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Le rôle du patrimoine agricole aujourd’hui


Dix ans après le lancement de l’initiative, découvrez comment les Systèmes ingénieux du patrimoine agricole mondial transforment les systèmes agroalimentaires.

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Les antiques terrasses d’Ifugao constituent un système agricole remarquable qui produit du riz selon des procédés organiques depuis plus de 2 000 ans! © FAO/Lena Gubler

24/11/2021

On parle beaucoup aujourd’hui de «transformer» nos systèmes alimentaires pour les adapter au monde moderne, un monde où pèsent de plus en plus la question du changement climatique et l’expansion constante de la population. Mais de quoi s’agit-il exactement? Cette transformation passe nécessairement par une évolution en profondeur, qui consiste à renoncer aux systèmes de production agroalimentaire pour la plupart non viables, fondés sur la surexploitation des ressources naturelles, pour adopter d’autres systèmes qui protègent l’environnement, améliorent la sécurité alimentaire et la nutrition et permettent aux agriculteurs et aux autres acteurs de la chaîne de valeur de mieux gagner leur vie.

Les méthodes agricoles éprouvées et fiables, comme celles appliquées dans les Systèmes ingénieux du patrimoine agricole mondial (SIPAM), ont beaucoup à nous apprendre. L’initiative SIPAM distingue des agroécosystèmes au sein desquels les populations entretiennent des relations complexes avec leur territoire. S’appuyant sur des connaissances traditionnelles et des valeurs culturelles inestimables, ces systèmes agricoles en évolution se démarquent par leur résilience. L’agrobiodiversité et les paysages présents sur ces sites sont gérés selon des pratiques durables par les paysans, les bergers, les pêcheurs et les communautés forestières, pour lesquels ils représentent aussi des ressources économiques et une forme de sécurité alimentaire.

Voici comment, durant les dix années qui se sont écoulées depuis sa création, l’initiative SIPAM a transformé les systemes agroalimentaires dans cinq pays.

Ifugao (Philippines)

La province d’Ifugao, dans la cordillère des Philippines, se distingue par ses terrasses rizicoles irriguées, vieilles de deux millénaires. Bâties à la main par les ancêtres des autochtones Tuwali, ces terrasses épousent le contour des montagnes et sont dotées d’un système d’irrigation sophistiqué. Construites sans l’aide des outils modernes, les rizières d’Ifugao sont considérées comme une merveille d’ingéniosité du vieux monde. Les Tuwali sont les principaux gardiens des terrasses, témoins admirables de la façon dont les populations locales s’adaptent à leur environnement.

En 2016, cinq ans après que les terrasses d’Ifugao ont obtenu le statut de SIPAM, la FAO et ses partenaires ont mis en œuvre un projet visant à aller encore plus loin et à trouver un point d’équilibre entre la préservation et l’utilisation durable de l’agrobiodiversité du site. Dans le cadre de ce projet, les agriculteurs ont pu cultiver des espèces végétales de grande valeur comme le taro, l’igname, la patate douce, l’aubergine et le gingembre. À l’aide des machines et du matériel fournis, ils produisent aujourd’hui des biscuits, des gâteaux, du vin, des chips de taro, des confiseries au gingembre et des tisanes, dont les étiquettes portent des informations sur le site classé SIPAM. Ces produits transformés engendrent de plus hauts revenus et ouvrent aux agriculteurs davantage de débouchés économiques.

En haut à gauche: La péninsule de Noto est un microcosme des traditions rurales japonaises, où les montagnes, les forêts et les côtes sont interdépendantes et forment un système agricole extraordinaire. ©SIPAM au Japon – Systèmes satoyama et satoumi à Noto. En bas à droite: Lamas et alpacas jouent un rôle fondamental dans l’agriculture andine. © FAO/Liana John

Péninsule de Noto (Japon) 

La péninsule de Noto est un microcosme des traditions rurales japonaises, où les montagnes, les forêts et les côtes sont interdépendantes et forment un système agricole extraordinaire. La péninsule se compose d’une mosaïque de satoyama, écosystèmes à la fois terrestres et aquatiques, et de satoumi, écosystèmes marins côtiers. Des méthodes traditionnelles d’agriculture, de pêche, d’exploitation forestière et de gestion de l’eau préservent les paysages de la région depuis des siècles.

