La transformation des systèmes agroalimentaires: un puissant levier pour la réalisation des objectifs mondiaux

Dans un discours à l' institut des sciences des Lyncéens à Rome, le Directeur général de la FAO invite à déployer une pensée globaliste et systémique.

25 février 2021, Rome - Une refonte d'ensemble des systèmes agroalimentaires du monde peut contribuer grandement à la réalisation des promesses mondiales telles que l'élimination de la faim à l'horizon 2030, a déclaré le Directeur général de la FAO, M. Qu Dongyu, lors d'une conférence liminaire donnée à la prestigieuse Académie nationale des Lyncéens.

«Les systèmes agroalimentaires constituent le système économique le plus vaste au monde, de par le nombre de personnes qu'ils emploient, les moyens d'existence qu'ils assurent et leur impact sur la planète», a déclaré M. Qu, en rappelant que 4 milliards d'actifs interviennent directement ou indirectement dans les systèmes alimentaires, où la pauvreté et la faim n'en demeurent pas moins endémiques.

«La transformation de nos systèmes alimentaires compte parmi les moyens les plus puissants de nous rapprocher de la réalisation des 17 objectifs de développement durable et de corriger la trajectoire, si nécessaire. Cette transformation doit nous permettre de «reconstruire en mieux dans l'après covid-19», a déclaré M. Qu à son auditoire.

À la suite de sa communication, M. Qu a pris part à une table ronde sur la diplomatie scientifique en compagnie de M. Joachim Von Braun, Président de l'Académie pontificale des sciences, Directeur du Centre allemand de recherche pour le développement (ZEF) et Président du Groupe scientifique pour le Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires, qui se tiendra en 2021, et de M. Giorgio Parisi, Président de l'Académie des Lyncéens et spécialiste de la physique théorique ayant à son actif des travaux pionniers sur les statistiques et la complexité, «les systèmes désordonnés» et la dynamique des nuées d'étourneaux dans le ciel de Rome.

Dans sa communication, le Directeur général a plaidé pour davantage de «pensée systémique» dans un large éventail de domaines, des politiques publiques aux modèles d'entreprise, en passant même par le domaine culturel. Insistant sur la nécessité de passer de la stratégie à l'action, il a évoqué comment les actuels systèmes agroalimentaires «ne jouent pas leur rôle» et a rappelé à ce sujet que près de 690 millions de personnes souffrent de sous-alimentation chronique, les projections relatives à la pandémie de covid-19 indiquant que plus de 100 millions de personnes devraient bientôt venir grossir leur nombre; un enfant sur cinq présente un retard de croissance; 3 milliards de personnes ne jouissent pas d'une alimentation saine et une personne sur 10 s'approvisionne à des filières alimentaires dénuées de sécurité sanitaire.

Il a aussi attiré l'attention sur l'ampleur des pertes et du gaspillage de nourriture à l'échelle mondiale, en soulignant le fait que 80 pour cent des très pauvres habitent des zones rurales et travaillent dans l'agriculture. Des améliorations spectaculaires sont requises dans ces zones, notamment un recul de la malnutrition et de l'obésité qui doivent passer en dessous du seuil des 5 pour cent de la population dans tous les pays, une réduction sensible des inégalités, et une avancée vers un ensemble de cibles relatives à l'environnement et au climat.

La conférence donnée par M. Qu s'inscrivait dans un cycle de communications éminentes faites à l'Académie des Lyncéens, institut scientifique dont la création remonte aux premières années du XVIIe siècle et dont Galilée fut membre. Parmi les conférenciers invités à ce cycle, axé sur les défis mondiaux appelant des solutions multilatérales, figurent Mgr Paul Richard Gallagher, Secrétaire du Vatican pour les relations avec les États, Mme Christine Lagarde, Présidente de la Banque centrale européenne, et M. Rafael Mariano Grossi, Directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique.

Les quatre améliorations

Le Directeur général, M. Qu a élaboré une démarche stratégique articulée sur ce qu'il nomme «les quatre améliorations». L'amélioration de la production suppose de garantir des structures de consommation et de production efficientes et pérennes et des filières alimentaires et agricoles inclusives aux niveaux local, régional et mondial. Le numérique dans l'agriculture, le souci des intérêts des petits producteurs et l'innovation écologique sont des éléments essentiels dans l'itinéraire à forger. L'amélioration de la nutrition désigne l'élimination de la faim, la promotion d'aliments nutritifs et un meilleur accès à une alimentation saine, réalisations qui peuvent être soutenues en s'attaquant aux pertes et au gaspillage de nourriture et en rendant les marchés et les échanges accessibles et ouverts. Par amélioration de l'environnement, il faut entendre la protection, la restauration et la promotion de l'utilisation durable des écosystèmes terrestres et marins, la promotion d'un environnement meilleur pour les systèmes agricoles et la lutte contre le changement climatique par des démarches de réduction, de réutilisation, de recyclage et de gestion des résidus.

La conservation de la biodiversité, qui comprend l'agrobiodiversité et la diversité alimentaire, est un facteur d'activation déterminant sur ce front. L'amélioration des conditions de vie peut être obtenue en corrigeant les inégalités - entre zones urbaines et zones rurales, riches et pauvres, et hommes et femmes - et en favorisant la croissance économique inclusive. Le Directeur général a ajouté que l'Initiative Main dans la main, qui distingue la FAO dans ce domaine, vise à stimuler la transformation des zones rurales, la vigueur des systèmes alimentaires urbains et la résilience des systèmes agroalimentaires en amplifiant le volume des investissements requis. À l'heure actuelle, 34 pays ont intégré ce programme, qui repose sur le rapprochement de partenaires appelés à s'accorder et un ciblage systématique des plus pauvres dans le monde. La conférence d'aujourd'hui, à laquelle ont assisté de hauts responsables du Gouvernement italien et d'institutions universitaires du pays, a été diffusée en direct par la chaîne de télévision publique italienne RAI.

Photo: ©FAO/Alessandra Benedetti
De gauche à droite : QU Dongyu, Directeur général de la FAO, Giorgio Parisi, Président de l’Académie Nationale des Lincei, Giorgio Marrapodi, Directeur général pour la coopération au développement- Ministère italien des affaires étrangères et de la coopération internationale, Joachim Von Braun, Président de l’Académie pontificale des sciences et Wolfgango Plastino, Président du Colloque sur la diplomatie scientifique.