Pour une agriculture "intelligente" face au changement climatique

Mais on est loin du compte avec les options courantes de financement et d’aide au développement

28 octobre 2010, Rome - L'agriculture dans les pays en développement doit devenir "intelligente" face au changement climatique si l'on veut relever le défi consistant à nourrir un monde plus densément peuplé et plus chaud, préconise un nouveau rapport de la FAO.

On s'attend à ce que le changement climatique réduise la productivité et la stabilité de l'agriculture ainsi que les revenus dans beaucoup de régions qui sont déjà confrontées à des niveaux élevés d'insécurité alimentaire, cependant que la production agricole mondiale devra augmenter de 70 pour cent au cours des quatre prochaines décennies afin de couvrir les besoins alimentaires d'une population en expansion, selon le rapport 'Climate-Smart' Agriculture: Policies, Practices and Financing for Food Security, Adaptation, and Mitigation (Une agriculture intelligente face au climat: politiques, pratiques et financement pour la sécurité alimentaire, l'adaptation et l'atténuation).

"Accroître la production agricole, réduire les pertes après-récolte et améliorer les canaux de distribution de la nourriture dans le monde en développement ont toujours représenté des défis de taille. Le changement climatique place la barre encore plus haut. Une transformation majeure de l'agriculture est nécessaire," souligne M. Alexander Mueller, sous-Directeur général de la FAO, département Ressources naturelles.

"Quoi qu'il en soit, nous ne devons pas oublier qu'il existe déjà beaucoup de pratiques intelligentes et efficaces face au climat et qu'il est possible de les appliquer largement dans les pays en développement, ainsi que le relève ce rapport", ajoute M. Mueller.

Transformation sur de multiples fronts

Le rapport de la FAO décrit un certain nombre de secteurs où des changements sont requis.

L'agriculture doit produire plus de nourriture, moins de déchets et faciliter aux agriculteurs l‘écoulement de leurs produits auprès des consommateurs.

L'agriculture doit devenir plus résistante aux perturbations telles que les inondations et les sécheresses; à cet égard, il convient d'améliorer à la fois la gestion de l'agriculture et l'utilisation des ressources naturelles comme l'eau, les terres et forêts, les nutriments du sol et les ressources génétiques.

La vulnérabilité des communautés agricoles aux catastrophes liées au climat doit être réduite. D'où la nécessité de systèmes d'alerte et d'assurance pour les aider à faire face au changement climatique.

Enfin, l'agriculture doit trouver des moyens pour réduire son impact sur l'environnement, notamment la réduction de ses propres émissions de gaz à effet de serre, sans compromettre pour autant la sécurité alimentaire et le développement rural.

Le rapport de la FAO fait état d'un certain nombre d'activités et de pratiques déjà en usage pour répondre à ces besoins (cliquer ici pour en savoir plus).

Un fossé financier énorme

Des investissements considérables seront requis pour combler le fossé des données et des connaissances, développer la recherche et les technologies appropriées et offrir des incitations pour assurer l'adoption de pratiques agricoles intelligentes par rapport au climat, selon le rapport de la FAO.

Des financements sont également requis pour remettre sur pied des services de vulgarisation nationaux souvent négligés mais indispensables pour procurer soutien institutionnel et formation aux agriculteurs dans leur transition vers une agriculture intelligente face au climat.

La FAO avertit toutefois que les ressources actuellement disponibles sont insuffisantes pour financer les efforts visant à aider l'agriculture et les agriculteurs à faire face au changement climatique, en particulier dans le monde en développement.

"Le changement climatique augmentera les besoins d'investissement global nécessaire pour atteindre la sécurité alimentaire, mais les ressources de financement actuellement disponibles sont nettement insuffisantes" et "le financement climatique - à la fois existant et qui est en discussion - ne tient pas compte explicitement des exigences spécifiques de l'agriculture des pays en développement", selon le rapport. Il est peu probable que les ressources publiques ou privées suffiront à elles seules; des moyens novateurs amalgamant ces ressources constitueront des défis aux mécanismes de financement.

Le rapport cite les estimations de la Banque mondiale relatives au coût annuel de l'adaptation de l'agriculture du monde en développement au changement climatique, à savoir 2,5 à 2,6 milliards de dollars par an entre 2010 et 2050, ainsi que les estimations de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) relatives aux investissements et flux financiers supplémentaires requis dans les pays en développement pour l'atténuation dans le secteur agricole, soit 14 milliards de dollars par an d'ici à 2030.

De meilleures politiques, des institutions plus fortes

Le rapport de la FAO fait également valoir qu'une plus grande cohérence est d'une urgente nécessité en matière d'élaboration de politiques relatives à l'agriculture, la sécurité alimentaire et le changement climatique.

"Les politiques dans ces trois domaines ont un impact sur les systèmes de production des petits exploitants et un manque de cohérence les empêcheraient de tirer parti des synergies", selon le rapport qui souligne la nécessité d'établir des mécanismes qui instaureraient un dialogue entre les décideurs politiques oeuvrant dans ces domaines.

Il convient d'améliorer les mécanismes de transmission des données, de la science et du savoir-faire aux agriculteurs afin que ces derniers s'adaptent aux nouvelles donnes.

Les systèmes de vulgarisation agricole ont, dans le passé, joué un rôle clé pour la dissémination de l'information et des connaissances aux agriculteurs, mais dans beaucoup de pays en développement ils ont longtemps périclité, avertit le rapport. Le système Farmer Field School, mis au point par la FAO, offre un canal supplémentaire pour promouvoir le transfert des connaissances et l'adoption de techniques agricoles intelligentes face au changement climatique.

En outre, le rapport note que des systèmes efficaces de droits d'usage et d'accès et les droits de propriété sont essentiels pour améliorer la gestion des ressources naturelles.

Et il conviendrait d'explorer de nouvelles formes d'assurance accessibles et abordables qui aideraient les agriculteurs à atténuer les effets du changement climatique.

Ce rapport est publié dans le cadre de la Conférence mondiale sur agriculture, sécurité alimentaire et changement climatique qui se tiendra à La Haye (Pays-Bas) du 31 octobre au 5 novembre 2010.

Photo: ©FAO
La vulnérabilité des communautés agricoles aux catastrophes liées au climat doit être réduite