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Les sols sableux du Suriname révèlent partout leur potentiel pour la culture de l’ananas


Travailler avec les populations autochtones à valoriser la filière pour toucher davantage de marchés

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Le Suriname est considéré comme un berceau de l’ananas, on en veut pour preuve sa collection riche et exceptionnelle de variétés biologiques cultivées depuis des générations par les peuples autochtones de la région. ©Intersnap

29/08/2022

Les sols de sable blanc du couloir de savane du Suriname, qui s’étire entre les rivages de l’Atlantique et la forêt tropicale dense de l’intérieur du pays, ne sont peut-être pas parmi les sols les plus fertiles du pays. Cet espace est pourtant considéré comme l’un des berceaux de l’ananas, ce qu’atteste la collection riche et exceptionnelle de variétés cultivées de ce fruit. Ces cultures, principalement pratiquées par des populations autochtones, notamment les Lokono (Arawak) et les Kaliña (Caraiben), produisent des ananas offrant des perspectives certaines d’amélioration des moyens de subsistance, un potentiel que la FAO et ses organismes partenaires des Nations Unies s’emploient à concrétiser.

«La culture de l’ananas est un élément indissociable de notre patrimoine, qui nous est transmis de génération en génération», déclare M. Wendolien Sabajo de la communauté Lokono (Arawak). «Mais si l’on se contente des seules méthodes traditionnelles, il n’est pas facile de développer cette culture. L’ananas connaît une forte demande, cependant que l’offre reste modeste.»

«Je ne peux proposer au marché des ananas en quantité suffisante», confirme M. Jerry Birambi. «À cela, il faut ajouter les difficultés à trouver des financements. Je ne peux obtenir de prêt car les autochtones que nous sommes ne possèdent aucun titre foncier. Les titres fonciers sont collectifs et la tribu en est détentrice.»

Comme dans la plupart des cas, et quelle que soit la région du monde, les territoires des peuples autochtones sont administrés collectivement en fonction du bien-être, de l’identité et du système alimentaire des communautés qui les habitent.

Malgré la riche dimension patrimoniale de l’ananas au Suriname, le pays n’en produit que des quantités modestes et sur un rythme encore largement saisonnier, et le fruit n’est que faiblement valorisé et son exportation limitée. Pour aider à faire évoluer les choses, la FAO, l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI), le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) et l’Organisation internationale du travail (OIT), collaborent avec les populations indigènes à valoriser la filière de l’ananas, de la production à la consommation.

Ce projet, qui relève du Programme international Accélérateur de la transformation des systèmes agroalimentaires (ASTA) dirigé conjointement par la FAO et l’ONUDI, rassemble une gamme diverse d’acteurs: populations autochtones, producteurs, transformateurs, négociants, fournisseurs d’intrants, mais aussi ministères, municipalités, établissements de recherche et institutions financières, auxquels il faut ajouter l’Organisation des villages autochtones coopérants.

Le but recherché est de dynamiser la production d’ananas pour la faire passer d’une quantité annuelle entre 2 000 et 3 000 tonnes à 20 000 tonnes d’ici 2030. Pour opérer la modernisation envisagée dans le cadre d’une agriculture biologique, au moins cinq installations de transformation devront être créées, en visant à commercialiser trois quarts de la production sur les marchés d’exportation et un quart auprès des consommateurs du Suriname.

Cette initiative de la FAO et de ses partenaires permettra de décupler la quantité d’ananas produite d’ici 2030 et d’implanter des unités de transformation neuves et modernes en vue de toucher des marchés plus importants. ©Intersnap

Mme Claudia Maatsen, membre de la communauté autochtone Caraiben du village de Pierre Kondre Kumbasi, préside actuellement une coopérative féminine qui produit des ananas et les transforme en différents produits: jus, sirop et confiture d’ananas. «Le problème que connaissait notre village est qu’il arrivait qu’aucun acheteur ne se manifeste, il fallait alors jeter les ananas», explique-t-elle.

