FAO à Haïti

Une crise de surpoids et d'obésité sévit en Amérique Latine et dans les Caraïbes

24/01/2017

Eve Crowley, Représentante Régionale a.i de la  FAO pour l'Amérique Latine et les Caraïbes


Santiago, Chili.- L’obésité et le surpoids présentent une tendance à la hausse dans la région de l’Amérique Latine et des Caraïbes, comme une épidémie menaçant la santé, le bien-être et la sécurité alimentaire et nutritionnelle de millions de personnes.

 

Selon la nouvelle publication de l'Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et  l'Organisation panaméricaine de la santé (OPS), intitulé « Panorama de la Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle  en Amérique Latine et les Caraïbes », près de 58% des habitants de la région sont atteints de surpoids (360 millions de personnes), tandis que l'obésité affecte 140 millions de personnes, soit 23% de la population régionale.


Presque tous les pays de la région sont affectés par le surpoids, la moitié de leur population tout au moins. Les taux les plus élevés se trouvent au Bahamas (69%), au Mexique (64%) et au Chili (63%).

                                   

En effet, au cours de ces  20 dernières années, la région a connu une augmentation rapide de la prévalence du surpoids et de l'obésité dans sa population, sans prendre en considération la situation économique, l’ethnie ou la zone de résidence des habitants, avec un risque plus élevé dans les zones et les pays importateurs nets d’aliments où les ménages consomment plus de nourriture transformée. Ce problème d’obésité est particulièrement grave chez les femmes, puisque, dans plus de 20 pays d’Amérique Latine et des Caraïbes, le taux d'obésité féminine est 10% plus élevé que celui des hommes. L'impact est également remarquable chez les enfants: 3,8 millions d'enfants âgés de moins de 5 ans sont en surpoids dans la région : 2,5 millions en Amérique du Sud, 1,1 million en Amérique Centrale et 200,000 dans les Caraïbes.

 

 Comment en sommes-nous arriver là ?

 

Selon la FAO et l'OPS, le changement dans les habitudes alimentaires de la région constitue l’un des facteurs déterminants. La croissance économique des dernières décennies, l'urbanisation croissante, l’augmentation du revenu moyen des personnes et l'intégration de la région dans les marchés internationaux ont réduit la consommation des aliments traditionnels préparés à base de céréales, de légumineuses, de fruits et légumes frais, en augmentant la consommation de produits ultra-transformés, à haute teneur de sucre, de sel et de matières grasses.

 

Pour freiner l'augmentation du surpoids et de l'obésité, les pays de la région peuvent tirer profit de leur précieuse expérience cumulée dans la lutte contre la faim. Aujourd'hui, la sous-alimentation ne touche que 5,5% de la population régionale, alors que la malnutrition infantile chronique (faible taille pour l'âge) connaît une évolution positive, passant de 24,5% en 1990 à 11,3% en 2015, soit une réduction de 7,8 millions d'enfants. Toutefois, bien que la faim ait diminué, elle n'a pas pour autant été éradiquée : il y a encore 34 millions de personnes qui n’ont pas accès à la nourriture nécessaire pour mener une vie saine, ce qui signifie que la région fait doublement face à la  malnutrition.


Selon le Panorama réalisé conjointement par la FAO et l'OPS, combattre à la fois la sous-alimentation et l'obésité requiert un régime alimentaire sain incluant les aliments frais et nutritifs produits de manière durable. Le meilleur moyen d’avancer sur cette voie est de promouvoir des systèmes alimentaires durables combinant l'agriculture, l'alimentation, la nutrition et la santé.

 

Pour éradiquer toutes les formes de malnutrition, les États devraient promouvoir la production durable d’aliments frais, sains et nutritifs, garantissant leur diversité et accès, en particulier pour les plus vulnérables et dans les zones qui sont des importateurs nets d'aliments. Ces mesures devraient être complétées par des politiques visant à renforcer l'agriculture familiale, la mise en œuvre de circuits courts de production et de commercialisation des aliments, de systèmes de passation de marchés publics liés aux programmes d'alimentation scolaire saine et d'éducation nutritionnelle, accompagnées de mesures fiscales visant à décourager la consommation de la malbouffe, améliorer les messages d’avertissement nutritionnels sur les étiquettes et réguler la publicité des aliments malsains afin de diminuer leur consommation.

 

La mise en œuvre de ces politiques deviens plus urgente que jamais, vu les signaux actuels d'un ralentissement de la croissance économique régionale constituant un risque important pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Par conséquent, les gouvernements doivent maintenir et accroître leur soutien aux plus vulnérables afin de ne pas décélérer les progrès accomplis dans la lutte contre la faim et inverser la tendance à l'augmentation de la malnutrition sous toutes ses formes, en travaillant ensemble à travers des initiatives comme le Plan pour la Sécurité Alimentaire, Nutrition et Eradication de la faim de la Communauté des États d'Amérique Latine et des Caraïbes (CELAC).

 

Bien qu'il existe d’importantes variations selon les sous-régions et les pays, l'Amérique Latine et les Caraïbes ont une disponibilité alimentaire qui dépasse de loin les besoins de l'ensemble de sa population, grâce à sa grande performance agricole. Toutefois, dans plusieurs pays, ce processus de développement agricole est actuellement insoutenable en raison des conséquences qu'il a sur les écosystèmes de la région. La durabilité de l'offre alimentaire et sa diversité future se trouvent menacées, à moins de changer la façon de faire les choses.


De tout ce qui précède, il va de soi que la région devrait faire une utilisation plus efficace et durable des terres et des ressources naturelles. Les pays doivent améliorer leurs techniques de production, de stockage, de traitement et de transformation des aliments tout en limitant les pertes et gaspillages. Car, en Amérique Latine et dans les Caraïbes, plus de 127 millions de tonnes de nourriture finissent à la poubelle chaque année. Pour répondre aux objectifs de développement durable, en particulier l'Objectif 2/Faim zéro, dont le but est d'éradiquer la malnutrition d'ici 2030, la région a besoin d'agir sur les interactions complexes entre la sécurité alimentaire, l'agriculture durable, la nutrition et la santé, afin de construire une Amérique Latine et des Caraïbes libérées de la faim et de la malnutrition.


L'éradication de la faim et de la malnutrition ne peuvent être laissée à l’indifférence du marché. Au contraire, les gouvernements doivent exercer leur volonté et  souveraineté afin d’implémenter des politiques publiques spécifiques qui attaquent tant les conditions qui perpétuent la faim, l'obésité et le surpoids, comme leurs conséquences sur la santé des adultes et des enfants. Ce n’est qu’en transformant la malnutrition en une véritable politique d'État qu’on pourra mettre un terme à l’inquiétante tendance actuelle.

 

 

Contact de presse

 

Benjamín Labatut
Santiago, Chili
Tel: (+56) 229 232 174
E-mail: [email protected]

 

Pierre Negaud DUPENOR

Chargé de Communication et Point Focal Genre

FAO-Haïti

Tel : (509) 4420 0726

E-mail: [email protected]