Un nouveau rapport de la FAO et de la BERD propose des voies à suivre pour décarboniser les systèmes agroalimentaires
La EBRD et la FAO estiment qu'une nouvelle vague verte - via l'investissement, la recherche, l'engagement, l'action - pourrait transformer radicalement les systèmes agroalimentaires et les faire progresser vers un avenir à faible émission de carbone.
©FAO/Sonia Malpeso
Rome/Londres – Dans un nouveau rapport, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) abordent en détail la décarbonisation des systèmes agroalimentaires, processus nécessaire et réalisable.
Le rapport, intitulé Investing in carbon neutrality: utopia or the new green wave? Challenges and opportunities for agrifood systems (Investir dans la neutralité carbone: utopie ou nouvelle vague verte? Défis et possibilités dans les systèmes agroalimentaires) se fonde sur les contributions d’un large éventail de parties prenantes et énonce les cinq domaines d’action qui permettront de faire progresser la décarbonisation.
Le dernier rapport en date de l’ONU sur le changement climatique nous rappelle qu’il n’y a pas de temps à perdre si nous voulons réduire nos émissions, limiter le réchauffement planétaire et gérer la crise climatique avant qu’il ne soit trop tard. Les systèmes agroalimentaires du monde entier doivent faire le nécessaire à leur niveau.
En fonction des estimations, les émissions des systèmes agroalimentaires représentent 21 à 37 pour cent des émissions totales de gaz à effet de serre (GES) dues à l’activité humaine. En parallèle, le changement climatique porte préjudice de différentes façons aux acteurs de ces systèmes, des petits exploitants aux grands fabricants de produits alimentaires. La hausse des températures, le changement du régime des pluies et les perturbations dans les chaînes d’approvisionnement ont déjà des effets sur la production alimentaire, ce qui compromet les efforts mondiaux menés pour éradiquer la faim. En conséquence, le nombre de personnes qui souffrent de la faim pourrait atteindre un milliard d’ici à 2050.
Ces vulnérabilités ne nous rappellent que trop clairement que nous devons transformer les systèmes agroalimentaires, comme le fait remarquer le Directeur du Centre d’investissement de la FAO, M. Mohamed Manssouri. «Nous devons redoubler d’efforts et mobiliser plus d’investissements, de connaissances et d’innovations afin de rendre nos systèmes agroalimentaires plus verts, plus résilients, plus productifs et plus efficaces s’agissant d’offrir une alimentation saine et nutritive et de bons emplois et de protéger la biodiversité», a-t-il dit.
«L’agriculture est à la fois une cause et une victime du changement climatique et doit faire partie de la solution à la crise climatique», a-t-il ajouté, en soulignant que les systèmes alimentaires et les systèmes d’exploitation des terres pouvaient contribuer à réduire les émissions et faire office de puits à carbone. Rien que le potentiel économique d’atténuation des activités agricoles est énorme: d’après les estimations figurant dans le cinquième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), il pourrait atteindre environ 4 Gt d’équivalent dioxyde de carbone par an d’ici à 2030, ce qui équivaut à quelque 7 pour cent du total des émissions anthropiques actuelles. Cela pourrait représenter des avantages économiques se chiffrant à des centaines de milliards de dollars.
Comme l’a dit M. Gianpiero Nacci, Directeur de la stratégie et de l’action climatiques à la BERD: «La décarbonisation du secteur agroalimentaire est une possibilité, et pas seulement une utopie ou un exercice consistant à cocher des cases. Il existe des solutions à faible émission de carbone, comme nous le montrons dans le rapport, mais elles exigent un engagement fort de la part des pouvoirs publics et des entreprises, une action concertée, y compris des politiques solides et une bonne gouvernance, ainsi que des investissements et des ressources humaines si nous voulons obtenir des résultats.»
Que pouvons-nous faire?
D’après le rapport, le secteur privé a beaucoup à gagner de la décarbonisation des systèmes agroalimentaires: réduction des coûts, atténuation des risques, protection de la valeur des marques, viabilité à long terme de la chaîne d’approvisionnement, avantages concurrentiels, etc.
