Le travail de la FAO permet d’améliorer la cartographie et la surveillance des tourbières
Une nouvelle publication et un outil géospatial disponible en ligne permettront aux pays de préserver leurs stocks de carbone
18 mars 2020, Rome/Jakarta - Les tourbières ne recouvrent que 3 pour cent de la surface terrestre mais contiennent pourtant autant de carbone que l'ensemble de la végétation de la planète, soulignant ainsi leur rôle majeur en matiere de régulation du climat mondial. Le fait qu'elles se dégradent, suite aux drainages, aux incendies ou à d'autres facteurs, les transforme et, de réservoirs de carbone fonctionnant relativement lentement, à sources rapides capables de libérer en quelques dizaines d'années le carbone stocké pendant des millénaires. Il est nécessaire de procéder à une cartographie et à un suivi des tourbières pour éviter qu'elles se dégradent, et de planifier de manière efficace leur restauration.
Pour aider ses États membres à réaliser cette tâche complexe, la FAO a publié aujourd'hui le Guide pratique Cartographie et surveillance des tourbières, qui fournit des informations techniques sur les tourbières du monde entier et des recommandations sur la manière de gérer ces écosystèmes particuliers. La publication est le fruit d'un travail collectif de 35 auteurs experts issus de 14 pays et s'inspire d'études menées dans des pays tropicaux riches en tourbières, comme l'Indonésie, la République démocratique du Congo et le Pérou, ainsi que d'autres régions caractérisées par un climat tempéré.
« Cartographier les tourbières pour connaître leur emplacement, leur taille et leurs potentielles émissions de gaz à effet de serre peut aider les pays à planifier et à mieux gérer leurs terres, leurs eaux et leur biodiversité, mais aussi à atténuer les effets du changement climatique et à s'y adapter de façon plus efficace », a indiqué Mme Maria Nuutinen, spécialiste des tourbières auprès du Département des forêts à la FAO et co-autrice de la publication.
Disposer d'une cartographie précise des tourbières est une condition préalable pour surveiller de manière efficace les transformations des tourbières. Pour que les pays arrivent à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et les risques d'incendies, la surveillance des tourbières, et particulièrement de leur niveau d'eau, s'avère être une condition fondamentale. Cette tâche implique des relevés par satellite et terrestres. Pour faciliter l'accès des pays à l'imagerie de haute qualité, la FAO a mis au point un module de pointe afin de suivre la restauration des tourbières. Le module accessible par le biais de SEPAL, un outil géospatial de la FAO, a été utilisé pour la première fois avec succès en Indonésie par l'Agence indonésienne de restauration des tourbières et par le Ministère indonésien de l'environement et des forêts. Le module de suivi des tourbières fournit des informations ponctuelles sur l'humidité du sol et permet de détecter les drainages et de suivre les efforts de restauration. Les cartes sur l'humidité des sols peuvent être actualisées tous les quinze jours grâce à l'imagerie Sentinel-1 de l'Agence spatiale européenne.
« Le module du suivi des tourbières en libre accès sur la plateforme SEPAL sera ultérieurement amélioré afin de répondre aux besoins du bassin du Congo, et permettre de détecter et d'affronter les transformations potentielles et d'éviter les incendies », a déclaré M. Julian Fox, chef d'équipe à la FAO chargé de la surveillance nationale des forêts. « De même, le Pérou travaille à la mise au point d'une méthodologie nationale de cartographie des tourbières qui permet d'agir de manière plus ciblée afin de mieux protéger et gérer les tourbières des régions côtières, des Andes et de l'Amazonie. Ces pays et d'autres organisations partenaires de l'Initiative mondiale sur les tourbières ouvriront la voie à d'autres actions sur les tourbières, » a-t-il ajouté.
Les tourbières: une brève introduction
Les tourbières vierges, ou marécages, se caractérisent par des conditions constantes d'eaux stagnantes et un manque d'oxygène qui ralentit le phénomène de décomposition par les microorganismes. Accumuler un mètre de matière organique, soit le phénomène appelé la tourbe, est un processus qui peut prendre jusqu'à 1 000 ans et les tourbières peuvent atteindre cinq mètres de profondeur dans les climats proches des pôles et plus de 15 mètres dans certaines régions tropicales où une plus grande productivité végétale a permis des dépôts plus profonds.
Reconnaître les tourbières n'est pas chose facile et, par conséquent, « la cartographie et le suivi demandent une approche complexe et nuancée », a déclaré M. Hans Joosten, spécialiste des tourbières et co-auteur de la publication. Par exemple, les types de couvertures végétales sont essentiellement des mousses dans les tourbières arctiques, surtout des roseaux dans les zones tempérées, et des mangroves ou des forêts marécageuses de tourbe dans les zones tropicales. On découvre aujourd'hui encore de nouvelles tourbières, c'est le cas notamment de la zone de tourbières tropicales la plus grande du monde - plus grande que l'Angleterre - dans la région lointaine et difficile d'accès de la Cuvette Centrale dans la forêt du Congo.
Près de 15 pour cent des tourbières du monde entier ont été drainées principalement pour en faire des terres destinées aux cultures, aux pâturages, à la foresterie et à l'extraction, provoquant ainsi une dégradation à long terme. Les zones où les tourbières risquent d'être dégradées se situent tout particulièrement en Europe, en Russie, en Amérique du Nord, en Asie du Sud-Est, en Afrique de l'Est et dans le basin amazonien. Ceci est souvent dû à un manque de connaissances sur les tourbières en ce qui concerne leur emplacement, leur étendue, leurs caractéristiques typiques comme les risques d'incendies, leurs avantages et leur potentiel pour une atténuation des effets du changement climatique. En outre, un connaissance solide de l'emplacement et de l'évolution des tourbières contribue aussi à ce qu'elles soient prises en compte dans les politiques et les plans nationaux pour l'agriculture, les sols, les forêts et l'utilisation des terres, et dans les systèmes de suivi et d'établissement des rapports. Sur le terrain, un meilleure information de l'emplacement des tourbières peut aider les planificateurs, les gestionnaires et les agriculteurs à prendre de meilleures décisions.
Les pays les plus riches en tourbières prennent les devants
L'Indonésie, qui accueille 40 pour cent de l'ensemble des tourbières tropicales, a été particulièrement active en prenant des mesures correctives afin de modifier les pratiques de drainage et de déforestation qui ont causé de très vastes incendies depuis les années 1980. Le gouvernement a conçu plusieurs initiatives, comme par exemple la stratégie «One Map» (une seule carte) et le Plan pour la protection et la gestion des écosystèmes des tourbières qui guide les actions de protection et de suivi des tourbières. De même, la République démocratique du Congo a créé un département dédié aux tourbières chargé de définir les besoins prioritaires et d'y apporter des réponses. Bien que la découverte de la Cuvette Centrale soit récente, elle a déjà de fortes répercussions sur les politiques liées au climat et à la conservation dans la région.
Toutefois, il reste encore beaucoup à faire pour préserver le carbone des tourbières, de sorte que le partage des connaissances et le renforcement des capacités offrent des possibilité de synergies importantes et peuvent ouvrir la voie à des actions climatiques mieux ciblées. Les expériences des pays en matière de cartographie et de suivi des tourbières joueront un rôle clé dans la création d'un corpus mondial de connaissances plus solides afin que d'autres pays puissent apprendre des approches innovantes et les utiliser pour atteindre l'objectif ultime qui est de protéger cette précieuse et fragile ressource naturelle.
