Une nouvelle étude de la FAO recommande vivement d’éviter une «exacerbation réciproque» des liens entre les pénuries d'eau et les migrations
Au Yémen, des travailleurs construisent une unité de stockage d’eau, dans le cadre d’un projet soutenu par la FAO.
©Photo: ©FAO/Soliman Ahmed
20 mars 2018, Rome / Brasilia - L'utilisation mondiale de l'eau a été multipliée par six au cours du siècle dernier, soit deux fois le taux de croissance démographique, et la rareté de l’or bleu est désormais un défi humain imminent, exacerbé par plusieurs facteurs liés notamment au changement climatique, à la pollution et au manque de capacités et d'infrastructures.
Dans un message vidéo à l’occasion du 8ème Forum mondial de l'eau à Brasilia, M. José Graziano da Silva, Directeur général de la FAO, souligne que les deux tiers de la population mondiale souffrent de graves pénuries d’eau pendant au moins une partie de l'année.
Cela a un impact particulièrement lourd sur les personnes qui dépendent de l'agriculture et certains, en particulier les plus pauvres, ne voient pas d’autre alternative que la migration et la recherche de meilleurs moyens d’existence. «Mais la migration devrait être un choix, et non l’unique option restante», fait valoir M. Graziano da Silva.
Lors d'un panel de haut niveau, qui s’est tenu dans le cadre du Forum, la FAO a présenté une nouvelle étude sur l’interaction entre l’eau et les migrations, étude réalisée en concours avec Global Water Partnership et Oregon State University. Intitulée «Le stress hydrique et les migrations humaines», cette étude passe en revue plus d’une centaine de rapports détaillés analysant leurs résultats en termes de données démographiques, de températures de surface et d'historiques de précipitations. La FAO a également contribué à un chapitre sur les «solutions basées sur la nature pour gérer la disponibilité de l'eau».
«Les stratégies d'adaptation agricole influencent le besoin de migrer de nombreuses personnes et devraient être explicitement prises en compte en matière de changement climatique et de politiques. Analyser les tendances relatives aux pénuries d'eau et s'impliquer dans la préparation sont des atouts précieux permettant d'intervenir à temps pour atténuer les pressions entraînant des migrations forcées», selon M. Eduardo Mansur, Directeur de la Division des terres et des eaux de la FAO. «Permettre une adaptation proactive est une stratégie plus efficace et durable que d'offrir une réponse humanitaire face à la détresse à grande échelle».
Une des principales conclusions de l’étude présentée par la FAO indique que des informations supplémentaires sont nécessaires sur la dynamique du lien migration-eau pour ce qui concerne l'Inde, l'Asie centrale, le Moyen-Orient et le Sahel central. Ces zones devraient être parmi les premières à faire face à de fortes augmentations des températures de surface et à l’aggravation des pénuries d’eau au cours des 30 prochaines années. L'Asie du Sud et du Sud-Est sont également relativement peu étudiées, alors que leurs longues zones côtières et leurs deltas de basse altitude méritent des rapports approfondis. En Asie du Nord et en Amérique du Sud, les pénuries d’eau sont moins marquées et l’on dispose de peu d’éléments quant aux pressions migratoires dans ces régions.
Constats
On parle de stress hydrique dans les situations où la demande n'est pas satisfaite en raison d'une combinaison de problèmes d'accès et d'une baisse de la disponibilité et/ou de la qualité de l'eau.
Le stress hydrique a tendance à augmenter en raison des hausses de température et de la demande accrue des secteurs agricole, énergétique et industriel. Il peut résulter aussi de pluies extrêmes ou d’une vulnérabilité aux inondations, ainsi que de conditions de sécheresse récurrentes. Des infrastructures inadéquates peuvent également exacerber les lacunes quant à la quantité et à la qualité de l'eau.
Alors que certaines études démontrent une corrélation entre le stress hydrique et les phénomènes migratoires intenses, l'interaction causale n'est toujours pas clairement comprise, selon le rapport.
«Il est essentiel de veiller à ce que l'interaction entre les pénuries d'eau et les migrations ne se transforme pas en une exacerbation réciproque», fait observer M. Olcay Unver, Directeur adjoint de la Division des terres et des eaux de la FAO.
La migration est un processus universel et commun qui a de multiples interconnexions avec le problème du développement. Aussi, la FAO soutient-elle fermement les politiques qui le considèrent comme étant un choix et non une nécessité. Les faits montrent que les investissements publics dans l'adaptation de l'agriculture peuvent atténuer les facteurs négatifs de la migration des populations rurales, note le rapport.
Si les interventions opportunes peuvent atténuer les migrations involontaires, l'impact des migrants sur le stress hydrique dans les régions vers lesquelles ils émigrent mérite également une attention particulière, d'autant plus que les implantations informelles impliquent souvent une forme d'utilisation des sols entraînant une utilisation inefficace de l'eau, endommageant les cycles hydrologiques locaux ou perturbant les systèmes traditionnels qui encouragent la conservation de l'eau.
A l’opposé, les migrants peuvent contribuer positivement à la gestion de l'eau et au développement, aussi bien dans les communautés d'origine que dans celles d'accueil, grâce à des facteurs tels que les bonnes pratiques, le transfert de compétences et de connaissances et l'utilisation des envois de fonds.
Le concept de migrants environnementaux fait l’objet de plus en plus d'attention et nécessite davantage de données pour mieux appréhender ce phénomène et anticiper les tendances opportunément. Tel est le principal message que la FAO et l'Organisation internationale des migrations soulignent en tant que co-présidents, depuis le 1er janvier 2018, du Groupe mondial des migrations en vue de l'élaboration d'un Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières.Christopher Emsden FAO Actualités et Médias (Rome) (+39) 06 570 53291 [email protected]