Il est également mentionné dans le rapport que certaines entreprises se sont fixé des objectifs ambitieux de réduction des émissions. Toutefois, les efforts déployés sont hétérogènes. Tout d’abord, la neutralité carbone reste facultative. En outre, le processus peut être considérablement plus cher pour une petite entreprise que pour une grande société. Les coûts peuvent même varier selon le secteur.
Les consommateurs ne sont souvent pas disposés à payer plus cher pour des produits neutres en carbone, ce qui, associé au prix implicite faible des émissions, signifie que certaines stratégies de réduction des émissions de carbone ne sont pas avantageuses pour les acteurs des systèmes agroalimentaires. De plus, au vu des prix actuels du carbone, les coûts de compensation peuvent être bien inférieurs aux coûts de réduction dans les secteurs à forte intensité d’émission.
Dans le rapport, la FAO et la BERD définissent cinq domaines d’action qui montrent ce que les différentes parties prenantes – décideurs, entreprises agroalimentaires, exploitants et organisations internationales – peuvent faire pour accélérer la transition vers des systèmes agroalimentaires plus verts: a) viser la neutralité carbone de façon stratégique; ii) améliorer et normaliser les outils et les méthodes; iii) promouvoir des mécanismes de gouvernance solides; iv) aider directement les entreprises et les agriculteurs à procéder à la décarbonisation; v) faire comprendre la neutralité carbone et communiquer à ce sujet.
Les pouvoirs publics peuvent donner le ton en adoptant des politiques, des stratégies et des feuilles de route et en prenant des engagements forts dans le cadre de leurs contributions déterminées au niveau national. Ils peuvent réglementer les émissions de carbone ou mettre en place des mesures d’incitation en faveur des technologies à faible émission de carbone, ainsi qu’encourager le développement de marchés du carbone transparents et efficaces. Il peut être très difficile pour les entreprises privées de mesurer la neutralité carbone. Les pouvoirs publics peuvent les aider en définissant des normes de comptabilisation du carbone reconnues au niveau international et en simplifiant et en harmonisant celles qui existent déjà.
On peut lire dans le rapport qu’il est indispensable d’améliorer et de normaliser davantage les outils et les méthodes servant à recueillir des données ainsi qu’à quantifier les émissions et à communiquer et à vérifier ces chiffres. Il est également essentiel de pouvoir compter sur des mécanismes de gouvernance solides qui encouragent les investissements à faible intensité de carbone et le respect des dispositions dans le secteur privé. En particulier, de meilleurs règlements et de meilleures solutions institutionnelles peuvent favoriser le développement des marchés du carbone, ainsi que créer des possibilités de financement vert.
Le financement à des conditions favorables et les mesures d’incitation, ainsi que le développement des marchés du carbone et des instruments de financement vert, peuvent aider les entreprises et les agriculteurs à décarboniser leurs activités. Il importe également de renforcer les capacités et de partager les connaissances à tous les niveaux, des agriculteurs et entreprises aux prestataires de services et consommateurs. La communication d’informations simples, plus transparentes et fiables sur l’empreinte écologique d’un produit peut faire évoluer les habitudes d’achat des consommateurs.
Faire pencher la balance
En 2020, la BERD a adopté une stratégie ambitieuse de transition vers une économie verte. En 2021, elle avait financé plus de 2 000 projets devant réduire de 100 millions de tonnes les émissions annuelles de carbone. La FAO s’attache à aider les pays à atteindre leurs objectifs de développement durable et, à cette fin, leur prête un appui pour qu’ils puissent développer des filières à faible intensité de carbone.
Les possibilités d’investissement évoluent: les banques s’alignent sur les objectifs d’absence d’émissions nettes et les gestionnaires d’actifs cherchent de plus en plus à décarboniser leurs portefeuilles tout en gérant les risques climatiques. Cette évolution peut avoir des répercussions d’une ampleur considérable, sur les grandes entreprises multinationales comme sur les petits exploitants.
Dans ce contexte, la BERD et la FAO sont d’avis qu’une nouvelle vague verte – créée par l’investissement, la recherche, l’engagement et l’action – peut radicalement transformer nos systèmes agroalimentaires et faire pencher la balance en faveur d’un avenir sobre en carbone.
FAO Newsroom (+39) 06 570 53625 [email protected]