D’après un rapport des Nations Unies, 131 millions de personnes en Amérique latine et aux Caraïbes ne peuvent pas se nourrir sainement

C’est dans cette région que bien se nourrir coûte le plus cher comparé au reste du monde

©FAO/Miguel Schincariol

Le rapport établit des liens clairs entre l’incapacité à se nourrir sainement et des variables telles que le niveau de revenu d’un pays, le taux de pauvreté et le niveau des inégalités.

©FAO/Miguel Schincariol

18/01/2023

Santiago (Chili) – Un nouveau rapport des Nations Unies nous apprend que 22,5 pour cent de la population d’Amérique latine et des Caraïbes n’a pas les moyens de se nourrir sainement. Ce chiffre grimpe à 52 pour cent aux Caraïbes et à 27,8 pour cent en Méso-Amérique, tandis qu’il se chiffre à 18,4 pour cent en Amérique du Sud.

Dans l’Aperçu régional de la sécurité alimentaire et de la nutrition en Amérique latine et aux Caraïbes, publié aujourd’hui en anglais et en espagnol, les auteurs indiquent que 131,3 millions d’habitants dans la région ne pouvaient pas se permettre une alimentation saine en 2020. Il s’agit là d’une augmentation de 8 millions par rapport à 2019, qui s’explique par le fait que le coût moyen journalier d’une alimentation saine est plus élevé en Amérique latine et aux Caraïbes que dans le reste du monde: il s’établit en effet à 3,89 USD par personne et par jour dans la région contre 3,54 USD à l’échelle mondiale. Ce chiffre est de 4,23 USD aux Caraïbes, de 3,61 USD en Amérique du Sud et de 3,47 USD en Méso-Amérique. 

Ce problème est associé à différents indicateurs socioéconomiques et nutritionnels. Le rapport établit des liens clairs entre l’incapacité à se nourrir sainement et des variables telles que le niveau de revenu d’un pays, le taux de pauvreté et le niveau des inégalités. 

Le rapport montre aussi que l’augmentation des prix alimentaires mondiaux depuis 2020, aggravée depuis le début du conflit en Ukraine, ainsi qu’une inflation alimentaire régionale supérieure à la moyenne mondiale ont rendu l’accès à une alimentation saine encore plus difficile dans la région. 

Le rapport comprend également des recommandations basées sur des données factuelles et une analyse des politiques qui sont déjà menées pour améliorer la disponibilité et l’abordabilité des aliments nutritifs, principalement au bénéfice des personnes les plus vulnérables et des ménages à faibles revenus qui consacrent une plus grande part de leur budget à l’alimentation.

Il s’agit d’une publication conjointe de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), du Fonds international de développement agricole (FIDA), de l’Organisation panaméricaine de la Santé/Organisation mondiale de la Santé (OPS/OMS), du Programme alimentaire mondial (PAM) et du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF).

«Aucune politique ne peut à elle seule apporter la solution à ce problème. Les mécanismes de coordination nationaux et régionaux doivent être renforcés pour lutter contre la faim et la malnutrition», a déclaré Mario Lubetkin, Sous-Directeur général de la FAO et Représentant régional pour l’Amérique latine et les Caraïbes.

«Pour contribuer à l’abordabilité d’une alimentation saine, il est nécessaire de créer des incitations à la diversification de la production d’aliments nutritifs en visant principalement l’agriculture familiale et les petits producteurs, de prendre des mesures en faveur de la transparence des prix de ces aliments sur les marchés et dans les échanges, ainsi que de mettre en place des initiatives qui soient par exemple axées sur les transferts monétaires et l’amélioration des repas scolaires», a-t-il ajouté.

Les politiques visant les échanges et le marché peuvent jouer un rôle clé dans l’amélioration de la sécurité alimentaire et de la nutrition. En effet, une transparence et une efficacité accrues réduisent l’incertitude et améliorent la prévisibilité et la stabilité du commerce agroalimentaire interrégional.

«Nous parlons de la région du monde où se nourrir sainement coûte le plus cher, ce qui pèse avant tout sur les populations vulnérables – petits exploitants agricoles, femmes rurales et populations autochtones et d’ascendance africaine – qui consacrent un pourcentage plus élevé de leurs revenus aux achats alimentaires», a déclaré Rossana Polastri, Directrice régionale du FIDA. «Pour renverser cette situation, nous devons promouvoir des solutions innovantes qui permettent de diversifier la production et d’augmenter l’offre d’aliments sains tout en améliorant l’accès des petits producteurs aux marchés et aux aliments de qualité, notamment des solutions numériques qui font le lien entre l’offre et la demande.»

