Exploiter le potentiel du bétail pour stimuler le développement durable
Le secteur peut fortement contribuer au Programme de développement durable à l’horizon 2030, mais des choix importants devront être faits
17 octobre 2018, Rome - Un nouveau rapport de la FAO souligne les nombreuses contributions apportées par le secteur de l'élevage, en particulier pour les vies des millions de personnes pauvres et des petits exploitants agricoles dépendants des animaux dans les pays en développement, mais indique également que des changements au niveau des politiques et des pratiques seront nécessaires afin d'optimiser ces contributions.
Selon l'ouvrage Elevage mondial: Transformer le secteur de l'élevage grâce aux Objectifs de développement durable, jusqu'à présent, le débat autour de la production animale s'est focalisé sur la manière dont le secteur peut produire davantage afin de satisfaire une hausse de la demande pour les produits animaux et de nourrir une population en hausse, tout en réduisant son empreinte environnementale.
Bien qu'il s'agisse d'un objectif valable, le nouveau rapport de la FAO plaide pour une approche plus large et ambitieuse.
Faire coïncider le secteur de l'élevage aux objectifs du Programme de développement durable à l'horizon 2030 des Nations Unies peut entraîner de nombreuses choses positives. Ainsi, cela devrait permettre d'améliorer la sécurité alimentaire et nutritionnelle, mais également l'accès à l'énergie, la parité des sexes et la gestion environnementale, sans oublier de contribuer à la paix et à la stabilité.
Notant que «même les sociétés post-industrielles les plus modernes dépendaient toujours des animaux pour leur sécurité alimentaire et nutritionnelle», M. José Graziano da Silva, Directeur général de la FAO, a indiqué que le secteur de l'élevage revêtait «une importance fondamentale» et «pouvait jouer un rôle primordial en matière d'amélioration de la vie de millions de personnes», en fournissant de la nourriture, des emplois, des revenus, des opportunités économiques et en renforçant la résilience.
«Avant que tout cela n'arrive, il est nécessaire de pallier à plusieurs interactions complexes», a-t-il souligné, ajoutant que «la concurrence au niveau des terres qui servent à produire la nourriture animale contribuait à restreindre la disponibilité en ressources nécessaires pour produire de la nourriture pour les humains» et que «favoriser la compétitivité du secteur grâce à une meilleure concentration des marchés aura probablement pour effet de freiner la capacité des petits producteurs à participer aux marchés».
«Il est également urgent de mettre fin à la mauvaise utilisation d'antimicrobiens dans le cadre de l'élevage animal», a ajouté le Directeur général de la FAO, faisant référence au rôle des antibiotiques face à la hausse des micro-organismes résistants aux antimicrobiens.
Relever ces défis impliquera que les pays se penchent de manière sérieuse sur leur secteur de l'élevage et sur le développement de politiques adaptées à leur contexte local, en mesure de promouvoir une croissance équitable.
Ces mesures seront particulièrement nécessaires afin d'autonomiser les petits producteurs en vue de s'assurer qu'ils soient les premiers bénéficiaires de la croissance continue du secteur de l'élevage.
Relever les défis
L'un des défis majeurs dans les pays en développement est que le secteur de l'élevage est particulièrement fragmenté, avec différents niveaux de productivité du travail au niveau de la transformation et de la production et notamment au sein même de la production, entre les agriculteurs commerciaux et les agriculteurs de subsistance.
Selon le rapport, les politiques sectorielles devraient donc travailler à améliorer la productivité du travail des petits producteurs et se concentrer sur les activités à haute valeur ajoutée et plus exigeantes en main d'œuvre, afin de libérer les «effets multiplicateurs» du secteur en matière de création d'emplois et de réduction de la pauvreté.
Le rapport met cependant en garde sur le fait qu'une croissance rapide du secteur de l'élevage ne se traduit pas toujours par une réduction rapide de la pauvreté.
