Le Centre d’investissement de la FAO facilite la création de systèmes agroalimentaires plus solides et plus durables
Séance de questions-réponses avec le Directeur du Centre d’investissement de la FAO
Rome, 24 décembre 2020 - Mohamed Manssouri, Directeur du Centre d'investissement de la FAO, présente les plans de travail et d'expansion du Centre.
Le Centre d'investissement de la FAO, qu'est-ce que c'est?
Pour dire les choses simplement, le Centre d'investissement de la FAO crée des solutions d'investissement dans le domaine de l'alimentation et de l'agriculture durables. Il propose tout un ensemble de services d'appui à l'investissement pour aider les pays à se doter de politiques et de plans d'investissement à long terme, à élaborer et mener à bien des projets d'investissement avec des partenaires financiers, et à produire des connaissances et renforcer les capacités en matière d'investissement.
Mieux investir dans l'alimentation et l'agriculture permettra d'aboutir à des systèmes alimentaires plus efficaces et plus équitables, et de renforcer la résilience face au changement climatique et à d'autres chocs, notamment le COVID-19. La nouveauté est que les Membres de la FAO ont décidé d'injecter beaucoup plus de ressources dans le Centre - ce qui lui permet d'élargir son action, d'aller plus à fond dans l'appui à l'investissement qu'il apporte aux pays et de renforcer sa collaboration avec les institutions financières nationales et internationales et d'autres partenaires de développement.
Comme l'a expliqué M. QU Dongyu, Directeur général de la FAO, «ensemble, nous transformons l'agriculture et les systèmes alimentaires grâce à des investissements ciblés, à l'innovation, à la diffusion des savoirs et au renforcement des capacités». Rien que ces trois dernières années, nous avons aidé à mobiliser des investissements publics pour un montant de 19 milliards de dollars américains, qui ont contribué à créer des systèmes alimentaires plus solides et plus durables. Et rien qu'en Afrique subsaharienne, en 2020, le Centre a apporté un appui à l'élaboration de nouveaux investissements publics d'un montant de 2 milliards de dollars américains, qui donneront accès à une alimentation saine et qui créeront des emplois.
Le programme conjoint d'action face au COVID-19, aux conflits et au changement climatique, qui concerne six pays du Sahel, en est un bon exemple. Ce programme consiste à investir dans l'infrastructure agricole, dans l'innovation technologique et aussi dans le capital social et humain, dans des zones transfrontières confrontées à des problèmes de sécurité. La FAO et le Programme alimentaire mondial (PAM) apporteront un appui au secrétariat du G5 Sahel et au Fonds international de développement agricole (FIDA) en vue de l'application du projet.
Le coût du projet, qui s'étendra sur six ans, est de 180 millions de dollars américains, dont 109 millions seront financés par le FIDA et 71 millions par le Fonds vert pour le climat. En 2020, nous avons apporté un appui à la conception de projets dans quelque 120 pays. Cet appui a consisté à apporter aux gouvernements une assistance technique pendant la phase d'exécution des projets (en général d'une durée de cinq ans), essentielle pour s'assurer que les investissements donneront les résultats voulus dans les délais prévus. Le Centre dispose d'équipes pluridisciplinaires en mesure de superviser l'exécution des projets dans tous les aspects liés à l'agriculture et au développement rural, y compris l'infrastructure et l'irrigation, la culture, l'élevage, la pêche, les forêts, etc.
Le Centre apporte aussi un appui aux investissements dans le capital humain et le capital social - à savoir le renforcement des capacités, la gouvernance et les institutions, les organisations d'agriculteurs, et le développement des communautés.
Vous avez mentionné le COVID-19. Pouvez-vous nous en dire plus sur le rôle du Centre à cet égard?
Les pays se sont tournés vers la FAO pour recevoir des conseils face au COVID-19 et obtenir une assistance technique concernant les projets en cours. Nous leur avons donné sans tarder des conseils sur les dispositions à prendre et nous avons réalisé des évaluations rapides de l'impact du COVID-19 sur les systèmes alimentaires afin de les aider à prendre des décisions et à trouver des solutions pour atténuer les conséquences de la pandémie sur leur secteur agroalimentaire.
