Renforcer l’autonomie des populations locales pour la gestion durable de l’écosystème des pins de chilgoza
Combattre la déforestation et à la dégradation des forêts de pins chilgoza au Pakistan
Le projet de l’Initiative pour la restauration (TRI) au Pakistan se concentre sur la restauration et la gestion durable de l’écosystème de la forêt de pins chilgoza pour engendrer des bénéfices environnementaux et améliorer les conditions de vie locales.
Les forêts de pins chilgoza se situent principalement dans la zone tempérée et sèche du Pakistan, où les chutes de neige sont plus fréquentes que les pluies. Les pins chilgoza poussent à des altitudes comprises entre 2000 et 3350 mètres au-dessus du niveau de la mer dans les chaînes himalayennes de l’Hindou Kouch et du Karakoram, situées dans le nord du pays. Les forêts de chilgoza peuvent être homogènes ou compter d’autres espèces d’arbres conifères comme le cèdre déodar ou le pin pleureur de l’Himalaya. Ces forêts sont d’une extrême importance aussi bien au niveau écologique qu’économique. Si le cèdre déodar et le pin pleureur sont valorisés presque uniquement pour leur bois, le pin chilgoza est apprécié pour ses pignons, recherchés au niveau local, national et international. Les pignons comestibles et riches en huile de cette espèce sont récoltés en automne et peu après le solstice d’hiver. Les arbres qui n’engendrent pas de semences peuvent être utilisés dans la production de bois énergie ou dans la construction et la charpenterie légère.
Au-delà des pignons de chilgoza, cet écosystème est aussi important pour d’autres produits forestiers non ligneux, comme les plantes médicinales, les champignons, le miel et la biodiversité en général, desquels les populations locales dépendent. Cet écosystème rend aussi des services essentiels tels que le stockage de carbone, la protection face aux inondations, l’alimentation des nappes phréatiques et la régulation de l’écoulement des eaux ; des éléments essentiels à la consommation humaine, à l’irrigation et à la production d’énergie hydro-électrique.
Enfin, cet écosystème abrite des espèces animales menacées à l’échelle mondiale, parmi lesquelles la panthère des neiges (une espèce rare et vulnérable), le lynx de l’Himalaya, le markhor du Cachemire, les loups et les ours noirs de l’Himalaya. Il constitue également la source principale de nourriture pour de nombreuses espèces d’oiseaux comme la perdrix choukar, le faucon pèlerin et le faucon crécerelle.
Toutefois, en dépit de sa valeur pour la planète, l’écosystème des forêts de chilgoza est dégradé par la coupe illégale de bois (principalement destinée au bois énergie) et sa régénération naturelle est entravée par le surpâturage et la surexploitation des plantes médicinales. Dans certains cas, la dégradation est due à la récolte excessive des pignons de chilgoza. À cause du haut niveau de dégradation, seuls 27 % des 4 579 000 hectares de la surface boisée sont actuellement productifs. Selon l’évaluation par satellites Landsat de l’évolution de la surface boisée, le taux de déforestation atteint 27 000 hectares par année, un chiffre alarmant. La plupart des forêts de conifères se trouvent dans la province de Khyber Pakhtunkhwa, sur le territoire du Gilgit-Baltistan et dans le nord du Baloutchistan, c’est dans ces régions que se trouvent les zones couvertes par le projet. La très forte pression exercée par la coupe de bois, à des fins de production énergétique et de construction, a causé l’appauvrissement de plus de 70 % de ces forêts. Le surpâturage aggrave encore le problème. En effet, des études ont démontré que l’état d’avancement de la régénération naturelle était insatisfaisant dans 76 % de ces forêts, principalement à cause de la surcharge pastorale et de la récurrence des incendies.
Les origines de la dégradation varient selon le lieu et ses facteurs sont divers: déforestation, conversion d’usage des terres, forte érosion des sols et glissements de terrain. Ses principales causes sont la pauvreté rurale (manque de ressources énergétiques et de moyens de subsistance alternatifs), l’agriculture non durable et le surpâturage. Le changement climatique et la mauvaise gestion des forêts contribuent également à leur dégradation.
Le projet TRI se concentre sur les zones clés de l’écosystème du chilgoza : Chitral, Diamir, Waziristan du Sud et Sherani. Ces zones étant en partie dégradées, le projet travaille à fournir aux populations locales des incitations à une gestion durable de la forêt. L’emblématique pin chilgoza et ses pignons à forte valeur commerciale peuvent constituer une incitation à la conservation et à la restauration.
Le prix du bois de chilgoza est bas, toutefois on estime qu’un seul spécimen peut produire assez de pignons pour rapporter 4 500 roupies pakistanaises (rs), soit l’équivalent de 30 dollars américains, par an au niveau local, ce qui représente une source importante de revenus pour de nombreux ménages pauvres. En raison de l’intérêt croissant des Chinois pour les noix de chilgoza, le marché représente désormais 70 % du marché local des produits forestiers non-ligneux. Selon les estimations, chaque site de projet a le potentiel de produire assez de pignons chilgoza pour générer des milliards de roupies (soit des millions de dollars américains) lors d’une bonne année de semence.
