Les pays redoublent d’efforts afin de lutter contre la résistance aux antimicrobiens

Des écarts importants entre chaque pays par rapport aux progrès réalisés

18 juillet 2018, Rome - Selon un rapport publié aujourd'hui par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE) et l'Organisation mondiale de la santé (OMS), plusieurs pays ont réalisé des progrès importants en matière de lutte contre la résistance aux antimicrobiens (RAM) mais de sérieuses lacunes persistent et exigent une action urgente.

Le rapport retrace les progrès réalisés dans 154 pays et révèle des écarts importants entre eux. Certains, y compris de nombreux pays européens, travaillent sur des politiques liées à la RAM dans le secteur de la santé humaine et animale depuis 40 ans. D'autres ont par contre tout juste commencé à prendre des mesures pour contenir la menace. Les progrès réalisés au niveau du développement et de la mise en œuvre des plans ont été plus significatifs dans les pays à revenu élevé que dans les pays à faible revenu, cependant tous les pays peuvent encore s'améliorer. Aucun des pays sujets à l'étude n'a démontré de capacités durables dans tous les domaines.

Le rapport se penche sur la surveillance, l'éducation, le suivi, la réglementation de la consommation et l'utilisation des antimicrobiens dans la santé humaine, la santé animale et la production, ainsi que dans le domaine des plantes et de l'environnement - comme cela a été recommandé par le Plan d'action mondial de l'OMS publié en 2015. Parmi les résultats encourageants évoqués dans le rapport, on peut retenir que 105 pays possèdent un système de surveillance afin de rendre compte des infections résistantes aux médicaments dans la santé humaine et que 68 pays ont mis en place un système pour surveiller la consommation d'antimicrobiens. De plus, 123 pays ont signalé avoir instauré des politiques visant à réglementer la vente d'antimicrobiens, y compris la nécessité d'obtenir une prescription lorsqu'ils sont utilisés par l'homme - une mesure clé pour lutter contre l'usage excessif et l'abus d'antimicrobiens.

Néanmoins, la mise en œuvre de ces politiques varie et les médicaments contrefaits sont toujours disponibles dans des endroits tels que les marchés en plein air, sans pouvoir contrôler la manière dont ils sont utilisés. Dans ces pays, les médicaments pour les animaux sont souvent vendus librement sans prescription. Cette situation constitue un risque pour la santé humaine et animale, contribuant ainsi au développement de la résistance aux antimicrobiens.

Le rapport met l'accent sur les domaines, en particulier dans le secteur animal et alimentaire, où il est urgent d'agir et d'investir davantage. Par exemple, seuls 64 pays ont confirmé qu'ils suivaient les recommandations de la FAO, de l'OIE et de l'OMS en vue de limiter l'utilisation des antimicrobiens d'importance critique pour stimuler la croissance dans le secteur de la production animale. Parmi ces 64 pays, 39 sont des pays à revenu élevé et la majorité d'entre eux se situent en Europe. En revanche, seuls 3 pays en Afrique et 7 en Amérique ont franchi cette étape importante qui permettra de réduire l'émergence de la résistance aux antimicrobiens.

Au total, 67 pays ont signalé avoir instauré au moins une loi visant à contrôler tous les aspects de la production; du permis à la distribution des antimicrobiens utilisés chez les animaux. 56 pays ont par ailleurs déclaré soit qu'ils ne disposaient pas de politiques ou de législation nationale pour contrôler la qualité, la sécurité et l'efficacité des produits antimicrobiens utilisés dans la santé animale et végétale, ainsi que leur distribution, leur vente et leur utilisation, soit qu'ils n'étaient pas en mesure de rendre compte des politiques actuellement mises en place.

Il existe un manque important de données dans le secteur de l'environnement et des plantes et il est également essentiel d'élaborer davantage de mesures dans ces domaines.

