de l’eau douce.
Le site de Ghar El Melh est une zone humide classée RAMSAR (2007) bordée au nord par JbelEnnadhour et Eddmina et à l’est par un cordon qui le sépare de la mer abritant une faune et une flore sauvage riche et fragile. Les aménagements agricoles ramli sont uniques en Tunisie et dans le monde et répondent à des conditions agro-environnementales particulières et ayant permis le maintien de la lagune.
Sécurité alimentaire et des moyens de subsistance
La région de Ghar El Melh a conservé au fil des siècles son patrimoine culturel paysan où la pêche et l’agriculture sont les principales activités de subsistance. Aujourd’hui, la production agricole maraîchères est tout de même orientée vers les besoins du marché local.
Les exploitations agricoles de Ghar El Melh sont de petites tailles (81% inférieures à 5 hectares) dont font partie les différentes cultures sur ramli. La surface moyenne des parcelles de culture est respectivement de 0,275 ha pour les pommes de terre, 0,200 ha pour les haricots Phaseolus vulgaris et 0,174 ha pour les oignons Allium cepa. Leurs rendements moyens à l’hectare sont compris entre 28 et 33T/ha pour l’oignon, 3.6 et 7T/Ha pour les haricots et 22 et 30T/Ha pour la pomme de terre.
Quelquefois d’autres cultures comme les piments Capsicum annuum, les fèves Vicia faba et la courge Cucurbita sp. sont pratiquées mais en petite quantité destinées à l’autoconsommation. Concernant la pêche, la spécificité de Ghar El Melh est l’anguille que les pêcheurs classent en fonction de sa couleur.
Agro-biodiversité
Les cultures ramli abritent principalement des espèces maraîchères courantes et parfois locales. La pomme de terre constitue le fer de lance de la production agricole locale avec les tomates ainsi que la plupart espèces potagères et fruitières cultivées : oignons, ails, melons, pastèques, courgettes et courges. Les exploitants sont également très attachés aux variétés locales qu’ils échangent régulièrement en petites quantités sous forme de graines : il s’agit notamment de la courge boutebssi, de variétés locales de melons, et de pastèques, des haricots blancs et quelques semences de piments.
Faisant partie intégrante de la région du Golfe de Tunis et regroupant le système lagunaire de Ghar El Melh, le massif du Nadhour et l'estuaire de la Medjerda, cette zone constitue un lieu privilégié de séjour, de reproduction et de passage d’une faune migratrice fragile. En effet, le lagon abrite aussi bien des espèces marines que des espèces d’oiseaux migrateurs rares.
Systèmes de savoirs locaux et traditionnels
Outre le travail indu aux cultures proprement dites, la particularité des pratiques de cultures en ramli consiste à maintenir le sol à un niveau exact en fonction de la lame d’eau : la parcelle ne doit être ni trop basse afin que les racines ne prennent pas contact avec les eaux salées, ni trop élevée pour éviter l’assèchement des racines. Ce travail de régulation des sols se fait par des apports réguliers de sable et de fumier animal. Sur les bords côtiers, la mise en place de drains sera nécessaire pour permettre l’écoulement et la canalisation des surplus d’eau.
Afin de diminuer les effets des vents desséchants et ceux des embruns, des claies en roseaux sont disposées pour protéger les cultures et garantir le microclimat nécessaire au développement des plantes. Sur le cordon de la lagune, sont plantées des haies d’arbres fruitiers et d’arbustes afin de protéger les parcelles cultivées du vent et des embruns, de freiner l’évaporation et de fixer le sable. Ce système ingénieux permet durant toute l’année de mener des cultures sans apport artificiel d’eau et ce, même pendant les périodes de sécheresse.
Cultures, systèmes de valeurs et organisations sociales
Ce site présente des caractéristiques uniques sur les plans historiques et culturels également. En effet, Ghar El Melh, a été le théâtre de riches syncrétismes culturels dont les traces remontent à l’occupation phénicienne. Fondé au début de l'installation des Phéniciens en Tunisie (1101 av. J.-C.), l'antique Rusucmona devient rapidement un comptoir renommé pour être l'avant-port d'Utique. Les monuments présents dans la région sont bien conservés, notamment le port aménagé par les Turcs, les trois forts Ottomans, ainsi que les mausolées des marabouts.
Concernant patrimoine culturel, dont les traces architecturales témoignent avec des mausolées (Sidi Haj M’barek et Sidi Ali El Mekki) de marabouts célèbres vers lesquels se dirigent régulièrement de nombreuses familles. Le bâti présent dans le site, ne se heurte pas avec l’architecture ancienne et s’inscrit en parfaite harmonie avec le reste du paysage. Sur le bord de la lagune de cabanes de roseaux, les kyb, sont construites et peuvent servir à la fois de logement, de hangar et de dépôt pour les produits de leurs cultures.
Caractéristiques du paysage terrestre et marin
Sans la main de l’Homme et ses cultures lagunaires ramli, la lagune aurait déjà probablement disparu. Les apports réguliers de sables et de matière organique pour entretenir les parcelles cultivables ont permis de maintenir le cordon séparant les eaux douces de la Mer Méditerranée.
De par cette influence jouée sur le maintien de la lagune, la zone humide RAMSAR a pu continuer à jouer son rôle d’habitat pour une faune et une flore riche et particulière.