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L’eau au service de la production alimentaire au Bhoutan


Cette femme réussit en toute autonomie à adapter la culture hydroponique au contexte agricole de son pays.

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Après avoir perdu sa source de revenus à cause de la pandémie, Kinley Wangmo s’est lancée dans la production hydroponique, qui consiste à cultiver des végétaux dans l’eau. ©FAO/Choki Wangmo

09/09/2024

Comme des millions de personnes dans le monde, Kinley Wangmo et sa famille ont perdu leur source de revenus à cause de la pandémie de covid-19 et des confinements qui en ont découlé. Mais à la différence des autres, cette mère de famille bhoutanaise a trouvé une solution, qui lui a permis de vivre de la culture hydroponique, qui consiste à cultiver des végétaux dans une eau spécifique riche en nutriments, sans recourir à la terre.

Ce qui n’était au départ qu’un simple domaine d’intérêt s’est rapidement transformé en une véritable passion. En suivant des formations en ligne, elle s’est aperçue que cette technique innovante ouvrait des perspectives prometteuses à même de faire face aux défis posés par la sécurité alimentaire et le morcellement des terres dans ce pays enclavé de l’Himalaya.

Moins gourmande en eau et plus efficace que la culture en terre, la culture hydroponique permet de produire tout au long de l’année. Si elle peut s’avérer coûteuse et difficile à mettre en place, elle ne nécessite que des plants, de l’eau, un conteneur et une source de lumière.

Afin d’économiser le coût de l’importation de systèmes hydroponiques, Kinley Wangmo s’est beaucoup informée auprès d’experts internationaux et a ajusté leurs approches pour les rendre exploitables par les agriculteurs bhoutanais.

Forte de son expérience d’entrepreneuse, qui lui a permis de réaliser des travaux allant de la plomberie à l’électricité, Kinley, qui tient également une quincaillerie, a mis à profit ses compétences et son savoir-faire autodidacte pour construire un système hydroponique fondé sur la technique de l’écoulement en profondeur, lequel consiste à capter et à recycler l’eau à l’aide de tuyaux. Peu coûteux et efficace, ce système est fabriqué à partir de matériaux que l’on peut facilement se procurer.

Il est également simple à entretenir, ce qui le rend accessible et pratique pour les petits exploitants agricoles qui vivent dans les reliefs accidentés du Bhoutan.

Kinley a lancé le projet Bhutan Hydroponics en 2020, dans une petite serre, située dans le quartier de Changzamtok, à Thimphou, la capitale.

Au début de l’année 2024, Kinley comptait parmi les 30 bénéficiaires qui recevaient un soutien financier de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) au titre de son projet sur l’agriculture périurbaine et urbaine au Bhoutan, mis en œuvre par le Ministère de l’agriculture et de l’élevage.

Dans le cadre de ce projet, elle a bénéficié d’une aide pour l’aménagement du terrain et l’équipement et le matériel nécessaires à son exploitation, ainsi que de semences moyennant un partage des coûts, et a reçu une assistance technique pour l’installation des serres, des structures de jardinage, des systèmes d’irrigation et de l’équipement numérique dont elle avait besoin pour son activité.

Sa vision se concrétise progressivement avec la création de trois vastes serres.

«Le principal avantage de l’hydroponie réside dans le fait qu’elle permet aux plantes et aux légumes de pousser plus rapidement que dans l’agriculture traditionnelle, qui repose sur la terre, et qu’elle prend moins de place», explique Kinley. «Dans une serre, on peut tout vérifier pour s’assurer que les plantes se développent correctement.» 

Kinley ne cesse de développer ses serres et d’accroître les variétés de laitues qu’elle produit à destination d’un marché en pleine croissance. ©FAO/Choki Wangmo

Kinley a à cœur de partager ses connaissances afin d’aider les communautés du Bhoutan à gagner en autonomie. «La pandémie nous a démontré à quel point l’autosuffisance pouvait être importante.»

Ardente défenseuse du recours accru à la culture hydroponique dans le pays, elle offre son savoir-faire pour mettre en place des systèmes et vend son système hydroponique adapté à un prix très avantageux par rapport aux équipements importés.

