Grâce à sa vaste expérience des véhicules lourds, Musa Kenyi est devenu l’un des rares mécaniciens et chauffeurs spécialistes des véhicules tout terrain, des camions et des bateaux dans tout le Soudan du Sud. Cette expertise est un atout indispensable pour les missions auprès des populations qui se trouvent isolées par les inondations. ©FAO/Mayak Akuot
«Je suis moi-même un rescapé, à présent, je m’emploie à sauver les autres», explique Musa Kenyi, mécanicien et chauffeur aux compétences reconnues que la FAO emploie au Soudan du Sud. C’est que les véhicules tout-terrain sont sa spécialité et sa passion, et cette spécialité lui vaut une renommée dans tout le pays.
Son goût de conduire des poids-lourds et d’apprendre à les réparer s’est affirmé pendant le séjour que Musa a effectué au Malawi, après avoir fui la guerre civile dans son pays (dont le nom était alors seulement «Soudan»).
Il a rejoint sa sœur à Lilongwe au Malawi pour y commencer une nouvelle vie, et là, il s’est pris de passion pour la mécanique. Après avoir suivi des formations dans un centre technique et acquis une certaine expérience pratique, la mécanique n’a plus eu de secret pour Musa. Il a donc facilement trouvé un emploi dans une société de transport qui acheminait des marchandises dans toute l’Afrique subsaharienne.
«Ma vie, c’était la route», se souvient Musa. «Je passais les frontières presque tous les jours avec mon camion. De Lilongwe je me rendais à Dar-es-Salaam, Kigali, Johannesburg avant de retourner à Lilongwe.» Dans ces pérégrinations quotidiennes, Musa a connu les terrains et les conditions météorologiques parmi les plus difficiles d’Afrique.
Musa a ensuite quitté Lilongwe pour s’installer à Cape Town à la recherche d’un meilleur emploi, et c’est là qu’il a appris à conduire des véhicules tout terrain bourrés d’électronique. Le fonctionnement intime de ces véhicules fascinait Musa.
Lorsque le Soudan du Sud a accédé à l’indépendance, comme beaucoup d’autres Sud-Soudanais, il a pris la décision de rentrer au pays pour mettre ses compétences au service de la mère-patrie.
Musa a pris contact avec la FAO en 2012. À l’issue d’une période de collaboration, il a intégré l’Organisation en 2017 en tant que chef mécanicien et conducteur de poids lourds. Grâce à son expérience exceptionnelle, Musa est bientôt devenu l’un des rares mécaniciens spécialisés dans les poids-lourds et les véhicules tout terrain du Soudan du Sud, faisant bénéficier de son savoir-faire de nombreux organismes présents dans la région.
De fortes crues causées par des précipitations intenses ont isolé des villages dans le Soudan du Sud. Au fil des ans, l’ampleur et l’échelle des inondations ont dramatiquement augmenté sous l’effet du changement climatique. ©FAO/Mayak Akuot
Les effets redoutables du changement climatique
Au cours des deux dernières années, du fait de l’aggravation des crues provoquées par de fortes précipitations, des villages entiers des régions de Jonglei, du Bahr el-Ghazal septentrional, du Nil supérieur et des Lacs se sont trouvés coupés du monde. Le Soudan du Sud, qui a toujours été aux prises avec des inondations, doit désormais faire face à ces catastrophes dont l’ampleur et la portée ne cessent de croître. Entre juillet et novembre 2020, les inondations ont fait près de 1 034 000 sinistrés, soit 126 000 de plus que sur la même période en 2019.
Des épisodes pluvieux intenses et prolongés, que les sols ne peuvent plus absorber, et des capacités de drainage limitées se sont traduits par des crues abondantes atteignant des hauteurs suffisantes pour détruire les habitations et les moyens de subsistance, forçant les communautés à émigrer en s’exposant à l’insécurité et en se privant de toute aide.
C’est alors que la FAO s’est tournée vers Musa pour bénéficier de son expertise dans les véhicules tout terrain.
Dans le cadre du Programme d’intervention d’urgence de la FAO en faveur des moyens de subsistance au Soudan du Sud, des véhicules tout terrain sont utilisés pour des missions d’intervention rapide se projetant dans des secteurs difficiles d’accès, notamment les zones sinistrées par des inondations.
«Je n’ai jamais vu de pluies aussi intenses qu’au cours de ces dernières années», déclare Manyok Maluak, un villageois de Jarwong. Tout en gagnant un secteur voisin où lui et les siens pouvaient se réinstaller temporairement, Manyok a dû aider les autres à survivre: «J’ai porté sur mes épaules autant de villageois plus faibles que je le pouvais, mais certains ont péri parce qu’ils n’avaient personne pour les secourir.»
