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L’observation des pêches: un travail difficile mais vital


L’observation scientifique est essentielle pour assurer la durabilité des pêches en eaux profondes

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Saiasi Sarau est un observateur des pêches qui passe des mois en mer à enregistrer les prises et les prises accessoires et à recueillir des données biologiques sur les poissons capturés. Ces informations aident les pays à connaître l’état des stocks de poissons. © FAO/Manoj Nawoor

17/02/2025

«J’aime l’océan», déclare Saiasi Sarau, solide marin fidjien au large sourire. «Il a été bon pour moi depuis que j’ai commencé à pêcher quand j’étais enfant», dit-il en contemplant les eaux calmes du port de Port Louis, la capitale mauricienne.

La pêche est le seul mode de vie dans le village où il a grandi, pêchant le poisson de récif pour nourrir sa famille avant d’entrer à l’école maritime. Après avoir obtenu son diplôme, il a gravi les échelons jusqu’à devenir capitaine, avant de s’installer aux Îles Cook pour y travailler en tant qu’observateur des pêches.

Une fois par an, Saiasi se rend sur l’île Maurice, en Afrique de l’Est, pour contrôler les activités de pêche du chalutier F/V Will Watch. Depuis sa base de Port Louis, ce navire battant pavillon des Îles Cook sillonne les eaux du sud de l’océan Indien à la recherche d’espèces des eaux profondes telles que l’alfonsino et l’hoplostète orange.

«Mon travail consiste à recueillir des données scientifiques pour aider à gérer ces pêcheries», explique M. Saiasi. Les sorties de pêche peuvent durer jusqu’à dix semaines en mer, pendant lesquelles Saiasi tient des registres sur les prises et les prises accessoires et recueille des données biologiques sur les poissons capturés.

Il y a aussi l’observation des oiseaux. Le travail de Saiasi consiste également à enregistrer les interactions avec les oiseaux de mer, les mammifères marins et les reptiles. Au large, ce sont surtout des albatros qui s’approchent du navire. Saiasi s’assure que le dispositif d’effarouchement fonctionne pour les dissuader de venir chercher une bonne becquetée car ils pourraient s’empêtrer dans le filet. 

Le projet «Common Oceans Deep-sea fisheries» de la FAO, financé par le FEM, promeut une gestion responsable des pêches en eaux profondes et la conservation de la biodiversité en haute mer. © FAO/Manoj Nawoor

Savoir ce qui se passe

Cette fois, Saiasi est à Maurice pour une autre raison. Avec une vingtaine de ses pairs, il a rejoint un atelier sur l’observation scientifique de la pêche en haute mer. Tous les participants représentent des pays pêchant dans l’océan Indien qui sont parties à l’Accord relatif aux pêches dans le sud de l’océan Indien (APSOI), comme la Chine, Maurice, les Seychelles et la Thaïlande.

En cette matinée chaude et bruineuse de décembre, le groupe s’entraîne à surveiller les activités de pêche à bord du F/V Klondyke, navire mauricien qui prépare sa prochaine sortie.

Ils apprennent à suivre les consignes générales présentées par l’un des formateurs de l’atelier, Isaac Forster, biologiste à la Commission pour la conservation de la faune et de la flore marines de l’Antarctique.

M. Forster explique l’importance de normaliser les activités pour faire en sorte que les données recueillies puissent être largement utilisées. Il ajoute que l’indépendance des activités d’établissement de rapports est tout aussi importante: «Si les observateurs ne peuvent pas travailler de manière indépendante, la qualité des données est sujette à caution».

«Les observateurs embarqués permettent de savoir ce qui se passe dans une pêcherie et quel en sera l’impact sur l’écosystème», explique Keith Reid, expert qui dirige l’atelier organisé par le projet «Common Oceans Deep-sea fisheries» mis en œuvre par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Il ajoute que cela importe particulièrement dans le cas des pêches en eaux profondes, où l’impact sur l’environnement peut être considérable.

Financé par le Fonds pour l’environnement mondial (FEM), le projet promeut une gestion responsable des pêches en eaux profondes et la conservation de la biodiversité en haute mer.

La surpêche pratiquée dans les années 1970‑1990 a entraîné l’effondrement de nombreux stocks de poissons des eaux profondes et causé d’énormes dommages aux habitats des fonds marins. Depuis, les stocks se reconstituent lentement, tandis que des directives d’application volontaire et une coopération régionale renforcée ont aidé à rendre la pêche en eaux profondes plus durable.

Telle est la raison d’être de l’APSOI, explique Marco Milardi, responsable scientifique de cette organisation régionale de gestion des pêches. L’observation joue un rôle essentiel, ajoute-t-il. «Elle fournit les données nécessaires à une prise de décision éclairée sur les niveaux de capture durables et à une réduction de l’impact environnemental de la pêche de fond».

Saiasi et d’autres observateurs apprennent à normaliser leurs méthodes de surveillance des activités de pêche de sorte que les données puissent être utilisées dans des contextes internationaux. © FAO/Manoj Nawoor

Un travail difficile

Dans l’après-midi, le ciel s’est dégagé et le groupe pénètre dans l’Albion Fisheries Research Centre, au sud de Port Louis. À l’intérieur, une responsable scientifique fait une démonstration de la collecte de données biologiques. Tout d’abord, elle pèse et mesure le capitaine, ou poisson empereur pailleté, utilisé pour l’occasion. Elle procède ensuite à une dissection pour évaluer sa maturité reproductive et son âge.

Tout en regardant, Lana Gabriel dit que le temps passé en mer en tant qu’observatrice sur les navires pêchant le thon autour des Seychelles, d’où elle est originaire, lui manque. Bien que la plupart des observateurs soient des hommes, elle n’a jamais trouvé qu’être une femme était un problème. «Aux Seychelles, les filles sont plus impliquées. Elles font les mêmes choses que les hommes.»

Lana aime son travail actuel à terre en tant qu’agent de surveillance électronique, mais dit que regarder les images des caméras d’un navire sur un écran d’ordinateur n’est pas la même chose qu’être au large. Cependant, après avoir eu un enfant, elle ne voulait plus passer autant de temps en mer.

Saiasi est d’accord: il est difficile d’être éloigné de sa famille si longtemps. Il aimerait devenir rapporteur et travailler avec ceux qui reviennent de voyage au lieu de voyager tout le temps.

Lorsqu’il s’absente, son fils de trois ans l’attend avec impatience. Saiasi sourit: «Tout ce qu’il veut, c’est aller à la pêche. Comme son père.»

C’est un travail difficile, mais l’observation scientifique est essentielle à l’action menée dans le monde pour rendre la pêche en eaux profondes plus durable. Les données recueillies sur les prises et les rejets permettent aux pays d’évaluer la santé des stocks de poissons et de prendre des décisions éclairées sur les mesures de gestion appropriées. Pour favoriser la reconstitution des stocks de poissons des eaux profondes, préserver l’environnement et soutenir les moyens de subsistance, l’observation est une première étape essentielle et les mois passés en haute mer sont en définitive inestimables.

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