Aux côtés de partenaires d'investissement tels que la Banque mondiale - le plus ancien et le plus important partenaire du Centre - nous avons mis au point un ensemble de mesures et nous avons réorienté les projets en cours pour tenir compte des difficultés causées par la pandémie.
En partenariat avec la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), nous avons créé un dispositif d'intervention technique (d'un montant de 3 millions de dollars américains) en vue d'aider le secteur agroalimentaire à surmonter les difficultés engendrées par le COVID-19 et de renforcer la résilience à plus long terme des systèmes alimentaires.
Avec la Commission européenne, nous réalisons des évaluations rapides des systèmes alimentaires dans de nombreux pays; notre objectif d'ici à la fin de 2021 est de réaliser des évaluations dans 61 pays parmi ceux qui sont les plus touchés par l'insécurité alimentaire et la malnutrition. Les évaluations ne sont cependant qu'une première étape.
Elles aideront à élaborer de nouvelles recommandations concernant l'alimentation et l'agriculture et des projets d'investissements privés et publics dans la transformation des systèmes alimentaires de ces pays.
Nous collaborons également avec nombre de partenaires, dont les institutions européennes de financement du développement, pour aider à réduire les risques liés aux investissements dans le secteur agroalimentaire - qui est caractérisé par l'incertitude et la volatilité même dans les meilleures conditions. En outre, nous prenons des dispositions face au COVID-19 dans les projets relevant du Programme mondial sur l'agriculture et la sécurité alimentaire, dans des pays tels que le Bangladesh, l'Éthiopie, Haïti, le Sénégal et le Yémen.
Le Centre a également pris de nouvelles mesures pour accroître sa visibilité et peser dans le débat public sur la nécessité d'investir dans les systèmes alimentaires alors que le monde s'efforce de reconstruire en mieux. Par le passé, nous avons obtenu de bons résultats s'agissant de rassembler des acteurs publics et privés, y compris les agriculteurs et les organisations qui les représentent, afin d'examiner des questions de politique générale et de desserrer les goulets d'étranglement. Le Centre a joué un rôle essentiel dans la mise en place de l'Initiative Main dans la main, qui vise à lutter contre la pauvreté, dans près de 40 pays. (Note: pour plus d'informations sur le Centre et ses activités concernant le COVID-19, cliquer ici.)
En dehors de son appui face au COVID-19, pouvez-vous donner d'autres exemples des activités du Centre et de ses principales réalisations en 2020?
Malgré les difficultés que nous connaissons à l'heure actuelle, le Centre a aidé des pays à mobiliser des investissements publics pour un montant de 6,1 milliards de dollars américains - soit 500 millions de dollars américains de plus qu'en 2019 - en faveur de plus de 30 projets agricoles.
Notre équipe d'investissement a joué un rôle de premier plan dans la conception d'un projet d'investissement régional qui vise à redynamiser les activités économiques et les systèmes alimentaires dans six pays du Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal et Tchad). Les organismes qui ont leur siège à Rome - FAO, FIDA et PAM - ont collaboré avec le G5 Sahel afin de renforcer la résilience des ménages ruraux dans les zones transfrontalières de ces six pays, venant ainsi en aide à près de un million de personnes touchées par des conflits, le changement climatique ou la pandémie du COVID-19.
Ce partenariat devrait être élargi au Fonds vert pour le climat et à d'autres partenaires. Nous avons noué de nouveaux partenariats avec des institutions de financement afin d'élargir notre appui à l'investissement, et de nouvelles collaborations sont actuellement établies avec la Banque européenne d'investissement, la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures et d'autres acteurs.
Sachant que l'argent public ne suffira pas pour mettre fin à la pauvreté, nous avons créé de nouveaux partenariats, novateurs, pour transformer la manière dont l'investissement est financé, en faisant appel en particulier au financement mixte, qui consiste à associer des financements publics ou philanthropiques à des investissements privés dans des entreprises qui outre un rendement financier produisent des résultats sociaux et environnementaux.
