A ce jour, 30 pays ont explicitement reconnu dans leur Constitution le droit fondamental à une alimentation appropriée. Cela constitue les bases et ouvre la voie du succès pour atteindre l'objectif Faim Zéro. ©Dudarev Mikhail/shutterstock
Aujourd'hui, la quantité de nourriture produite est plus que suffisante pour nourrir le monde. Pourtant, environ 821 millions de personnes souffrent de sous-alimentation chronique. Atteindre la sécurité alimentaire pour tous nécessite une approche intégrée, incluant toutes les parties prenantes, y compris les gouvernements. Pour que ce chiffre de la faim soit réduit à néant d'ici à 2030, il faut mettre en place une législation soutenue par des budgets et un suivi appropriés, permettant d'instaurer des cadres juridiques justes et durables.
Voici dix idées pour que les parlementaires contribuent à la réalisation de l'ODD 2 (Faim Zéro):
1. Etablir les principes qui guident la politique visant à éliminer la faim et la malnutrition.
La Constitution est la loi suprême d'un pays, le fondement des droits des citoyens et des obligations de l'État. En incluant le droit à une nourriture suffisante dans leur Constitution, les Etats donnent à cet objectif la meilleure garantie de succès. Lorsque les programmes sont soutenus par une loi, ils deviennent une politique gouvernementale.
À ce jour, 30 pays ont explicitement reconnu le droit fondamental à une alimentation appropriée dans leur Constitution. Il s'agit notamment de l’Afrique du Sud, des Philippines, de l’Ukraine, du Zimbabwe, de l’Égypte, des Fidji et de la Guyane. L'exemple le plus récent est le Népal, soutenu par la FAO au moment d'inclure la mention du droit à l'alimentation dans sa Constitution en 2015.
2. Définir les règles du jeu pour superviser les lois et organiser leur mise en oeuvre.
Les législateurs doivent critiquer, questionner et autoriser les membres du gouvernement. Les outils dont ils disposent pour demander des comptes sont les suivants : la séance de questions au gouvernement, l'approbation des budgets et les commissions.
Au Honduras, par exemple, les organismes de réglementation gouvernementaux sont tenus de surveiller la Loi qui étend le crédit financier aux femmes des zones ruraleset ils doivent produire des rapports annuels sur le sujet.
3. Rédiger des lois qui intègrent la sécurité alimentaire et nutritionnelle, tout en prenant en compte les besoins de tous les secteurs.
Assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle requiert la participation des différents secteurs qui composent le système alimentaire. Cela implique de prendre en compte les besoins des agriculteurs – agriculture familiale et pastoralisme – et des pêcheurs artisanaux puis de les aider à renforcer leurs capacités par le biais d'initiatives de protection sociale qui ciblent les parties les plus vulnérables du système alimentaire.
En Bolivie, dans le cadre de la Loi sur l'alimentation dans les écoles, des micro-entreprises ont été créées, dans lesquelles des femmes rurales ont été engagées par les autorités locales pour préparer et distribuer les repas à l'école. Les menus, conçus avec la participation du conseil scolaire et du nutritionniste de la municipalité, comprennent des produits régionaux.
4. Exploiter les connaissances des institutions académiques.
Les législateurs doivent d'abord comprendre l’ampleur du problème pour ensuite pouvoir mesurer l’impact des politiques. Au moment de rédiger, de mettre en oeuvre et d'assurer le suivi de la législation et des politiques publiques relatives au droit à une nourriture adéquate, ils peuvent donc profiter de l'expertise du monde universitaire.
En Espagne, le Centre de recherche sur la gouvernance mondiale de l'alimentation de l'Université d'Oviedo a été créé pour encourager la recherche sur des sujets liés à la sécurité alimentaire et nutritionnelle, évaluer les politiques, la cohérence entre les programmes et produire un rapport annuel sur la stratégie et les meilleures pratiques à mettre en place.
À gauche: Guadalupe Valdez, ancienne élue du Congrès de la République dominicaine et ambassadrice spéciale de la FAO pour la Faim Zéro en Amérique latine et dans les Caraïbes, parle de la Journée mondiale de l'alimentation. ©FAO/Pier Paolo Cito; A droite: le sénateur Guido Girardi, président de la Commission sanitaire du Sénat au Chili, décrit le rôle que les parlementaires peuvent jouer pour améliorer la nutrition. ©FAO/Giulio Napolitano
5. Entretenir le dialogue avec la société civile, les entreprises et les membres du gouvernement.
Pour que le processus de création de lois réussisse, il faut non seulement une volonté politique, mais aussi une gouvernance participative. Les membres du Parlement doivent donc ouvrir le débat aux groupes qui travaillent dans les domaines liés à l'alimentation et à la nutrition afin de s'assurer que les lois sont adoptées sur la base d'un consensus et qu'elles bénéficient des contributions de tous les secteurs de la société.