Depuis que la péninsule de Noto a obtenu le statut de SIPAM, il y a dix ans, les autorités locales ont renforcé la gestion et la protection de la zone. Aujourd’hui, un comité exécutif qui rassemble des acteurs locaux (municipalités, préfectures, commerces, entreprises, organismes touristiques et coopératives) s’emploie à faire connaître et à protéger l’héritage agricole de la région. 

La préfecture d’Ishikawa, en coopération avec des institutions financières, a investi dans des campagnes de promotion des produits alimentaires locaux et du tourisme. Elle a participé à la création d’un système de certification destiné à garantir l’origine des produits locaux et à valoriser les produits agricoles de la région de Noto, sources de nouveaux revenus pour les exploitants.

Aohan (Chine)

Situé dans le nord de la Chine, le système agricole des terres arides d’Aohan conjugue agriculture, foresterie et élevage. Certaines des nombreuses variétés cultivées dans la région ont plus de 8 000 ans. C’est ainsi que se sont transmis au fil des ans des traditions, des compétences et un savoir-faire propres à cette culture sèche unique. Traditionnellement, on a recours à des cultures intercalaires, soit une alternance de cultures arables et de cultures destinées à amender les sols. 

Depuis que le système d’Aohan bénéficie du statut de SIPAM, le millet, produit le plus populaire de la région, a fait parler de lui dans des spots télévisés et des campagnes publicitaires et promotionnelles assurées par de grandes entreprises, ce qui s’est traduit par une explosion des ventes.

Cordillère des Andes (Pérou) 

Dans le long couloir de 350 kilomètres qui sépare Cusco de Puno, dans les Andes péruviennes, vivent des milliers d’agriculteurs quechua et aymara, qui mettent en pratique des méthodes, des connaissances et des rites culturels traditionnels, transmis de génération en génération. Les familles de la région ont établi puis entretenu des terrasses, des systèmes locaux d’irrigation et des systèmes agricoles adaptés à différentes altitudes.

Depuis que cette région a obtenu le statut de SIPAM, le Ministère de l’agriculture du Pérou a approuvé un décret qui établit des «zones d’agrobiodiversité» dans tout le pays afin d’accroître la valeur de l’agrobiodiversité et de mettre à l’honneur les communautés agricoles et autochtones qui préservent les espèces endémiques et les espèces sauvages apparentées du maïs, de la pomme de terre, du quinoa et des haricots, entre autres. À l’heure actuelle, donnant suite à l’octroi du statut de SIPAM, la FAO met en œuvre un projet financé par le Fonds pour l’environnement mondial dont le but est d’aider les communautés à protéger l’agrobiodiversité grâce aux pratiques de gestion durable, aux débouchés commerciaux et à la conservation.

Le système des «ghouts», en Algérie, fait surgir des îles de végétation luxuriante dans un environnement désertique hostile. ©INRAA

Le Souf (Algérie)

Le système oasien des ghouts de la région du Souf, dans le sud-est de l’Algérie, remonte au XVe siècle. Il consiste à planter des palmiers dattiers dans des cratères ou des cuvettes, qu’on appelle «ghout». Dans un milieu désertique hostile à la plupart des formes de vie, les ghouts contribuent à l’épanouissement des dattiers, qui sont aussi protégés des aléas climatiques par les hauts murs que forment ces cuvettes. Nul besoin de système d’irrigation: les racines s’enfoncent loin dans la terre à la recherche d’eau. 

Ces dix dernières années, l’initiative SIPAM a collaboré avec plusieurs partenaires pour créer des activités rémunératrices au profit des populations de la zone et protéger la biodiversité locale. Ainsi, une communauté a reçu des cultivars de dattiers sur le point de disparaître de la région en vue de les replanter. Dans le même esprit, une race locale de pigeons a été introduite dans la zone pour empêcher son extinction.

Au cours de la dernière décennie, l’initiative SIPAM a stimulé les moyens d’existence, protégé la biodiversité et célébré les méthodes agricoles traditionnelles dans des dizaines de pays. Ces sites sont porteurs d’une sagesse inestimable. Les pratiques traditionnelles seraient-elles la clé de la transformation des systèmes agroalimentaires à notre époque moderne?

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