Il sera donc nécessaire de mieux comprendre la relation entre la croissance économique et la réduction de la pauvreté, ainsi que les facteurs capables d'améliorer la contribution du secteur aux efforts visant à réduire la pauvreté. Les politiques qui iront dans ce sens devront nécessairement inclure des mesures visant à améliorer l'accès des petits exploitants agricoles et des éleveurs aux ressources productives, à l'information, aux technologies, à la formation, aux biens et aux crédits, afin de renforcer les groupes de producteurs.
Des réformes commerciales, des investissements et une touche d'innovation seront également requis.
Les politiques et les pratiques qui permettront d'améliorer l'efficacité du secteur de l'élevage et de réduire son empreinte environnementale devront être maintenues. Par exemple, plusieurs études de la FAO ont démontré qu'une démocratisation des meilleures pratiques et technologies relatives à l'alimentation, la santé, l'élevage et la gestion du fumier - y compris une utilisation accrue de technologies telles que des générateurs à biocombustible - pouvait contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre issues du secteur de l'élevage d'au moins 30 pour cent.
Chiffres clés
- Actuellement, au moins 1,3 milliard de personnes à travers le monde travaillent dans la production animale.
- Pour près de 600 millions des ménages les plus pauvres, le bétail est une source de revenus essentiel.
- Entre 2000 et 2014, la production mondiale de viande a augmenté de 39 pour cent, tandis que la production de lait a augmenté de 38 pour cent.
- La production mondiale de viande est appelée à augmenter de 19 pour cent en 2030, par rapport à la période allant de 2015 à 2017, tandis que la production de lait est appelée à augmenter de 33 pour cent en 2030 par rapport à la même période.
- La production animale représente 40 pour cent de la production agricole totale dans les pays développés et 20 pour cent de la production agricole totale dans les pays en développement.
- Les animaux demeurent une source importante de puissance. En Inde, par exemple, deux tiers des zones cultivées du pays sont labourées grâce à l'énergie animale et 14 millions de charrettes à traction animale transportent 15 pour cent du fret total du pays.
- L'introduction de la génétique de pointe, de systèmes d'alimentation et de contrôle de santé animale, ainsi que d'autres technologies, ces quatre dernières décennies ont permis aux pays industrialisés de réduire de 20 pour cent leurs exigences en matière de terres pour le bétail, tout en multipliant par deux leur production de viande.
- Une démocratisation des meilleures pratiques et technologies existantes dans l'alimentation, la santé, l'élevage et la gestion du fumier, ainsi qu'une utilisation accrue de meilleures technologies pourrait aider le secteur mondial de l'élevage à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 30 pour cent.
Un usage alternatif du fumier de vache
Dans les pays en développement et en particulier en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud-Est, les villages ruraux et les zones éloignées manquent souvent de lien direct avec les réseaux électriques, les enfermant dans un cycle de pauvreté et de sous-développement. De plus en plus de pays aident néanmoins leurs concitoyens à échapper à ce piège énergétique en exploitant une ressource inattendue et sous-estimée jusque-là: la bouse animale.
La volaille, les porcs, les moutons, le bétail et d’autres animaux domestiques génèrent près de 85 pour cent des déchets fécaux animaux. Selon Elevage Mondial, transformer ce fumier de bétail en biogaz offre un moyen de rendre disponible une source de combustible renouvelable pour plus d’un milliard de personnes pour leur usage domestique, leur donnant accès à une énergie durable, abordable et fiable.
Cette approche a déjà été largement adoptée en Inde et en Chine. Entre 2003 et 2013, la Chine a construit 42 millions de petites installations de biogaz (à partir du fumier de poules et de bétail) qui fournissent de l’énergie et permettent d’éclairer et de se chauffer, ainsi que de nombreuses centrales électriques au biogaz, beaucoup plus grandes, avec une capacité journalière de 18 000 à 60 000 kWh.
En 2003, l’Inde avait déjà installé près de 3,4 millions de réacteurs à biogaz de taille familiale dans plusieurs régions isolées du pays et, en 2015, le nombre d’installations de biogaz de taille familiale à travers le pays s’élevait à quatre millions. D’autres pays d’Asie et d’Afrique explorent maintenant l’utilisation du biogaz afin de développer la production électrique des ménages.
