Les conditions climatiques irrégulières et les conflits prolongés compromettent la production agricole syrienne
Les agriculteurs ont besoin de semences et d’une aide humanitaire durable afin de maintenir la sécurité alimentaire
9 octobre 2018, Rome - Alors que la Syrie entame sa septième année consécutive de conflits, les conditions climatiques extrêmes ont entraîné une forte baisse de la production céréalière nationale, ont annoncé aujourd'hui deux agences des Nations Unies.
Cette année, la production de blé a atteint son plus bas niveau en 29 ans avec 1,2 million de tonnes, se situant ainsi aux deux tiers du niveau enregistré en 2017. Selon la dernière mission d'évaluation des récoltes et de la sécurité alimentaire (CFSAM), menée conjointement par l'Organisation des Nations Unies pour l'agriculture et l'alimentation (FAO) et le Programme alimentaire mondial (PAM), cette situation s'explique par une longue période de temps sec au début de la saison de culture puis par de fortes pluies hors saison.
Les conflits en Syrie ont réduit à néant d'immenses zones agricoles, poussé des milliers d'agriculteurs syriens à quitter leurs terres et déclenché une forte hausse du prix des intrants agricoles.
Selon le rapport, alors que de plus en plus de personnes déplacées choisissent de rentrer chez elles et que le nombre de personnes situées dans les endroits difficiles à atteindre a baissé de deux tiers, il y aurait toujours 5,5 millions de syriens en situation d'insécurité alimentaire et ayant besoin d'une aide alimentaire.
De plus, entre 500 000 et 800 000 personnes situées dans le Nord du gouvernorat d'Idleb pourraient se retrouver en situation d'insécurité alimentaire.
«Le fait d'avoir constaté certaines améliorations au niveau de la sécurité alimentaire cette année nous encourage. Les conflits ont néanmoins eu pour effet d'éroder les moyens d'existence de manière significative et ont provoqué un phénomène de chômage de masse», a déclaré Corinne Fleischer, Directrice pays du PAM et représentante de l'Organisation en Syrie.
Il est essentiel de fournir une aide humanitaire durable de grande ampleur afin d'empêcher que les familles les plus vulnérables ne sombrent dans une pauvreté extrême et ne connaissent davantage de souffrances liées à la faim. Pendant ce temps, le PAM travaille main dans la main avec la FAO en vue de mettre en œuvre des programmes qui vont créer des emplois et des moyens d'existence visant à autonomiser les syriens, alors qu'ils commencent tout juste à se rétablir et à reconstruire leurs vies», a-t-elle ajouté.
«La relance agricole est essentielle pour la Syrie dès maintenant et pour les années à venir. Le travail de la FAO a permis d'éviter à la production de s'effondrer pendant les conflits et l'Organisation s'est engagée dans une série d'activités dans le pays afin de soutenir l'irrigation, la vaccination du bétail, l'alimentation des ménages et l'entreprenariat chez les déplacés», a déclaré Mike Robson, représentant de la FAO en Syrie.
Alors qu'une meilleure sécurité, stabilité et réouverture des voies d'approvisionnement ont permis une baisse du prix des produits alimentaires de 40 pour cent par rapport à l'année dernière, les prix demeurent sept fois plus élevés qu'avant la crise. Avec un taux de chômage qui atteint les 60 pour cent, les familles doivent faire face à une baisse de leur pouvoir d'achat, ce qui a pour effet d'affaiblir leur capacité à répondre à leurs besoins alimentaires de base.
Les défis des agriculteurs
Seulement 38 pour cent des cultures de blé situées dans les zones pluviales ont pu être récoltées cette année, en raison des mauvaises conditions climatiques. Les agriculteurs parlent de la pire saison agricole de l'histoire d'Al-Hasakeh, une région au Nord-Est du pays qui produit généralement près de la moitié du blé national.