Le rapport revient également sur la réussite de certains programmes de protection sociale prenant en compte la question de la nutrition, et sur le rôle essentiel de ces programmes pour l’alimentation des populations les plus vulnérables, en particulier en période de crise.

«L’insécurité alimentaire va continuer à augmenter en raison de la crise des prix des denrées alimentaires et de l’énergie provoquée par le conflit en Ukraine et les répercussions de la covid-19», a déclaré Lola Castro, Directrice régionale du PAM. «Nous devons agir maintenant, mais comment? En aidant les États à élargir la protection sociale, car la pandémie a démontré une nouvelle fois que la protection sociale était utile pour améliorer l’abordabilité d’une alimentation saine et éviter que des crises comme celle-ci ne frappent encore plus durement les populations.»

D’autres politiques alimentaires – telles que l’étiquetage nutritionnel, l’octroi de subventions en faveur des aliments nutritifs et la taxation des aliments mauvais pour la santé ou non nutritifs, qui ne contribuent pas à une alimentation saine –, si elles sont bien conçues, peuvent améliorer l’abordabilité des aliments sains et prévenir l’apparition de maladies handicapantes liées au surpoids et à l’obésité.

«Nous devons redoubler d’efforts pour lutter contre la malnutrition sous toutes ses formes en promouvant des politiques publiques visant à créer des environnements alimentaires sains, à éliminer les acides gras trans industriels, à mettre en place des avertissement sur le devant des emballages, à réglementer la publicité des aliments mauvais pour la santé, à taxer les boissons sucrées et à soutenir l’alimentation saine et l’activité physique dans les écoles», a déclaré Carissa F. Etienne, Directrice de l’OPS. «Comprendre les facteurs à l’origine des mauvaises habitudes alimentaires est essentiel pour trouver des solutions et faire en sorte que tout le monde dans la région puisse accéder à une alimentation saine», a-t-elle déclaré.

Par exemple, dans les pays où les niveaux de pauvreté et d’inégalité sont plus élevés, la population a tendance à avoir plus de difficultés à se nourrir sainement. Cette situation est directement associée à une prévalence plus élevée de la faim, de la malnutrition chronique chez les enfants et de l’anémie chez les femmes âgées de 15 à 49 ans.

«Pour que les enfants grandissent en bonne santé, il est urgent d’assurer la disponibilité d’aliments nutritifs à des prix abordables, mais ça ne suffit pas. Il est également nécessaire d’élaborer des politiques publiques qui garantissent une nutrition adéquate, en plus de conseils nutritionnels, en se concentrant sur les populations les plus vulnérables», a déclaré Garry Conille, Directeur régional de l’UNICEF pour l’Amérique latine et les Caraïbes.

La situation socioéconomique en Amérique latine et aux Caraïbes n’est pas encourageante. Les groupes de population les plus touchés sont les enfants de moins de 5 ans et les femmes, qui souffrent d’une prévalence plus élevée de l’insécurité alimentaire que les hommes.

Le nombre de personnes souffrant de la faim dans la région continue d’augmenter 

Entre 2019 et 2021, le nombre de personnes touchées par la faim dans la région a augmenté de 13,2 millions, pour atteindre 56,5 millions de personnes. La plus forte augmentation a été enregistrée en Amérique du Sud, avec 11 millions de personnes supplémentaires. Durant la même période, la faim a atteint une prévalence de 7,9 pour cent en Amérique du Sud, 8,4 pour cent en Méso-Amérique et 16,4 pour cent aux Caraïbes.

En 2021, 40,6 pour cent de la population de la région était en situation d’insécurité alimentaire modérée ou grave, contre 29,3 pour cent de la population mondiale. L’insécurité alimentaire grave était également plus répandue dans la région (14,2 pour cent) que dans le monde (11,7 pour cent).

D’autres chiffres présentés dans le rapport indiquent que la situation s’est nettement améliorée dans la région en ce qui concerne la prévalence de la malnutrition chronique chez les enfants de moins de 5 ans. En 2020, celle-ci était de 11,3 pour cent en Amérique latine et aux Caraïbes, soit environ 10 points de pourcentage en-dessous de la moyenne mondiale. Cependant, 3,9 millions d’enfants de 5 ans et moins sont en surpoids.

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