Environ un tiers de la population bhoutanaise fait face à l’insécurité alimentaire. Avec des terres de plus en plus petites et fragmentées et de nombreux adultes en âge de travailler qui délaissent les zones rurales pour les zones urbaines, il devient de plus en plus difficile de pratiquer une agriculture nécessitant une main-d’œuvre importante.

La pandémie a également mis en évidence combien les zones urbaines étaient tributaires des denrées alimentaires importées de l’étranger ou des zones rurales. Dans ce contexte, le Ministère bhoutanais de l’agriculture continue de mettre en œuvre sa stratégie visant à promouvoir l’agriculture urbaine.

Kinley plaide aussi en faveur de l’autosuffisance et des aliments salubres dans les zones urbaines, comme la capitale, où elle vit.

«En milieu urbain, où la sécurité alimentaire est un enjeu crucial, je m’efforce de faire en sorte que des aliments nutritifs et fraîchement récoltés soient accessibles à tous. Dans un contexte marqué par des modes de vie très prenants et la difficulté d’accéder à des aliments de qualité, nous voulons réduire le gaspillage alimentaire et promouvoir des habitudes alimentaires plus saines», explique Kinley.

En adaptant ses méthodes innovantes aux matériaux disponibles au Bhoutan, Kinley contribue à changer l’avenir de l’alimentation dans ce pays enclavé de l’Himalaya. ©FAO/Choki Wangmo

L’économie bhoutanaise repose en grande partie sur l’agriculture, l’élevage et les forêts; ce secteur fait vivre environ 57 pour cent de la population. Si le secteur agricole affiche une croissance en valeur absolue, sa part dans le produit intérieur brut national ne cesse de diminuer, car d’autres secteurs économiques se développent rapidement.

En outre, la productivité agricole est compromise par toute une série de facteurs, notamment l’urbanisation et le développement rapide, les dégâts causés aux cultures par les animaux sauvages, la fragmentation des terres, les organismes nuisibles et les maladies, la hausse des températures et la pénurie d’intrants agricoles. De ce fait, les objectifs en matière de sécurité alimentaire et d’autosuffisance du Bhoutan sont de plus en plus difficiles à atteindre.

Le projet de la FAO vise à résoudre ces problèmes en rapprochant la production agricole des consommateurs et en répondant à la demande croissante dans les zones urbaines, tout en présentant de nouvelles technologies capables de transformer les systèmes agroalimentaires, et en créant davantage d’emplois et de possibilités de revenus, en particulier pour les femmes et les jeunes.

Aujourd’hui, Kinley emploie neuf personnes, dont la plupart sont des mères célibataires et des jeunes. Actuellement, elle se consacre à la culture de laitues, que son équipe a récoltées trois fois en cinq mois et qu’elle a fournies à des chaînes d’hôtels du pays. Elle produit deux variétés de laitue et prévoit d’en cultiver trois autres et de recruter davantage de personnel à l’avenir, à mesure que son entreprise continuera de se développer.

«Malgré les difficultés, je favorise la technologie comme source d’inspiration pour les jeunes et les femmes dans l’agriculture en raison de sa simplicité», explique Kinley, ajoutant que celle-ci rendait l’agriculture plus attrayante, parce qu’elle était moins pénible sur le plan physique et moins polluante que l’agriculture conventionnelle.

Depuis qu’elle a développé son entreprise en début d’année, elle vend des laitues et des salades dans la capitale et les villes voisines. Elle affirme que si elle parvient à élargir son activité, elle sera en mesure de répondre à la demande croissante du marché.

Grâce à son initiative prometteuse et innovante, Kinley apporte une contribution importante à l’avenir de l’alimentation, inspirant d’autres personnes et dessinant un nouveau modèle de développement agricole pour le Bhoutan.

Liens utiles

Le droit à l’alimentation est un droit humain universel. Cette année, nous défendons ce droit, entre autres. Les aliments dont on se nourrit doivent répondre à des critères de diversité, de nutrition, d’abordabilité, d’accessibilité mais aussi de sécurité sanitaire et de durabilité. Plus de 2,8 milliards de personnes n’ont toujours pas les moyens d’une alimentation saine. Alors que nous approchons du 16 octobre, date de la Journée mondiale de l’alimentation, la FAO insiste sur le fait que le droit à ces aliments, qui répondent à tous ces critères, est indispensable pour assurer à tous de meilleures conditions de vie et un avenir meilleur.

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