Mais cela ne devrait plus se produire grâce aux nouvelles coopératives de production auxquelles le projet prête son appui. Jusqu’à 300 produits différents peuvent être obtenus de l’ananas, il n’y a donc pas lieu de gaspiller ces fruits s’ils ne trouvent pas preneur sous leur forme entière et fraîchement cueillis. Le but de l’initiative n’est autre que de réaliser pleinement le potentiel de production et de commercialisation du fruit.

Dans l’ensemble, la hausse du niveau de production doit rapporter au moins 10 millions d’USD par an, grâce à l’augmentation des quantités d’ananas et de produits secondaires, et créer 1 000 emplois dans la production, la transformation et les activités auxiliaires qui seront promues, en particulier parmi les femmes et les jeunes des zones rurales. 

«Le marché national est aujourd’hui notre objectif principal, mais nous voyons les choses en grand et, oui, nous voulons exporter vers les marchés étrangers», confirme Claudia.

Nulle part ailleurs sur la planète 

Une des premières démarches concrètes engagées par le projet a été de mettre au point des outils didactiques destinés aux populations autochtones souhaitant pratiquer cette culture, en capitalisant sur l’expérience costaricaine de production biologique d’ananas. L’étape suivante a consisté à nouer une collaboration avec des institutions financières internationales en vue de recueillir les financements nécessaires, et la dernière étape est une analyse scientifique opérée par la FAO des variétés cultivées et des sols qui les produisent, avec pour finalité d’optimiser les produits destinés à la commercialisation. 

«Cette filière offre plusieurs débouchés importants. Elle compte en effet au moins une quinzaine de variétés d’ananas qui ne se trouvent nulle part ailleurs sur la planète. De plus, les populations autochtones n’ont recours à aucun intrant chimique dans leurs cultures, autrement dit la production traditionnelle d’ananas est biologique. Cet avantage concurrentiel doit permettre aux acteurs locaux de se constituer des créneaux de marché enviables», déclare Mme Aimée Kourgansky, spécialiste des chaînes de valeur à la FAO. 

Un autre atout est que « le développement du secteur suscite un fort intérêt, en particulier chez les populations autochtones qui sont désireuses de produire des quantités importantes d’ananas biologiques de qualité supérieure, et de la part du gouvernement, dont le plan national de développement et la politique économique mettent en avant la diversification», ajoute Mme Kourgansky.

Il en ressort des avantages sur de multiples fronts, déclare le coordonnateur en chef du projet ASTA au Suriname, M. Swami Girdhari: «Les agriculteurs peuvent gagner davantage et acquérir ainsi une indépendance économique.» Le projet créera aussi des emplois «à différents niveaux, jusqu’à celui d’ouvrier hautement qualifié, et contribuera au développement national et à l’économie du Suriname. Il aura aussi un effet positif sur la biodiversité et l’environnement ainsi que sur la dimension sociale» en procurant des moyens de subsistance aux populations autochtones.

Le Suriname compte plus de 15 variétés distinctes d’ananas, aujourd’hui en culture biologique. Il existe un énorme potentiel à exploiter sur les marchés d’exportation. ©InterSnap

Afin de s’assurer qu’à travers ce processus les peuples autochtones ne se retrouvent pas perdants lorsque les variétés d’ananas dont ils sont dépositaires gagnent en popularité, le projet «s’attachera à garantir au plan juridique leurs droits sur les variétés et leur génétique, et à mettre en place une certification destinée à préserver l’avantage concurrentiel escompté de ces variétés», explique Mme Kourgansky.

L’avenir de la culture de l’ananas dans cette zone «est assuré, car je vois déjà un nombre croissant de jeunes s’orienter dans cette voie», affirme Wendolien Sabajo, chef du village de Matta, qui compte parmi les villages autochtones. C’est aussi l’objectif de la FAO et de ses partenaires: élargir les perspectives futures d’un secteur d’agriculture durable au potentiel exceptionnel.

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