Autrefois agriculteur, Manyok s’est reconverti pour devenir pêcheur après que les eaux ont submergé tous ses biens, y compris sa maison, ses champs et ses cultures potagères.
À la mi-août 2021, Musa a conduit un convoi de véhicules tout terrain à Bor North, dans le Jonglei, pour distribuer des équipements de pêche aux habitants des villages de Jarwong et Malual Chaat, où les maisons, les cultures et les biens avaient été emportés par les pluies torrentielles.
La saison des pluies prive d’aide conventionnelle jusqu’à 60 pour cent du pays. C’est alors qu’entrent en jeu ces véhicules amphibies qui peuvent évoluer sur n’importe quel terrain, y compris dans les eaux vives et les marécages, et surmonter la plupart des obstacles.
Chaque convoi de deux véhicules tout terrain entièrement chargés peut transporter jusqu’à 1,6 tonne de matériel de pêche, d’équipement de maraîchage et d’outillage agricole essentiel pouvant aider quelque 900 personnes à recouvrer l’autosuffisance, la sécurité alimentaire et des moyens de subsistance.
«L’année dernière, lorsque nous sommes arrivés à Panyagor, dans le nord de Twic, après un jour et demi de route, les gens ont pris peur en voyant ces véhicules. Mais ils ont vite compris que nous étions là pour les aider», se souvient Musa évoquant la première arrivée du convoi à Jonglei.
«J’étais tellement fier d’être parmi les premiers à apporter de l’aide à des personnes qui en avaient si désespérément besoin. C’est pour ça que j’aime mon travail passionnément. Je ne le changerais pour rien au monde.»
Avec dix entrepôts logistiques dans le pays et une flotte de trois véhicules tout terrain, cinq camions et huit bateaux, la FAO a les moyens d’aider les populations vulnérables dans les zones les plus reculées du Soudan du Sud.
Dans le cadre du Programme d’intervention d’urgence de la FAO en faveur des moyens de subsistance au Soudan du Sud, des véhicules tout terrain sont utilisés dans des missions d’intervention rapide se projetant dans des secteurs difficiles d’accès, notamment les zones sinistrées par des inondations. Ces véhicules peuvent évoluer sur n’importe quel terrain, y compris les eaux vives et les marécages. ©FAO/Mayak Akuot
Transmettre le savoir-faire
Musa transmet ses connaissances en matière de mécanique et d’utilisation des véhicules tout terrain, bateaux et camions à d’autres membres de l’équipe de la FAO, comme Rose Muja.
Rose, qui est employée comme chauffeur à la FAO depuis 2019, est ravie d’apprendre à conduire des véhicules tout terrain. «Pour une femme, conduire ces engins représente un défi mais n’est pas impossible», déclare Rose. «Ma famille est fière de moi, et je fais désormais figure de modèle pour les autres femmes de mon village qui pensaient que la conduite de ces véhicules était un métier réservé aux hommes. Ma jeune nièce a envie de me suivre dans cette voie.»
Le travail de Musa, de Rose et de nombreux autres chauffeurs de la FAO et de ses organisations partenaires au Soudan du Sud s’est révélé indispensable pour toucher des communautés qui sans cela se trouvaient coupées du monde. Grâce à ces opérations, l’aide n’a pas cessé de parvenir aux plus vulnérables dans un pays en proie à d’autres crises qui s’ajoutent au changement climatique.
En 2020, le programme d’intervention d’urgence de la FAO a touché plus de 6 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire*.
Les conditions météorologiques devenant plus extrêmes, et les inondations monnaie courante, la FAO s’emploie auprès des collectivités à renforcer leur préparation à ces phénomènes et à d’autres chocs climatiques, augmentant ainsi leur résilience pour limiter les conséquences humanitaires du changement climatique.
En cette Journée mondiale de l’aide humanitaire, nous rendons hommage à Musa, Rose et les nombreuses autres personnes qui, dans le monde entier, s’emploient à sauver des vies et les moyens de subsistance, en assurant la sécurité alimentaire et un avenir meilleur aux populations les plus durement touchées par les effets dévastateurs de l’évolution de notre climat. Si nous rejoignons tous #LaCoursePourLhumanité, nous pouvons gagner cette course.
*Les interventions d’urgence de la FAO au Soudan du Sud sont financées par la Banque africaine de développement, les gouvernements des États-Unis d’Amérique (USAID), de la Norvège, du Royaume-Uni (UK Aid), de la Suède et de la Suisse, le Fonds central des Nations Unies pour les interventions d’urgence (CERF) et le Fonds humanitaire pour le Soudan du Sud.
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