Action contre la désertification

Rendre les terres à nouveau fertiles

Le programme d'Action contre la désertification de la FAO développe avec succès un modèle de restauration des terres à travers le Sahel


04/05/2016

Tera – La restauration des terres dans le nord du Niger rend des zones dégradées à nouveau productives, offrant des opportunités économiques dans une région où l'émigration est devenue une tradition. Dans le cadre du programme Action contre la désertification de la FAO, ces efforts sont aujourd’hui étendus à six pays africains.

Lorsque Moumouni Nuhu est retourné dans son village après trente ans, tout avait disparu, les arbres, les animaux, tout. Dans sa jeunesse, il chassait les lièvres, les antilopes, les pintades – un peu trop, peut-être.

«L'harmattan souffle avec une force terrible maintenant. Il arrache tous les éléments nutritifs du sol», constate ce fonctionnaire retraité de 65 ans, qui vit à Bajirga, à la périphérie de Tera, une ville poussiéreuse dans le nord-ouest du Niger, connue pour son marché aux bestiaux qui attire des commerçants qui viennent même du Nigeria.

Qui peut être surpris que les jeunes partent, demande Moumouni, vêtu d'une robe blanche et assis à l'ombre d'un arbre. Désignant le champ stérile autour de lui, où les femmes sont en train de creuser sous un soleil de plomb, il dit: «Nous devons rendre les terres dégradées à nouveau fertiles.»

«Voyages et vois»

Si vous avez une raison de rester à la maison, vous ne partez pas, affirme Hassan Gado, 51 ans, qui vient de rentrer après une longue vie de travail à l'étranger. Il est parti en 1984 vendre des cigarettes à Lagos, puis il a travaillé dans le port de Cotonou et dans un magasin de chaussures à Lomé.

En 2010, quelqu'un lui a offert un passage en bateau pour l'Espagne, mais on a dit à Hassan que le capitaine du navire n'était pas au courant. Il a eu peur d'être jeté par-dessus bord s'il était découvert et a décidé de ne pas y aller.

C'est difficile d'être un travailleur migrant, dit Hassan. Vous n'avez pas de famille. Parfois, vous n'avez même pas un endroit pour dormir. Mais il y a aussi de bons moments. «Je suis parti pour voir le monde», explique-t-il. «Bob Marley a dit: «Voyages et vois». Si vous restez toujours là où vous êtes, vous n'apprenez rien.»

Pas seulement les arbres

Un camion est arrivé aujourd'hui du Centre national de semences forestières de Niamey, la capitale du Niger, chargé de semences pour les communautés vivant autour de Tera, qui sont impliquées depuis 2013 dans des activités de restauration des terres.

Maman Adda, Directeur du centre, explique que les communautés sont au cœur des efforts de restauration. Les semences ont été sélectionnées sur la base de vastes consultations au sein des villages. Le développement des capacités des techniciens du village se fait de manière continue. La collecte de semences a eu lieu avec l'aide du centre de semences. Ensuite, les graines sont plantées dans des pépinières villageoises. Depuis 2013, cinq pépinières ont été aménagées autour de Tera, produisant maintenant 100 000 plants par an.

Aujourd'hui, la cargaison en provenance de Niamey contient des graines d'arbustes et de graminées. «La restauration n'est pas seulement la plantation des arbres», souligne Maman Adda. Étant des espèces à croissance rapide, les arbustes et les graminées produisent en moins d'un an, du fourrage. Non seulement indispensable pour nourrir les animaux d'une population majoritairement pastorale ou qui mène les deux activités, agriculture et élevage, le fourrage se vend également bien sur le marché de Tera.

Le travail pénible est maintenant effectué par les femmes dans le champ, où Moumouni Nuhu est toujours assis sous l'arbre. Elles préparent le sol en creusant des demi-lunes traditionnelles, ou zaï, qui retiennent l'eau de pluie et conservent le sol humide, ce qui donne aux plantes une plus grande chance de pousser. Les semences de Niamey sont plantées sur les bordures et quand les pluies arriveront en juin, un arbre sera planté dans chaque zaï. Soixante-dix hectares de terre ont ansi été restaurés autour de Tera depuis 2013.

Une rivière

«La solution est dans les plantes», explique Moctar Sacande, un botaniste du Burkina Faso, qui a développé ce modèle de restauration en travaillant au Royal Botanic Gardens de Kew. Il dirige aujourd’hui les efforts de restauration dans le cadre du programme d'Action contre la désertification de la FAO pour les étendre à six pays africains et sur environ 10 000 hectares lors de la prochaine saison de plantation qui démarre en juin.

Pour le maire de Tera, Hamidou Niandou, la restauration peut effectivement réduire les difficultés des gens ici, mais il faut faire plus. Il est préoccupé, non seulement par l'émigration qui est devenue une tradition, mais aussi par le leurre du terrorisme – qui attire non pas pour des raisons idéologiques, selon Hamidou, mais parce qu’il permet à ceux qui y adhère de gagner de l'argent facile.

Sacande soutient que la restauration peut transformer les malheurs du Sahel en opportunité. Pensez au potentiel économique de la gomme arabique de l'Acacia sénégal, l'une des espèces d'arbres préférés ici. Ou à l'élevage: le Niger pourrait devenir un exportateur.

«Travaillons ensemble», exhorte-t-il, «les gouvernements, la communauté internationale, la société civile et les organisations communautaires de base ont une réelle opportunité de convertir ces petites gouttes de solutions en une rivière qui traverse toute la région et de véritablement améliorer les conditions de vie de populations qui avaient été laissées en dehors de l'équation.»

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Faits et chiffres clés

L'approche de la restauration des terres de la FAO a été mise en pratique avec succès dans les interventions transfrontalières au Burkina Faso, au Mali et au Niger entre 2013 et 2015, en partenariat avec le Royal Botanic Gardens, Kew.

  • 120 villages impliquant 50 000 agriculteurs, dont la moitié sont des femmes.
  • 55 espèces ligneuses et herbacées plantées, en utilisant plus de 1 million de semences et de plants.
  • 2 235 hectares de terres dégradées restaurées.

L'approche et les résultats du modèle de restauration ont été publiés dans Restoration Ecology – 2016 par les experts de la FAO, Nora Berrahmouni et Moctar Sacande

Lire aussi Moctar Sacande : «La dégradation des terres n’est pas encore irréversible».