Esther Kyalo participe à des activités dans une ferme-école du comté de Kitui (Kenya). Volet essentiel d’un projet national visant à favoriser une croissance agricole et rurale inclusive au Kenya (NARIG pour National Agricultural and Rural Inclusive Growth), conçu et mis en œuvre avec le soutien du Centre d’investissement de la FAO, grâce à un financement de la Banque mondiale, les fermes-écoles aident les exploitants agricoles à développer leurs activités. ©FAO/Peter Safari
Esther Munani Kyalo a rompu avec ses habitudes il y a quelques mois. Depuis l’ouverture de la ferme-école de Kavakaky, cette mère de trois enfants, habitante de la circonscription de Miambani, dans le comté de Kitui (Kenya), et environ 35 autres femmes vivant près de chez elle se rendent à pied jusqu’à une maison voisine, où elles se retrouvent autour d’un poulailler de taille modeste, mais flambant neuf, pour s’y former à l’élevage de volailles.
Dans cette magnifique région vallonnée, ces femmes se réunissent sous un grand manguier pour discuter, assister à des démonstrations, enrichir leurs connaissances et prendre des décisions qui contribueront à l’amélioration de leurs méthodes d’élevage.
À quelques kilomètres de là, Josphat Muthui Kangata boit un thé pour commencer sa journée, puis s’occupe de ses cultures, de ses chèvres et, depuis quelques mois, de ses abeilles.
Tous les vendredis, un groupe d’apiculteurs se réunit et prend place sur les quelques chaises en plastique installées dans l’arrière-cour de la maison de cet agriculteur de 72 ans. Ruth Kavinya, une agricultrice locale, anime ces réunions dont l’objectif est d’améliorer la qualité du miel produit par ce groupe et d’augmenter les volumes de production.
Au Kenya, l’élevage, y compris l’apiculture et l’aviculture, joue un rôle socioéconomique important. Dans les régions arides et semi-arides du pays, comme Kitui, les familles tirent de ces activités jusqu’à neuf dixièmes de leurs revenus. Faire de ces activités familiales une pratique commerciale peut contribuer de manière considérable à l’amélioration des revenus des exploitants agricoles et à la réduction de la pauvreté dans les zones rurales. Les fermes-écoles constituent un volet essentiel de cette évolution.
L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a contribué, par l’entremise de son Centre d’investissement, à la conception et à la mise en œuvre d’un projet national visant à favoriser une croissance agricole et rurale inclusive au Kenya (NARIG) et l’Association internationale de développement de la Banque mondiale en assure le financement. Le Centre d’investissement a favorisé le déploiement dans tout le pays de fermes-écoles en vue de renforcer de manière pérenne les capacités des populations agricoles. En huit ans, le projet NARIG a permis de soutenir près de 300 000 agriculteurs.
En haut, à gauche: Esther et d’autres membres de son groupe de la ferme-école analysent l’état de santé de leurs poulets. En bas, à droite: Josphat récolte du miel dans une ruche traditionnelle en bois. ©FAO/Peter Safari
En dépit de la longueur de la séance de formation, qui dure de trois à quatre heures, et de la chaleur de plus en plus écrasante, Esther garde le sourire. En participant à ces séances, elle pourra améliorer son activité et contribuer au développement local. Les participants peuvent ainsi mobiliser leurs acquis à l’issue de ces formations pour sélectionner et appliquer de nouvelles techniques, innovations et pratiques en matière de gestion. Ces séances permettent souvent aux exploitants agricoles, au-delà de l’acquisition de nouvelles connaissances, de regrouper leurs moyens de production ou de commercialiser ensemble leurs produits, ainsi que de bénéficier d’un meilleur accès à l’information et à l’innovation.
Une fois les trois groupes formés, chacun d’entre eux procède à un exercice d’analyse comprenant des étapes d’observation, de mesure et de collecte de données sur le poids, la taille et l’état de santé des individus.
Le groupe d’Esther a décidé d’axer son travail sur l’étude de différents types d’aliments pour volailles et sur leurs effets du point de vue de la santé et de la croissance des poulets. Une fois les données recueillies, chaque groupe présente ses conclusions, en discute avec les deux autres groupes et formule des propositions, telles que le choix du meilleur type de produits alimentaires pour volailles.
Des solutions à des problèmes concrets
Avant de se former dans une ferme-école, Esther et Josphat connaissaient tous deux des difficultés dans leur exploitation.