L'orge, une culture plus tolérante face à la sécheresse, qui en général jouit de meilleurs rendements, a pourtant chuté pour atteindre son plus bas niveau depuis 2008. Selon le rapport, qui se base sur des interviews, des études et des données satellitaires et gouvernementales, les agriculteurs se sont plaints de la faible disponibilité en eau, du prix élevé du carburant pour faire fonctionner les pompes d'irrigation et du manque de matériel pour procéder au labourage.
Alors que le gouvernement reprend peu à peu contrôle du territoire et des stations de pompage, le travail visant à restaurer les stations de traitement de l'eau et les canaux d'irrigation a commencé. Cela pourrait prendre néanmoins des années avant d'être achevé.
Selon le rapport de la FAO et du PAM, les conflits en Syrie ont fait payer un lourd tribut au secteur agricole, avec notamment un accès limité aux semences, soit quelque chose qui représentera un «problème majeur» d'ici l'année prochaine. Pour planter, de nombreux agriculteurs comptent sur les grains stockes lors des précédentes récoltes, mais ils sont disponibles en quantité limitée. Etant donné la faible récolte céréalière cette année, la qualité des semences sera particulièrement médiocre et aura des répercussions sur les récoltes de l'année prochaine.
D'autres intrants et équipements fondamentaux tels que les engrais, le carburant subventionné, les pesticides, les tracteurs, les silos de grains, les usines de fraisage et les entrepôts sont également en disponibilité limitée. Les chiffres relatifs à l'élevage, quoiqu'en baisse de la moitié par rapport aux niveaux de 2011, se sont stabilisés par rapport à l'année dernière, cependant de mauvaises récoltes agricoles devraient entraîner des pertes au sein du bétail, tandis que les prix de la nourriture animale devraient augmenter.
S'appuyer sur les tendances indiquant une amélioration de la sécurité alimentaire
L'évaluation menée par la FAO et le PAM souligne que les niveaux de sécurité alimentaire se sont légèrement améliorés l'année dernière, grâce à une amélioration de la sécurité et de l'accès aux marchés. Certaines zones où les conflits perdurent et les populations fuient continuent cependant de susciter de vives inquiétudes.
D'après le rapport, l'aide alimentaire a été essentielle pour les ménages touchés par les conflits à travers le pays et sera toujours indispensable alors que les déplacés retournent progressivement chez eux.
Près d'un ménage sur quatre a un régime alimentaire insuffisant, avec notamment un accès limité aux micronutriments essentiels. La plupart d'entre eux sont des familles de déplacés, des personnes de retour chez elles ou encore des ménages gérés par des femmes.
Selon le rapport, une baisse de l'aide extérieure pourrait représenter une véritable menace face aux récents progrès réalisés en matière de sécurité alimentaire, à moins d'une relance de l'économie et de la croissance.
Le PAM vient actuellement en aide à près de 3 millions de personnes et envisage de passer progressivement de l'aide alimentaire générale, sous la forme de rations alimentaires, à des programmes plus orientés vers les marchés où les marchés sont fonctionnels et les voies d'approvisionnement plus solides. Cela devrait également avoir pour effet de stimuler le marché local. Au cours des prochaines années, il sera essentiel d'encourager la relance et le développement de filets de sécurité nationaux, en se focalisant sur les communautés les plus vulnérables, en investissant sur des activités liées aux repas scolaires et en développant des moyens d'existence basés sur la résilience.
Les programmes de la FAO ont permis aux agriculteurs de cultiver assez de blé pour nourrir 1,7 million de personnes en plus en 2017 et de garder le bétail en bonne santé. Par ailleurs, ils ont contribué à reconstruire les infrastructures agricoles, à créer des opportunités génératrices de revenus et à soutenir les micro-jardins et les autres initiatives de production à petite échelle pour les réfugiés syriens dans les pays voisins. Le rapport indique également que les deux prochaines années seront cruciales pour rétablir les vies et les moyens d'existence sur l'ensemble du territoire syrien.
