Faire que l’agriculture travaille pour, et non contre, la biodiversité

Intégrer de manière prioritaire la biodiversité dans l’agriculture peut apporter de nombreux avantages

29 mai 2018, Rome - M. José Graziano da Silva, le Directeur général de la FAO a appelé à des changements transformateurs de la manière dont nous produisons notre alimentation, en se basant sur des systèmes agricoles durables capables de produire une alimentation saine et nutritive tout en protégeant la biodiversité de la planète.

« La biodiversité est essentielle afin de protéger la sécurité alimentaire mondiale et la nutrition, d'améliorer les moyens d'existence ruraux et de renforcer la résilience des populations et des communautés, » a-t-il déclaré lors de son discours prononcé à l'ouverture d'un dialogue international sur l'intégration de la biodiversité au sein des pratiques et politiques agricoles, qui devrait durer trois jours.

Des écosystèmes sains peuvent fournir un grand nombre de services essentiels sur lesquels repose l'espèce humaine, tels que l'entretien de la qualité de l'eau, le cycle nutritif, la formation du sol, le contrôle de son érosion et la séquestration du carbone. Des écosystèmes agricoles sains fournissent les bases écologiques nécessaires à la production alimentaire tandis que la biodiversité des cultures et du bétail jouent un rôle essentiel pour l'espèce humaine.

Selon le Directeur-général de la FAO, aujourd'hui, la biodiversité planétaire - la diversité génétique au niveau des organismes, la diversité au niveau des espèces et au niveau des écosystèmes - fait néanmoins face à de nombreuses menaces.

« Une grande part du problème réside dans la manière dont nous produisons notre alimentation. Aujourd'hui, le monde produit encore de la nourriture en se basant sur les principes de la Révolution verte qui a commencé il y a plus de 50 ans et implique l'utilisation d'intrants très chimiques qui font payer un lourd tribut à l'environnement » a indiqué M. Graziano da Silva.

Il a également noté que de vastes pans de la surface terrestre sont utilisés afin de cultiver de la nourriture, d'élever des animaux, de capturer des poissons ou de s'adonner à des activités de pisciculture ou encore de produire des produits forestiers. Cela signifie que si géré durablement - en faisant de la biodiversité une priorité - le secteur agricole peut contribuer de manière importante à la protection de la biodiversité.

« Pour toutes ces raisons, promouvoir et faciliter l'intégration de la biodiversité dans tous les secteurs agricoles est fondamental, » a avancé le Directeur général de la FAO.

Une boîte à outils pour nourrir un monde plus chaud et plus peuplé

La diversité génétique des plantes peut servir à développer des souches capables de tolérer des conditions climatiques plus chaudes et plus sèches et de réussir à fleurir. De la même façon, la diversité génétique des animaux fournit une matière première aux agriculteurs et aux éleveurs afin d'améliorer leurs espèces et d'adapter le bétail à un environnement en constante mutation et faisant face à des exigences évolutives.

« Cela est particulièrement important de nos jours face aux défis émergents que sont les impacts du changement climatique, la rapidité de l'urbanisation et une population croissante caractérisée par des régimes alimentaires qui changent, » a précisé le Directeur-général de la FAO.

L'envers de la médaille est que la perte de la biodiversité agricole pose un risque direct pour la sécurité alimentaire.

« Seuls trois cultures de base - le riz, le maïs et le blé - et trois espèces animales- le bœuf, le porc et le poulet- fournissent la majorité de l'apport énergétique alimentaire au monde » a souligné M. Graziano da Silva.

Rendre l'agriculture écologique

Selon la FAO, les politiques gouvernant les secteurs agricoles, l'utilisation des ressources naturelles, la protection et la conservation des espèces menacées et les habitats et la biodiversité doivent être homogénéisées afin de mieux protéger l'environnement et de réduire l'empreinte écologique de l'agriculture, de la foresterie et des pêches.

Au niveau de la ferme, des pratiques de production peuvent être mises en œuvre afin de non seulement protéger la biodiversité mais aussi de s'assurer que les producteurs alimentaires seront en mesure d'en faire un usage durable.

Par conséquent, l'événement qui se tient cette semaine à la FAO se penchera sur les exemples issus du monde réel qui mettent en lumière la manière dont l'agriculture, la foresterie et les pêches ont pu être gérées durablement pour pouvoir protéger la biodiversité.

Plusieurs groupes de travail impliquant différents types d'intervenants réfléchiront aux différents moyens d'intégrer la biodiversité dans l'agriculture, et notamment au niveau de la gouvernance mondiale, des politiques et des législations nationales, des incitations financières et des investissements ainsi que des mesures prises au niveau de la chaîne logistique.                                                                                       

La biodiversité et l'agriculture : chiffres marquants

  • En 2014, seuls 200 plantes étaient cultivées avec neuf d'entre elles (la canne à sucre, le maïs, le riz, le blé, les pommes de terre, la graine de soja, les fruits de palmier, la betterave sucrière et le manioc) représentant plus de 66 pour cent de l'ensemble de la production agricole (Brochure sur le Dialogue, page 6, section "Crops")
  • 8 espèces de cultures (l'orge, le haricot, l'arachide, le maïs, les pommes de terre, le riz, le sorgho et le blé) fournissent 53 pour cent de la ration calorique moyenne journalière.
  • 3 espèces de cultures (le blé, le riz et le maïs) représentent 48 pour cent de la ration calorique moyenne journalière.
  • Parmi les 8800 espèces connues de bétail, 7 pour cent d'entre elles ont disparu, 24 pour cent sont menacées d'extinction et 59 pour cent sont classifiées comme étant à risque en raison du manque de données sur elles.
  • 5 espèces d'animaux (bovins, moutons, chèvres, porcs et poulets) fournissent 31 pour cent de la consommation quotidienne moyenne de protéines.
  • Près de 3,6 millions d'adhésions aux cultures (collection de matériel végétal issue d'un lieu particulier) sont conservées dans des banques de gènes à travers 71 pays et 12 centres internationaux avec près de la moitié du total de ces cultures directement liées aux neuf plus importantes cultures alimentaires.
  • Bien que les plantes sauvages apparentées ne représentent que près de 13 pour cent des avoirs mondiaux des banques de gènes, il manque encore près de 70 pour cent de ces espèces.
  • Les zones protégées et les jardins botaniques ont augmenté de 30 pour cent et ont contribué à la conservation des plantes sauvages apparentées
  • Seuls dix espèces fournissent près de 30 pour cent des pêches de capture marine (Brochure)
  • A l'échelle mondiale, 524 millions des hectares de forêts ont été d'abord conçus pour protéger la biodiversité.
  • Les zones montagneuses abritent 25 pour cent de la biodiversité terrestre dont le patrimoine génétique de cultures importantes au niveau mondial telles que le maïs, les pommes de terre, l'orge, le sorgho, les tomates et les pommes.
  • Les prairies accueillent 11 pour cent des zones pour les oiseaux endémiques ainsi que près de 750 genres et 12 000 espèces d'herbes et contribuent à l'entretien des pollinisateurs et d'autres insectes qui ont des fonctions régulatrices importantes.
  • 1074, ou 12 pour cent, des espèces de bétail connus à travers le monde, sont considérées comme étant adaptées aux régions arides.
  • Les pollinisateurs sont responsables de 35 pour cent de la production agricole mondiale et jouent un rôle fondamental dans la production alimentaire.

Photo: FAO/Noel Celis
Aux Philippines, un agriculteur laboure sa terre. Les agriculteurs sont les gardiens des vastes pans de la biodiversité terrestre.