Bien que 78 pays aient des réglementations en place afin de prévenir une contamination générale de l'environnement, seuls 10 d'entre eux ont indiqué être dotés de systèmes complets visant à assurer l'application des règles pour tout ce qui concerne la gestion des déchets, y compris les réglementations qui limitent le rejet de résidus antimicrobiens dans l'environnement. Cela reste cependant insuffisant afin de protéger l'environnement des risques associés à la production antimicrobienne.

 «Ce rapport reflète un élan international destiné à lutter contre la résistance aux antimicrobiens. Nous appelons les gouvernements à s'engager de manière continue dans tous les secteurs - la santé humaine et animale, la santé des plantes et l'environnement - sinon nous risquons de perdre ces précieux médicaments», a déclaré le Dr. Ranieri Guerra, Sous-Directeur général chargé de la résistance aux antimicrobiens à l'OMS.

«Aider les pays à faible et à moyen revenu à appliquer les conseils nécessaires pour une utilisation responsable et prudente des antimicrobiens avec les animaux est une priorité absolue. La mise en œuvre des normes internationales de l'OIE, l'élaboration d'une législation nationale appropriée et le renforcement des services vétérinaires sont des étapes essentielles afin d'aider les principaux protagonistes du secteur de la santé animale à contrôler la menace posée par la résistance aux antimicrobiens», a indiqué le Dr. Matthew Stone, Directeur général adjoint de l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE).

«La FAO salue le fait que de nombreux pays ont pris des mesures concrètes en vue d'utiliser de manière responsable les antimicrobiens dans l'agriculture. Néanmoins, les pays doivent travailler davantage à réduire l'usage excessif d'antimicrobiens non réglementés dans l'agriculture. Nous appelons tout particulièrement les pays à cesser l'utilisation d'antimicrobiens en tant que stimulateur de croissance dans la production animale, qu'elle soit terrestre ou aquatique», a précisé Mme Maria Helena Semedo, Directrice générale adjointe de la FAO. 

Grâce à cette étude et à d'autres sources, les trois organisations (la FAO, l'OIE et l'OMS) sont conscientes du fait que 100 pays ont maintenant mis en place des plans d'action nationaux contre la RAM et que 51 autres sont en train d'élaborer des plans similaires. Néanmoins, davantage doit être fait en vue d'assurer leur mise en œuvre. Seuls 53 pays ont indiqué avoir un groupe de travail multisectoriel totalement opérationnel, tandis que 77 autres ont signalé avoir au moins formé un tel groupe.

Seuls 10 pays ont signalé avoir déterminé le financement de l'ensemble des mesures prises dans le cadre de leur plan. De nombreux pays à faible revenu et à revenu intermédiaire pourraient avoir besoin d'aide au développement sur le long terme afin de pouvoir mettre en œuvre leurs plans de manière efficace et durable. Sur les 10 pays produisant le plus de poulets, de porcs et de bovins qui ont répondu à cette étude sur la RAM, 9 d'entre eux avaient au moins développé un plan d'action national et la majorité de ces pays ont des plans en œuvre dotés d'un système de suivi.

A propos de l'étude

L'étude conduite au niveau mondial, par les trois organisations, sur les progrès réalisés par plusieurs pays dans la lutte contre la RAM vise à contrôler l'exécution du Plan d'action mondial de lutte contre la RAM qui a été approuvé en 2015 par l'OMS, par les Etats membres de la FAO et les pays membres de l'OIE.

L'étude a été élaborée et publiée conjointement par les trois organisations et le rapport analyse les données sur deux ans.

L'étude 2018 a compilé les réponses de 154 pays (parmi les 194 Etats membres de l'OMS qui ont été contactés). Toutes les réponses données par les pays au cours de ces deux années sont en accès libre sur une base de données, offrant ainsi la possibilité aux pays, mais aussi à la société civile et aux autres protagonistes, de les examiner.

Photo: ©FAO/Sia Kambou
Un ouvrier travaillant dans une exploitation avicole transporte un carton d’œufs au Tchad.