Par exemple, nous travaillons avec la Commission européenne dans le cadre de l'Initiative AgrIntel, et à ce titre fournissons des services de conseil en vue de mobiliser des fonds et des financements mixtes qui seront investis dans des petites et des moyennes entreprises agroalimentaires sous forme de prises de participation ou de prêts.
Le financement mixte est clairement un domaine à suivre avec intérêt. En collaboration avec la délégation de l'Union européenne en Ouganda, le Centre renforce les capacités de la Banque de développement ougandaise de sorte qu'elle puisse financer des investissements privés responsables dans l'alimentation et l'agriculture.
En associant les connaissances et l'expertise de la FAO aux moyens financiers et en collaborant avec les institutions financières nationales et internationales, nous aiderons nos Membres à obtenir des résultats à l'échelle requise pour atteindre les objectifs de développement durable.
Le Centre s'associe également à des centres de recherche pour approfondir les connaissances sur l'agriculture numérique et le capital humain et susciter des débouchés pour les jeunes et les femmes dans les zones rurales tout au long de la chaine de valeur alimentaire. Un autre domaine essentiel est le financement vert et l'action climatique.
Le Centre aide les pays à mieux tirer parti de ce type de financement. Sur la période 2018-2020, directement en tant que FAO ou avec des partenaires de financement, nous avons mobilisé auprès du Fonds vert pour le climat des financements d'un montant d'environ 675 millions de dollars américains.
Quelle est la prochaine étape pour le Centre? Quelles sont certaines des grandes priorités pour les années à venir?
Nous continuerons de travailler avec des banques et des fonds internationaux pour renforcer la résilience des systèmes alimentaires. Cela signifie aider les acteurs publics et privés à effectuer la transition vers de meilleurs systèmes de production qui soient plus verts et offrent une meilleure nutrition sans nuire à l'environnement, ce qui au bout du compte améliorera nos conditions de vie à tous.
Nous continuerons également de faciliter et de promouvoir l'utilisation de nouvelles sources de données et des technologies tenant compte du climat (données géospatiales, applications numériques et drones, notamment) en vue de mieux planifier les investissements, de mieux gérer les risques et de proposer aux agriculteurs des taux d'intérêt plus bas.
Nous espérons pouvoir aider davantage de banques nationales à financer des investissements agricoles et des investissements privés, en mieux et en plus, dans l'alimentation et l'agriculture durables.
Quels sont les éléments indispensables pour parvenir à une croissance durable?
En résumé, je dirais: une stratégie à long terme claire, de meilleures politiques de protection de l'environnement et des investissements publics essentiels qui permettent d'accélérer l'adoption d'innovations, y compris des technologies et des pratiques numériques tenant compte de l'environnement, et de développer les infrastructures de base.
Les investissements publics sont indispensables pour stimuler l'investissement privé, en particulier financier. La réalisation des objectifs de développement durable - que ce soit l'élimination de la pauvreté et de la faim ou l'instauration d'un monde plus équitable, plus vert et plus sain - exige des financements mixtes. L'accroissement de l'efficience du système alimentaire doit par ailleurs aller de pair avec la réduction des inégalités, et en particulier avec la création d'emplois et de moyens d'existence décents pour les femmes et les jeunes.
À cet égard, les investissements publics dans le capital humain que constituent les femmes et les hommes qui produisent, transforment et commercialisent les denrées alimentaires (en particulier les petits agriculteurs) sont cruciaux, car ils ouvrent la voie à tout le reste: croissance, durabilité, égalité et inclusion. Il faut agir d'urgence pour transformer les systèmes agroalimentaires.
Les ressources, qu'elles soient intellectuelles, financières ou matérielles, existent déjà mais nous devons mieux organiser et coordonner notre action si nous voulons que l'effort mondial n'intervienne pas trop tard et en vain pour trop de gens.
