Le système d'alerte rapide et intervention précoce mis en place début 2017 a permis d’anticiper un épisode de sécheresse dans l’Etat du Kassala, au Soudan. La FAO a distribué en amont des traitements de santé animale et des aliments pour animaux afin d’atténuer les conséquences de la sécheresse. ©FAO/ Ahmedalidreesy Abdil
En août 2017, des signes inquiétants ont été détectés dans l’Etat du Kassala, au Soudan. Les communautés étaient confrontées à une situation difficile : la vague de sécheresse s’était étendue bien au-delà des épisodes habituels et un grand nombre de bêtes désertaient les pâturages traditionnels de leurs propriétaires, cherchant désespérément de l’eau et de l’herbe. Un autre signal d’alarme avait ensuite été relevé quand le prix du sorgho s’est mis à grimper au-dessus de la moyenne.
Depuis longtemps, il est bien connu que la Soudan est l’un des pays les plus arides d’Afrique. Mais ces dernières années, les précipitations y sont devenues encore plus irrégulières. Les événements extrêmes, comme les épisodes de sécheresse, sont de plus en plus fréquents. 70% de la population rurale du Soudan dépend de l'agriculture pluviale et de l'élevage et, pour elle, les conditions imprévisibles et intenses, comme celles rencontrées dans l’Etat du Kassala, mettent à rude épreuve ses capacités de survie. Les effets cumulatifs de cette "nouvelle normalité" font des ravages. Un épisode de sécheresse peut se succéder à un autre, amenuisant à chaque fois des ressources durement gagnées mais limitées.
C'est pourquoi la FAO fait évoluer les mentalités des communautés soudanaises, pour les faire passer du stade de la réaction à celui de la prévention et de l’atténuation. Lorsque ces signes inquiétants sont apparus dans l’Etat du Kassala, le système d’Alerte rapide et d’intervention précoce de la FAO - mis en place début 2017 - est entré en jeu. Cet outil utilise une multitude d'informations pour anticiper les risques et permettre des interventions avant qu'une crise ne devienne une catastrophe humanitaire. Au Soudan, le système a été conçu et mis en œuvre en partenariat avec les autorités locales et nationales. Il a été utilisé pour surveiller le risque de sécheresse dans les États du Kassala, de la mer Rouge et du Darfour Nord.
La première intervention précoce a eu lieu en octobre. Cette évaluation rapide a permis à la FAO de comprendre comment les populations allaient être affectées par l’épisode de sécheresse et quelles étaient les interventions qui allaient être les plus utiles pour les agriculteurs. L'évaluation a confirmé que les pâturages étaient de plus en plus limités, que les réserves d'eau étaient de plus en plus faibles et que la récolte de sorgho était inférieure à la moyenne. Les agriculteurs qui possédaient entre 3 et 12 petits animaux constituaient alors la population la plus à risque.
A droite : La distribution précoce d'aliments pour animaux a permis aux éleveurs de maintenir leur bétail en vie et en bonne santé pendant le pic de la sécheresse. A gauche : Les familles qui ont bénéficié de l'intervention avaient en moyenne près d'un litre de lait supplémentaire (essentiel pour la nutrition) par jour. Photos: ©FAO/Ahmedalidreesy Abdil
Après les résultats de l'évaluation, la FAO s'est concentrée sur l'aide aux agriculteurs pour protéger leur bétail reproducteur avant la sécheresse. Dans les localités de Hameshkoreb, Tulkouk et Aroma, la FAO a distribué 600 tonnes d'aliments concentrés pour animaux, 30 tonnes de compléments minéraux et a fourni des soins de santé à 30 000 animaux, ce qui correspond à 5 000 familles d’agriculteurs.
Avec d'autres agriculteurs, Tohaj Musa s’estime chanceuse d'avoir reçu les aliments et les vaccins à temps. "J'avais songé à acheter du pain pour partager avec mes animaux afin de les garder en vie ", raconte Tohaj, originaire de Tulkok. Perdre son bétail était impensable : elle compte sur ses bêtes pour subvenir aux besoins de sa famille de dix personnes. Grâce au projet de la FAO, le troupeau de Tohaj Musa s'est même développé parce qu'il était assez sain pour se reproduire, et ce, malgré l’épisode de sécheresse. "Je n'ai plus besoin d'acheter du lait et de me rendre au marché", dit-elle.
"La vie serait si dure si nos bêtes mouraient. Nous n'aurions ni nourriture ni lait pour les enfants", témoigne Khalda Mohammed Ibrahim, un agriculteur de la localité d'Aroma. "Quand il fait sec, je crains que les animaux ne meurent de faim et nous aussi."
Dans ces régions rurales, le lait est essentiel. Les animaux bien nourris produisent un lait riche en protéines, en acides gras et en micronutriments de haute qualité. Seulement un demi-litre par jour peut donner à un enfant de 5 ans, comme la jeune fille de Khalda, 25% des calories et 65% des protéines dont il a besoin quotidiennement pour une croissance et un développement sain.
Lors des précédents épisodes de sécheresse, Khalda se rendait au marché de Kassala pour acheter du fourrage et vendre du charbon de bois. Mais le voyage est long et les marchandises sont chères. Heureusement, le projet d'intervention précoce de la FAO a permis à Khalda de maintenir ses animaux en vie et en bonne santé.
"Grâce à cette aide, notre bétail était en bonne santé et heureux. Nos bêtes ont produit plus de lait", témoigne Khalda. "Nous pouvions nourrir les enfants et nous-mêmes, et parfois même nous donnions du lait à nos voisins."
Grâce au projet d'intervention précoce de la FAO, 5 000 familles ont reçu une aide pour atténuer l'impact de la sécheresse. ©FAO/ Ahmedalidreesy Abdil
Une intervention précoce signifie que pour chaque dollar dépensé par la FAO, les agriculteurs ont économisé 6,7 dollars par ménage en réduisant les pertes et en augmentant les bénéfices. Les communautés peuvent utiliser cet argent pour acheter des médicaments, de la nourriture et des aliments pour animaux. Moins d'animaux sont morts, moins de bêtes sont tombées malades ou devenues maigres ; et le lait a continué à couler.
Agir tôt avant qu'une catastrophe ne survienne n'est pas seulement possible, c'est aussi une responsabilité. Les communautés devraient pouvoir mettre toutes les chances de leur côté pour se protéger et protéger leurs moyens d'existence avant les chocs afin de pouvoir mieux résister à ceux à venir. Il est maintenant temps de changer notre façon de gérer les catastrophes pour nous rapprocher de l’objectif #FaimZéro.
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