Il est aussi urgent d’investir massivement en faveur de la résilience et des moyens d’existence ruraux pour briser le cycle de la faim.
Une mère et ses enfants devant leur abri de fortune dans le camp de déplacés de Raama Cadeey à Baidoa, en Somalie.
©UN Photo/Fardosa Hussein
Rome – Alors que la famine se profile à grands pas en Somalie, il est encore temps d’inverser la tendance en mettant en place des mesures pour répondre aux besoins immédiats des communautés rurales, qui comptent parmi les plus menacées. C’est ce qu’a affirmé aujourd’hui l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) à la suite de la publication récente des résultats d’une enquête sur la sécurité alimentaire. Cependant, si elles ne s’accompagnent pas d’investissements massifs en faveur de la résilience et des moyens d’existence, de telles mesures ne sauraient briser le cycle perpétuel de la faim extrême.
Depuis quelques mois, la Somalie est au bord de la famine en raison non seulement de la sécheresse sans précédent, provoquée par cinq mauvaises saisons des pluies consécutives, mais aussi de la montée en flèche des prix des denrées alimentaires et de l’aggravation du conflit qui sévit dans le pays.
L’analyse de l’insécurité alimentaire aiguë du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC) pointe tout particulièrement les niveaux élevés de mortalité dans certaines des zones les plus exposées. Selon les dernières projections actualisées, entre janvier et mars 2023, 1,9 million de personnes devraient se trouver en phase 4 (urgence) de l’IPC, un chiffre qui devrait être porté à 2,7 millions entre avril et juin. D’ici à juin 2023, jusqu’à 727 000 personnes pourraient être confrontées à une situation d’insécurité alimentaire catastrophique, synonyme de famine et de mort.
«La situation en Somalie reste désastreuse. Les niveaux actuels de l’aide humanitaire permettent d’éviter le pire, mais ils ne suffisent pas à enrayer la menace de la famine au-delà de quelques mois à la fois», a déclaré M. Etienne Peterschmitt, Représentant de la FAO en Somalie. «Des personnes perdent la vie en phase 4 de l’IPC. Pourtant, les déclarations de famine demeurent encore et toujours le principal facteur déclencheur d’action. De véritables mesures doivent être prises, non seulement pour aider les communautés à subvenir à leurs besoins immédiats, mais aussi pour leur permettre d’adapter leurs moyens d’existence et de renforcer leur résilience face aux crises climatiques et aux chocs économiques, ce qui les préparera à tout ce que l’avenir pourra leur réserver.»
«Il faudra assurer sans relâche un soutien à grande échelle jusqu’au milieu, voire jusqu’à la fin de l’année 2023, si nous voulons prévenir – et non pas seulement retarder – la famine», a-t-il ajouté.
Les communautés rurales sont les plus à risque
La sécheresse prolongée, d’une ampleur inédite, a laissé les communautés pastorales, agropastorales et agricoles dans l’incapacité de faire face à la situation. Ces communautés, ainsi que les populations déplacées, qui sont en grande majorité issues des zones rurales, figurent parmi les plus exposées au risque de famine. Leur survie dépend à la fois de la survie de leurs troupeaux et de leur capacité à cultiver la terre, deux conditions qui ont été gravement compromises par cette sécheresse qui n’en finit plus. L’alimentation de leurs enfants est inextricablement liée à la santé et à la productivité de leurs bêtes. Incapables de produire du lait, les animaux connaissent un taux de mortalité terriblement élevé depuis un an.
Il est vital de sauver les animaux d’élevage et de veiller à ce qu’ils soient nourris et en bonne santé, car ils constituent la seule source de nourriture et de revenus pour de nombreuses communautés rurales. Selon les résultats préliminaires d’une étude à paraître, menée dans la Corne de l’Afrique, le fait de continuer à nourrir le bétail a permis, au sein des communautés pastorales, de réduire le risque de malnutrition aiguë et le risque de retard de croissance chez les enfants dans des proportions allant respectivement jusqu’à 11 et 8 pour cent. Cette forme d’aide est relativement peu coûteuse: elle revient en moyenne à environ 0,40 USD par chèvre, contre 40 USD pour le remplacement d’une chèvre.
La FAO continuera de fournir des cubes alimentaires et des vaccins destinés aux animaux et de restaurer les points d’eau, de même qu’elle apportera une aide en espèces pour que les populations puissent satisfaire leurs besoins essentiels.
Un manque criant de financement pour l’aide aux moyens d’existence
Le soutien aux moyens d’existence ruraux sauve des vies et permet aux habitants de rester chez eux tant qu’il n’y a aucun danger, ce qui ouvre la voie à un futur relèvement. À l’heure actuelle, l’absence d’un financement à grande échelle destiné au soutien à la subsistance, à une production alimentaire résiliente face au changement climatique et à la réalisation des priorités de développement pose de sérieux problèmes. Ainsi, les moyens d’existence et les secteurs de production dont ils dépendent se trouvent affaiblis et finissent par être vulnérables aux chocs climatiques et économiques.
L’action de la FAO face à la crise
De mai à décembre 2022, dans le cadre de son plan de prévention renforcée de la famine, la FAO a apporté des aides en espèces à plus de 700 000 personnes dans 35 districts, a fourni des intrants agricoles (semences, aliments pour animaux et engrais) à plus de 40 000 personnes, a administré des traitements vitaux à 11 millions d’animaux et a acheminé 27 millions de litres d’eau par camion dans des zones reculées.
Plus de 24 millions d’USD en espèces, ainsi qu’une aide aux moyens d’existence, ont été fournis aux communautés rurales les plus exposées à la famine.
En outre, la FAO prévoit de venir en aide à plus d’un million de personnes supplémentaires au cours des prochains mois.
Si l’appel de la FAO devrait être financé à hauteur de 70 pour cent dans le courant de l’année, des ressources supplémentaires restent à trouver de toute urgence pour fournir une aide vitale, sous forme de transferts en espèces, dans les zones rurales difficiles à atteindre, voire inaccessibles, ainsi que pour assurer la récolte de la principale saison, le Gu, et faire en sorte que celles et ceux qui sont en mesure de cultiver leurs champs reçoivent les intrants à temps.
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