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Des activités vertes en faveur de la biodiversité et de l’action pour le climat


En Colombie, nature, paix et culture convergent dans la région donnant sur le Pacifique.

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Dans le cadre du projet Pacífico Biocultural financé par le FEM, la FAO s’emploie à faire comprendre les liens qui unissent diversité culturelle et biodiversité. ©FAO/Felipe Rodríguez

21/11/2024

Les premières lueurs du jour se devinent et Magnolia Ordoñez est déjà dans une petite embarcation avec son mari, le capitaine, et ses collègues, toutes des femmes. Leur tâche? Trouver et récolter des pianguas, vénéridés d’eau salée enfouis entre les racines des palétuviers le long du littoral colombien de l’océan Pacifique.

Les pianguas ne se laissent pas facilement approcher. Il faut jeter l’ancre au bon endroit et changer d’emplacement par rapport à la dernière récolte, afin d’assurer la pérennité des coquillages. Magnolia se jette alors à l’eau, affronte un véritable mur de boue et pénètre aussi loin que possible dans la mangrove. Elle sautille et se faufile entre les longues racines des arbres. Elle brûle aussi de l’encens pour éloigner les moustiques et s’accorde un instant pour fredonner une chanson en l’honneur de la mangrove et remercier celle-ci des aliments qu’elle offre. Magnolia patauge ensuite dans la boue, qui monte parfois jusqu’à ses genoux, pour en retirer délicatement les pianguas. Elle vérifie les dimensions de chaque coquillage qu’elle déterre et elle ne conserve que ceux qui ont la taille adulte. Cette activité qui exige beaucoup de travail est une course contre la marée montante.

Magnolia retourne sur le rivage après plusieurs heures de récolte exténuante. C’est alors le moment de nettoyer les coquillages. Elle met à part ceux qui sont destinés au marché et donnent les autres à ses sœurs, qui les cuisineront.

Le goût si particulier des pianguas assure leur renommée. Utilisés dans de nombreuses recettes traditionnelles comme le ceviche et les plats et ragoûts à base de noix de coco ou de riz, ces coquillages sont considérés comme une spécialité gastronomique de la région et sont appréciés à travers toute la Colombie. En plus, rien ne se perd: les coquilles sont transformées en objets artisanaux.

Lorsque les plats sont prêts, ils sont servis dans des restaurants communautaires dont les femmes constituent les principales chevilles ouvrières. Celles-ci font partie de l’association Raíces del Manglar (racines de la mangrove) et sont toutes victimes du conflit qui a frappé la Colombie pendant plus de 50 ans.

«La mer et les mangroves sont notre vie, déclare Magnolia. Elles nous nourrissent et nous devons y faire attention car elles prennent soin de nous. Nous leur sommes tous liés, ainsi qu’à leurs créatures.»

Son association fait partie des 40 activités et initiatives vertes que l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Ministère colombien de l’environnement et du développement durable et divers partenaires soutiennent par l’intermédiaire du projet Pacífico Biocultural, projet financé par le Fonds pour l’environnement mondial (FEM).

Le projet vise à conserver la biodiversité et les pratiques sans pareilles de la région bordant le Pacifique tout en donnant une plus grande marge d’action aux communautés locales et en soutenant la gouvernance environnementale dans les aires protégées. Grâce à des initiatives de restauration, de formation et de renforcement des capacités, à la mise à disposition de ressources et à l’échange de connaissances, la FAO et ses partenaires contribuent à la protection de l’environnement, mettent en place des moyens de subsistance résilients et reconnaissent les liens profonds qui existent entre la nature et la culture dans la région colombienne de la façade Pacifique.

Ces liens sont particulièrement vifs le long de la côte. La forêt ombrophile, d’un vert émeraude, s’étend jusqu’aux plages de sable noir et le ciel, les estuaires et la mer regorgent de vie. Des oiseaux majestueux survolent les labyrinthes complexes que la mangrove dessine autour des petites îles. Y trouvent refuge non seulement les pianguas mais aussi diverses espèces de poissons, crabes et autres mollusques qui sont autant de sources de denrées alimentaires importantes au niveau commercial et sur le plan nutritionnel.

Outre sa beauté, ce littoral sauvage joue un rôle vital dans la lutte contre le changement climatique. Les vastes forêts et les mangroves piègent le carbone et protègent la côte de l’érosion marine. C’est aussi une région au patrimoine culturel remarquable, le foyer de communautés d’afro-descendants et de peuples autochtones dont les traditions reflètent une relation des plus profondes avec la terre. Ces communautés sont toutefois encore en butte à divers problèmes liés à la pauvreté, à des situations de conflit et aux activités illégales qui menacent leur mode de vie et la santé de l’écosystème.

