Le Directeur général, M. Qu Dongyu, met en garde contre les deux fardeaux qui pèsent simultanément sur les systèmes agroalimentaires à l’échelle mondiale: la paupérisation des agriculteurs et l’absence de disponibilités alimentaires
Avant même le déclenchement du conflit en Ukraine, les prix internationaux des denrées alimentaires n’avaient jamais été aussi élevés
©FAO/C. Marinheiro
Rome/Nusa Dua (Indonésie) – Devant les ministres des finances et les gouverneurs des banques centrales du G20, le Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), M. Qu Dongyu, a insisté sur la crise grandissante de la sécurité alimentaire et de la nutrition à laquelle le monde est confronté. Citant les données de la dernière édition de L’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde, publiée par la FAO et ses partenaires, il a rappelé que, ’en 2021, jusqu’à 828 millions de personnes ont souffert de faim chronique. Ce chiffre représente une augmentation de 46 millions par rapport à 2020, et de 150 millions par rapport à 2019, année ayant précédé la pandémie de covid-19. Quelque 2,3 milliards de personnes dans le monde étaient en situation d’insécurité alimentaire modérée ou grave en 2021, soit 350 millions de plus qu’en 2019.
Ces chiffres, qui dressent un sombre tableau, transcrivent un état de fait antérieur au déclenchement de la guerre en Ukraine, laquelle est venue aggraver la situation, en particulier pour les pauvres et les plus vulnérables, a tenu à préciser M. Qu. La Fédération de Russie et l’Ukraine sont des acteurs importants des marchés mondiaux des denrées alimentaires et des engrais, et les répercussions de la guerre sont multiples sur le commerce, les prix et les moyens de subsistance.
Ces facteurs «continueront d’influer sur la sécurité alimentaire et la nutrition de nombreux pays dans les mois et les années à venir», a-t-il averti.
Avant même le déclenchement du conflit, les prix internationaux des denrées alimentaires n’avaient jamais été aussi élevés, principalement en raison de perturbations des chaînes d’approvisionnement, mais aussi de la flambée des prix de l’énergie et des intrants agricoles.
Le dernier relevé de l’Indice FAO des prix des produits alimentaires, publié le 8 juillet, montre une légère baisse pour le troisième mois consécutif, la moyenne de l’Indice pour juin 2022 s’établissant à 154,2 points, après avoir atteint son niveau le plus élevé en mars 2022 avec 160 points. Les facteurs responsables de la flambée des prix sont: la forte demande mondiale, qui s’explique par la reprise des activités; des conditions météorologiques défavorables dans certains pays producteurs; des coûts de production et de transport élevés; et des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement imputables à la covid-19, aggravées aujourd’hui par la guerre en cours.
Les répercussions de la guerre sur le marché des engrais
M. Qu a rappelé que la guerre perturbe aussi le marché des engrais, car la Fédération de Russie figure également parmi les grands exportateurs d’engrais. Quelque 15 importateurs nets d’engrais en Amérique latine, en Europe et en Asie réalisent plus de 30 pour cent de leurs importations d’engrais auprès d’exportateurs russes. Parmi eux figurent le Brésil, l’Inde et l’Union européenne, pays qui sont de grands producteurs agricoles et des acteurs clés sur les marchés mondiaux.
Alors que les prix des produits alimentaires sont élevés sur le marché de détail, la flambée des prix des intrants agricoles, notamment des aliments pour animaux, des engrais, des pesticides et des carburants, a entraîné une diminution des revenus des agriculteurs et, partant, une baisse de la production.
«Cela pourrait constituer un double fardeau pesant sur les systèmes agroalimentaires à l’échelle mondiale: la paupérisation des agriculteurs et, simultanément, l’absence de disponibilités alimentaires», a mis en garde le Directeur général de la FAO.
La FAO propose une initiative relative aux importations alimentaires
Face à cette éventualité, M. Qu a exhorté les ministres des finances et les gouverneurs des banques centrales du G20 à prêter leur appui à la création, à l’initiative de la FAO, d’un fonds destiné à aider les 62 pays les plus vulnérables à régler leurs factures d’importations de denrées alimentaires en cette période de crise mondiale de la sécurité alimentaire .
Le Mécanisme de financement des importations alimentaires (FIFF), proposé par la FAO en début d’année, «aidera ces pays à financer leurs achats alimentaires dans le but de réduire au minimum tout risque d’instabilité sociale. Avec votre appui, le FIFF pourrait être mis en place par les grands organismes multilatéraux de financement dans le cadre de leur mécanisme financier appliqué aux balances des paiements», a déclaré M. Qu dans une allocution prononcée lors de la réunion qu’organisait l’Indonésie.
La facture des importations alimentaires de ces 62 pays, qui sont importateurs nets de produits alimentaires et appartiennent aux catégories des pays à revenu faible et revenu intermédiaire de la tranche inférieure, a atteint 24,6 milliards d’USD. Selon les estimations de la FAO, cela concerne 1,79 milliard de personnes.
Le FIFF a aussi pour vocation d’augmenter la production et la productivité agricoles mondiales de manière durable. Les interventions du FIFF, mécanisme se voulant complémentaire de ceux qui existent déjà au sein du système des Nations Unies, seraient strictement fonction des besoins urgents et se limiteraient aux pays à revenu faible et à revenu intermédiaire de la tranche inférieure qui sont importateurs nets de produits alimentaires. En outre, le FIFF est conçu pour accroître la résilience future en demandant aux pays éligibles de s’engager à investir davantage dans des systèmes agroalimentaires durables.
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