«Le taux de mortalité des poulets était élevé et la croissance des individus qui survivaient était très lente. Il était très difficile de tirer un revenu décent de l’aviculture, car seule une petite partie de la production pouvait être vendue», explique Esther.
Grâce aux connaissances acquises à la ferme-école, elle utilise de nouveaux aliments pour ses volailles, s’est familiarisée avec la vaccination et a acheté de nouveaux équipements. Et les résultats sont éloquents: «Avant, j’élevais entre 10 et 15 poulets et, actuellement, j’en élève 295.»
Fière d’être aujourd’hui une «vendeuse de volailles reconnue» dans la région, elle est déterminée à poursuivre ses efforts.
Josphat produisait déjà du miel, mais le vendait à un prix très faible en raison de sa piètre qualité. Les rendements étaient bas, car des abeilles mouraient ou s’échappaient au moment de la récolte. Grâce aux légères modifications apportées à la ruche traditionnelle fabriquée dans un rondin de bois, le miel est désormais pur.
«Avant, nous vendions ensemble le miel et les alvéoles pour un montant de 80 KES (soit 0,62 USD) le kilo. Depuis le lancement du programme, nous avons appris à récolter du miel pur et nous vendons actuellement le kilo à 1 000 KES (soit 7,80 USD). L’apiculture est désormais notre unique source de revenus.»
Les nouvelles techniques d’alimentation et d’approvisionnement en eau des abeilles, les mesures de lutte contre les organismes nuisibles et les pratiques de sécurité sanitaire ont permis au groupe de Josphat d’exploiter davantage de ruches, dont le nombre est passé de sept à 48.
Grâce aux fermes-écoles, qui sont le fruit d’un partenariat entre la FAO, les pays concernés et des bailleurs de fonds comme la Banque mondiale, les exploitants agricoles parviennent à améliorer considérablement leurs moyens de subsistance en mettant à profit des techniques et des compétences spécialisées. ©FAO/Peter Safari
Une assise communautaire
Dans le seul comté de Kitui, plus de 400 fermes-écoles ont été créées. Gustavus Mwambui Muli, agent de vulgarisation de l’administration publique et formateur principal du projet à Kitui, a formé 105 animateurs.
«Les exploitants agricoles sont un peu perplexes lorsqu’ils découvrent de nouvelles pratiques. Les fermes-écoles leur permettent d’expérimenter et de comparer ces pratiques, et de prendre ensuite des décisions en connaissance de cause», explique Gustavus Mwambui Muli.
D’après Gustavus, les retombées du projet NARIG sont déjà concrètes: «Certains éleveurs vendaient leur production une fois par an. Aujourd’hui, ils mettent leurs volailles sur le marché trois fois par an, car ils ont adopté des races à la croissance plus rapide ou ont choisi une meilleure alimentation qui favorise la croissance et une mise en vente plus précoce. C’est très satisfaisant de voir les conditions de vie de la population s’améliorer grâce aux fermes-écoles.»
Les fermes-écoles, qui constituent l’un des principaux instruments de la FAO, ont été déployés à grande échelle au Kenya dans le cadre du projet NARIG.
«Cette approche des fermes-écoles a été très utile, car elle nous a permis de former des exploitants agricoles locaux dans 21 comtés pour qu’ils deviennent animateurs. Environ 11 000 fermes-écoles ont été mises en place dans tout le pays et près de 300 000 exploitants agricoles ont bénéficié de leur soutien», déclare Mary Maingi, coordonnatrice nationale du développement à assise communautaire du projet NARIG.
Depuis la fin des années 1980, des fermes-écoles ont été déployées dans plus de 90 pays du monde. Grâce aux fermes-écoles, qui sont le fruit d’un partenariat entre la FAO, les pays concernés et des institutions financières internationales comme la Banque mondiale, les agriculteurs parviennent à améliorer considérablement leurs conditions de travail et leurs moyens de subsistance en mettant à profit des techniques et des compétences spécialisées.
Cet article s’inscrit dans une série destinée à marquer le 60e anniversaire du Centre d’investissement de la FAO, en mettant en exergue des décennies de partenariats, d’initiatives et d’investissements qui ont donné forme aux systèmes agroalimentaires. Découvrez comment le Centre d’investissement de la FAO continue de stimuler les investissements et des solutions de financements au service de l’agriculture, et transforme ainsi des milliers de vies dans le monde entier.
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