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Le copayer: un arbre médicinal «miraculeux» en Bolivie


Les huiles médicinales, l’un des nombreux trésors des forêts, présentent un intérêt non seulement médical mais aussi financier pour les populations, tant en Bolivie que dans le reste du monde

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L’oléorésine tirée du copayer, un arbre «miraculeux», est fréquemment utilisée en Bolivie et en Amazonie pour soigner les inflammations et les blessures. © Mauroguanandi/Wikimedia Commons Public Domain

20/03/2023

En Bolivie, une file de femmes avance dans la forêt pour aller exploiter un copayer (Copaifera langsdorffii), arbre «miraculeux» qui est source de revenus, de bien-être et d’émancipation pour leur communauté et elles-mêmes. Ces femmes autochtones appartiennent à une association d’entrepreneuses, plus connue sous le nom de «Pionnières». Elles récoltent l’oléorésine de l’arbre, qui s’écoule d’un trou percé soigneusement dans le tronc. Elles transforment ensuite le liquide en des produits cosmétiques ou médicinaux et supervisent toutes les étapes de la chaîne de production.

Le copayer est vu comme un arbre miraculeux car il est l’un des arbres médicinaux les plus utilisés dans la région de la Chiquitania, en Bolivie, et en Amazonie en général. Il permet de soigner les inflammations et les blessures. Il est considéré comme l’un des remèdes naturels les plus importants dans une région rurale où la population vit loin des pharmacies et des hôpitaux et a peu accès aux services de santé.

Les Pionnières marchent sur les traces de leurs ancêtres. Le copayer est un élément incontournable de la médecine naturelle depuis des siècles. En Bolivie, les guérisseurs utilisaient l’huile obtenue par distillation de l’oléorésine pour soigner les rhumes et les rhumatismes, en soulageant la douleur par des massages. Aujourd’hui, on soigne toujours les bronchites, les angines et la toux par la prise de deux gouttes d’huile mélangées à une cuillère à soupe de miel pendant plusieurs jours. Au Brésil, l’huile est appliquée sur des tumeurs et des boutons d’urticaire. Une boisson préparée à partir de graines de copayer est également utilisée comme purgatif et pour soigner l’asthme. 

La médecine moderne utilise l’huile de l’arbre pour faciliter la guérison de blessures et d’ulcères, ainsi que pour soigner des maladies de peau graves ou chroniques, telles que le psoriasis et d’autres dermatoses. Un des principes actifs de l’huile est le BCP (bêta-caryophyllène), une puissante substance dotée de propriétés anti-inflammatoires, antimicrobiennes, antibactériennes et antioxydantes.

Les Pionnières, des entrepreneuses autochtones, supervisent toutes les étapes de la chaîne de production, de la récolte à la commercialisation. © Las Pioneras

Il n’a pas été facile pour les Pionnières de pouvoir recueillir et exploiter ce cadeau de la nature. Elles ont dû négocier avec leur propre communauté, qui fait partie des peuples autochtones du Río Blanco. Mais, comme l’explique Ignacia Supepi, l’une des fondatrices des Pionnières, toutes étaient déterminées. 

«En tant que femmes, nous avons dû batailler pour pouvoir tirer parti du copayer. Pendant deux ans, nous avons dû acheter l’huile à notre propre communauté. Nous avons soumis une demande d’autorisation d’exploitation au conseil, qui a été rejetée trois fois. Notre demande a été acceptée la quatrième fois car nous avons montré que nous voulions aller de l’avant et apporter quelque chose à la communauté.»

«Maintenant, nous versons 10 pour cent par litre d’huile obtenu. Nous indiquons au conseil si nous avons extrait un litre, deux litres, trois litres», conclut Ignacia. 

Pour obtenir de l’huile et continuer à gagner de l’argent, les Pionnières doivent veiller à la conservation des arbres indigènes en les exploitant de manière durable. Un copayer produit 40 litres par an mais le rendement diminue après des saignées répétées. Pour assurer la continuité de la production, les experts suggèrent de ne prélever qu’un litre par arbre tous les trois ans. Les Pionnières ont supervisé une augmentation de 50 pour cent des volumes extraits dans leur région, tout en recueillant au maximum 100 millilitres d’oléorésine par arbre et par an.

Le copayer est une ressource qui appartient collectivement à l’ensemble des peuples autochtones du Río Blanco. Les femmes gèrent cette ressource de manière durable afin qu’elle soit une source de revenus et de bien-être pour toute la communauté. © Las Pioneras

«En tant que femmes, nous nous identifions à cet arbre. Peu de personnes le défendaient», assure Ignacia. Elle explique que c’est la raison pour laquelle elles ont décidé de créer une association vouée à défendre non seulement cet arbre mais aussi leurs moyens de subsistance. 

Depuis, l’association est passée de six à dix membres. Les femmes gèrent la sélection et l’exploitation des arbres, ainsi que la transformation de la récolte en produits cosmétiques ou médicinaux: savons liquides ou solides, huiles, onguents, baumes à lèvres, shampoing et parfum.

Le Mécanisme forêts et paysans, un partenariat entre l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’Union internationale pour la conservation de la nature, l’Institut international pour l’environnement et le développement et AgriCord, a accordé des financements aux peuples autochtones du Río Blanco. Les fonds ont permis l’achat d’outils et de fournitures pour les Pionnières. 

La FAO a également conseillé les femmes de l’association quant aux bonnes pratiques à adopter pour une exploitation durable du copayer et les a formées à la gestion et à la commercialisation. Leurs revenus ont depuis doublé et elles ont pu ouvrir un compte en banque et ainsi réinvestir leurs bénéfices.

Bien que les plantes médicinales constituent en grande partie la base des systèmes de santé traditionnels dans les pays en développement, les peuples autochtones ont jusqu’à présent peu profité de l’élaboration de médicaments à partir de ces plantes. Le Mécanisme forêts et paysans soutient l’initiative de la FAO pour modifier cet état de fait et améliorer les moyens de subsistance des femmes et de la communauté du Río Blanco, tout en faisant en sorte que la forêt soit gérée de manière durable.

L’objectif est d’en faire un modèle d’entrepreneuriat autochtone dans le cadre d’une gestion intégrée des forêts. Les forêts, les petits exploitants et les populations jouent ensemble un rôle essentiel au niveau mondial en matière de sécurité alimentaire, de biodiversité et d’atténuation du changement climatique.

Les Pionnières savent qu’elles devront faire preuve de détermination pour préserver cette précieuse ressource au bénéfice des générations futures. Entre 2002 et 2019, le couvert forestier de la Bolivie a diminué de 5,68 millions d’hectares, dont 77 pour cent au profit de l’agriculture. Depuis, les feux de forêt ont aggravé la situation. En 2019, la forêt de Chiquitano, dans les plaines de Bolivie, à l’est des Andes, a connu l’un des plus grands feux de l’histoire du pays, perdant environ 3,6 millions d’hectares. Les experts ont expliqué la violence de l’incendie par le temps sec et les températures élevées liées au changement climatique. Le copayer est l’une des espèces vulnérables de la région, notamment face à l’exploitation des forêts et aux incendies.

Mais les Pionnières sont prêtes à se battre pour de meilleurs revenus, une meilleure qualité de vie et la conservation de cet arbre unique, qui est essentiel à la santé des populations locales et du reste du monde.

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