L’augmentation du prix des pignons a amené les habitants des zones de pins chilgoza à renoncer à la coupe des arbres et se tourner vers la récolte des pignons pour gagner leur vie. Les populations locales des quatre sites ciblés par le projet se sont accordées sur un plan de récolte et d’utilisation des pignons de pin. Cela inclut une période déterminée de récolte pendant laquelle seuls les habitants du village sont autorisés à récolter les pommes de pins avec leur famille, les personnes venant de l’extérieur ne pouvant pas être employées pour cette activité. Les villageois ont également posé certaines conditions à la récolte pour éviter tout dommage aux arbres et aux forêts alentours. Les femmes sont impliquées dans la récolte des pommes de pin, leur transport, leur nettoyage et séchage et, dans certains cas, elles sont aussi employées dans l’extraction des pignons de la pomme de pin.
Les commerçants locaux achètent les pommes de pin et les transportent jusqu’aux principaux marchés locaux où des commerçants non locaux se chargent d’en extraire les pignons. Ces derniers sont ensuite transportés vers des marchés plus centralisés pour être traités. Enfin, ils sont emballés et vendus dans de grands marchés d’envergure nationale, généralement à des commerçants chinois, qui les transforment puis les revendent à un prix plus élevé sur le marché international.
Une grande partie des bénéfices nets vont aux commerçants non locaux et les populations, les cueilleurs et les propriétaires locaux ne reçoivent que 40 % à 50 % des bénéfices nets. En rationnalisant le rôle des intermédiaires (les commerçants venus de l’extérieur des villages) et en travaillant sur la valeur ajoutée et le développement de la filière, ce projet vise à augmenter la proportion des bénéfices revenant aux populations locales afin de les inciter à gérer l’écosystème des pins chilgoza de manière durable.
Afin de contrer la dégradation des forêts et de soutenir les populations locales dans la gestion durable de l’écosystème du chilgoza, le projet de TRI promeut au sein des communautés locales les Comités pour la protection et la conservation des forêts de chilgoza (CFPCC). Responsabiliser les communautés locales est toujours un facteur clé de succès dans la conservation et la gestion des forêts. Monsieur Irfan Kalash, un ancien d’un village de la vallée du Chitral déclare « il serait dramatique que notre insouciance vienne à bout des ressources naturelles qui nous ont été offertes par Dieu, pendant des siècles nos ancêtres ont veillé à préserver l’écosystème de cette vallée en utilisant et gérant les ressources naturelles de manière durable. » « À moins que nous prenions des mesures urgentes pour réinstaurer ces pratiques durables, nous filerons droit à la catastrophe », poursuit-il.
Les CFPCC sont composés de villageois et sont enregistrés par le département local des forêts dans le but de sauvegarder les forêts et les écosystèmes de chilgoza et de les gérer de façon durable, y compris en fermant certaines zones au pâturage pour permettre la régénération naturelle assistée, en plantant et en prenant des mesures de sauvegarde de la biodiversité. Les CFPCC jouent également un rôle important dans le contrôle des coupes illégales de bois pour les produits ligneux et l’énergie. Chacun des CFPCC a signé un contrat de partenariat avec le département des forêts selon lequel il s’engage à appliquer une gestion durable des écosystèmes forestiers de chilgoza en échange du soutien du projet. Ce soutien peut prendre plusieurs formes, allant du renforcement des capacités en matière de récolte de pignons de chilgoza à des compensations pour des activités de surveillance dans les zones de non-pâturage. En effet, afin de favoriser la régénération naturelle des pins chilgoza, des parcelles de terrain dégradé pouvant faire l’objet d’une régénération naturelle assistée ont été recensées, avec l’aide des habitants. Le pâturage y sera interdit jusqu’à ce que les pins régénérés soient assez robustes, ce qui devrait prendre environ trois ans.
Afin de soutenir la récolte durable, le projet a recensé des cueilleurs à l’aide des CFPCC, et leur a fait parvenir une boîte à outils pour la récolte de pignons de chilgoza. Chacune de ses boîtes contient des outils pour (i) une récolte plus sûre et plus durable, comme les sécateurs spécialement adaptés aux pommes de pins, un dissolvant de cire, une ceinture d’escalade, des pelles, des gants, des chaussures, et (ii) pour simplifier le traitement de la pomme de pin, comme un nettoyant, un sécheur et un emballeur adaptés à l’espèce. Cette année, à Chilas, une machine de traitement des pignons sera fournie. Son utilisation permettra d’augmenter la valeur ajoutée des pignons pour les producteurs locaux. À présent, plus de 150 équipements de la sorte ont été distribués aux cueilleurs dans le cadre du cours pratique sur la récolte durable. Ils ne sont pas seulement importants pour les arbres mais aussi pour la sécurité des cueilleurs. Les pins chilgoza poussant principalement sur des pentes rocheuses, ces équipements sont indispensables. En effet, chaque année des cueilleurs sont tués ou gravement blessés dans des chutes dues au manque de mesures de sécurité et d’équipement approprié.
Le projet TRI, qui entame sa deuxième année, apportera son soutien à 12 CCPF et portera sur 2 200 hectares sur lesquels des techniques de restauration seront promues, dont 1 800 hectares de régénération naturelle assistée. Le système créera de fortes incitations pour les populations locales pour protéger la forêt de chilgoza et lui permettre de fournir tous ses services sur le long terme.
Pour plus d'informations, contactez: [email protected]
Mathilde Iweins, Mehr Hassan et Faizul Bari (FAO)