Au Chili, la Loi sur l'étiquetage des denrées alimentaires – qui vise à lutter contre le surpoids et l'obésité – a été élaborée en concertation avec les entreprises, dont certaines étaient opposées à la loi et d'autres qui voulaient reformuler certaines étiquettes alimentaires.
6. Suivre une formation spécialisée.
Pour garantir que des lois et des propositions législatives solides soient adoptées et mises en œuvre, les membres des Parlements et leurs conseillers doivent disposer des bases techniques nécessaires en matière de sécurité alimentaire et nutritionnelle. En effet, les parlementaires ne sont pas toujours des spécialistes de la faim et de la malnutrition. En participant à des ateliers et à des cours de formation animés par des experts, ils peuvent donc développer leurs compétences.
En 2016, la FAO et le gouvernement du Togo ont organisé un atelier à l'intention des membres du Parlement togolais afin de renforcer les compétences nécessaires pour rédiger une loi-cadre sur le droit à l'alimentation, de se familiariser avec les outils pertinents et de découvrir d'autres exemples dans le reste du monde.
7. Partager les connaissances et l'expérience.
La mise en place de réseaux de partage des connaissances permet aux législateurs d’appliquer la législation et de légiférer en fonction du contexte spécifique de leur pays. Les membres du Parlement doivent partager leurs expériences sur la manière dont la politique publique progresse. Ils doivent réfléchir à la manière d’améliorer le processus législatif et de mettre en oeuvre une politique publique efficace.
À titre d'exemple, le Front parlementaire contre la faim en Haïti s'est rendu au Rwanda pour rencontrer des législateurs, des experts et des représentants de la société civile de l'Afrique de l'Est, avec lesquels ils ont partagé leurs expériences.
8. Sensibiliser et informer le public.
Les législateurs doivent communiquer avec le public et le sensibiliser aux différentes problématiques, en lui expliquant notamment pourquoi telle loi a été adoptée et quelles en seront les conséquences. Cette démarche permet d'assurer le soutien des citoyens au travail des législateurs. Le partage d'informations favorise en effet la transparence et la responsabilisation et permet aux différentes organisations et au public de prendre conscience des problèmes liés à la faim et de faire valoir leurs droits.
Au Salvador, le droit à l'alimentation a fait l'objet d'une campagne à la radio et dans la presse. Au Togo, le Réseau togolais des journalistes pour le droit à l'alimentation a été créé pour promouvoir le droit à l'alimentation, sensibiliser les citoyens à leurs droits et informer le public du travail accompli par les instances gouvernementales.
La malnutrition sous toutes ses formes doit être combattue pour parvenir à un monde Faim Zéro. Cet objectif doit être partagé par tous. ©FAO
9. Former des alliances inclusives.
Comme indiqué dans l'ODD 17 (Partenariats pour la réalisation des objectifs), des programmes de développement durable réussis nécessitent des alliances entre les gouvernements, le secteur privé et la société civile. Ces alliances doivent avoir des objectifs communs fondés sur le bien-être du public. La malnutrition sous toutes ses formes doit être traitée en priorité. Cela suppose de surmonter les différences idéologiques.
Il existe actuellement plus de 30 alliances et autres fronts parlementaires dans le monde, à la fois nationaux et régionaux. Le Japon, l’Espagne, les Philippines et Madagascar font partie des pays qui ont fait travailler ensemble les différents groupes politiques sur le sujet de la défense du droit à l’alimentation et de la lutte contre la faim.
10. Poursuivre un objectif commun : Construire une alliance mondiale pour la #FaimZéro
Pour que l'ODD 2 devienne une priorité dans les agendas politiques régionaux et mondiaux, il est essentiel que toutes les parties prenantes se rassemblent pour œuvrer en faveur d'une vision commune de l'avenir. Il s'agit donc de participer activement aux forums internationaux, de maintenir un dialogue ouvert avec les Parlements et les organismes régionaux chargés des questions d’intégration et d’appuyer le suivi des engagements politiques régionaux. Il est également important de travailler avec des organismes spécialisés, que sont par exemple les agences des Nations Unies, ainsi qu'avec le soutien de donateurs étrangers.
Des législateurs d’Asie, d’Afrique, d’Amérique latine et des Caraïbes participeront au premier Sommet parlementaire mondial contre la faim et la malnutrition, au cours duquel la lutte pour que la Faim Zéro devienne une réalité sera étudiée d'un point de vue mondial, soutenue par les efforts régionaux. Les alliances être capables de se soutenir les unes les autres et d'avancer dans la même direction.
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