«Les afro-descendants, les peuples autochtones et les communautés rurales collaborent activement avec nous aux fins de la protection et de la remise en état de l’environnement, ainsi que du renforcement de la gouvernance locale», explique Feder Angulo, animateur du projet de la FAO dans le département colombien de Nariño. «Ce travail, précise-t-il, est essentiel pour consolider la paix, l’un des principes fondamentaux du projet. La paix ne se résume pas au seul dépôt des armes. Il faut aussi que les gens se sentent en sécurité et qu’ils puissent se construire une vie meilleure.»

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Après la récolte des graines, les plants de palétuviers sont cultivés dans les pépinières des villages puis transportés en bateau vers les sites qu’il faut remettre en état à la suite d’un déboisement illicite ou d’une catastrophe naturelle. ©FAO/Felipe Rodriguez

Rendre aux mangroves ce qui est leur est dû

Sous la conduite du conseil communal de Bajo Mira y Frontera et de la communauté Resguardo El Gran Sábalo, le projet aide les communautés susmentionnées à restaurer 240 hectares de forêts qui, pour une grande part, sont des mangroves.

Ces groupes prennent position face à un problème commun: le recul des mangroves. Des années d’exploitation et les effets de plus en plus prononcés du changement climatique ne cessent de dégrader ces gardiens naturels et essentiels du littoral. Le projet Pacífico Biocultural les aide à faire mieux connaître ces menaces et offre des formations permettant de renforcer les capacités, ainsi que des moyens au service des activités de replantation.

«C’est le point de départ d’un formidable processus autonome qui vise à restaurer les mangroves en utilisant des espèces indigènes, raconte Feder Angulo. La palétuvier rouge nato (mora oleifera) contribue à la sécurité alimentaire, à la création de revenus et à la conservation de la vie.»

On considère que cette espèce est plus tolérante aux inondations et aux variations de salinité, ce qui en fait un allié d’une importance vitale en vue de l’adaptation aux effets du changement climatique.

«Notre communauté profite grandement des activités de restauration. Les forêts ont été abattues, il y a moins d’animaux et nos moyens de subsistance se sont restreints, explique Pamela Quiñones. On ne peut plus trouver autant de pianguas que par le passé. Plus la mangrove s’étend et plus elle fait office de bouclier. Elle nous protège des eaux qui pourraient emporter nos habitations.»

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Des communautés longtemps victimes de conflits sont maintenant unies par un couloir destiné à l’observation des oiseaux et s’emploient à promouvoir un tourisme et des moyens de subsistance verts à assise communautaire. ©FAO/Felipe Rodríguez

Des activités vertes porteuses de paix

Le projet Pacífico Biocultural aide aussi les communautés à consolider la paix grâce à des activités vertes et des initiatives durables telles que l’observation d’oiseaux et le tourisme vert. Le corridor d’observation des oiseaux appelé Bird-Mi relie six communautés qui s’étendent des contreforts des Andes jusqu’à la baie de Tumaco.

Au sein de ce couloir, les peuples autochtones Awá de la communauté Resguardo El Gran Sábalo renforcent la surveillance de l’environnement et ont créé la réserve naturelle La Nutria. Plus de 420 espèces d’oiseaux attirent les visiteurs, en particulier les amoureux de ces animaux, et le succès de la réserve permet de renforcer la riche biodiversité du couloir.

Non loin, la communauté multiethnique d’El Pinde est principalement formée de mères célibataires qui ont perdu leur compagnon à cause de conflits. Ses membres remettent en état les berges et les sentiers naturels afin d’y attirer toutes sortes d’animaux et d’améliorer le couloir Bird-Mi. Leur restauration offre de nouveaux moyens de subsistance et contribue à la consolidation de la paix grâce à un tourisme communautaire axé sur la nature.

Parallèlement, au sein de l’entreprise verte Procacao Tumatay, des terrains auparavant destinés à la culture de coca qui favorisaient le développement d’activités illicites sont transformés en champs de cacaoyers et permettent de créer de nouveaux moyens de subsistance agricoles. Les paysans produisent du cacao et donnent plus d’ampleur à la filière grâce à des activités de transformation et à la commercialisation d’excellents produits à base de chocolat.

Toutes ces initiatives, qui ont bénéficié de formations visant à renforcer les capacités, d’un soutien administratif et de financements du projet Pacífico Biocultural, permettent aux communautés d’acquérir une plus grande marge d’action, de consolider la paix et d’assurer une stabilité économique en faveur d’un futur meilleur, pour la région comme pour la planète.

Cet article fait partie d’une série en trois épisodes consacrée aux solutions mises en œuvre en Colombie en faveur du climat, de la biodiversité et de la préservation des terres. Après les paysages arides de La Guajira, où la FAO, à travers son programme SCALA, soutient la résilience face au climat et la sécurité alimentaire, nous gagnerons la luxuriante forêt amazonienne, où l’Organisation, en partenariat avec le Fonds vert pour le climat, a entrepris de combattre la déforestation. 

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