Lorsque la présence du rhinocéros du cocotier a été détectée dans les Îles Marshall, l’état d’urgence a été instauré et le Gouvernement a demandé l’aide de la FAO. L’infestation de ce coléoptère n’est pas seulement un problème agricole, c’est une crise qui met en péril le fondement de la culture insulaire: les plantations de noix de coco. ©Kalman Kovats, tiré de Pixabay
Dans les îles Marshall, où les eaux turquoise de l’océan Pacifique entourent les constellations d’atolls, le cocotier domine majestueusement comme un emblème vital de la subsistance et un profond symbole culturel.
Surnommé affectueusement «l’arbre de vie», le cocotier est profondément ancré dans le mode de vie marshallais. C’est un arbre qui a inspiré des légendes et répond à de multiples objectifs pratiques.
L’une de ces légendes raconte l’histoire d’un immense cocotier qui serait sorti de la tombe d’un chef vénéré. On dit que ses frondes s’élevaient vers les cieux tandis que ses racines s’enfonçaient dans les profondeurs de la terre, jetant ainsi un pont sacré entre le monde des esprits et celui des humains.
Ce récit illustre le lien spirituel profond qui unit les habitants des Îles Marshall à la nature.
Au quotidien, chaque élément du palmier est utilisé avec le plus grand respect; les frondes sont tissées pour fabriquer des toits de chaume et des nattes, les troncs servent à fabriquer de solides canoës et les noix de coco sont un aliment incontournable.
Au-delà de ces usages, le cocotier symbolise la résilience et la continuité, et rappelle à la population que la vie est un tout.
Pourtant, ce bien culturel et écologique fondamental est aujourd’hui fragilisé par le rhinocéros du cocotier (Oryctes rhinoceros). Originaire des pays asiatiques, cet insecte est un organisme nuisible qui s’est répandu dans plusieurs régions du Pacifique, où il met en péril l’agriculture et les écosystèmes locaux.
Face à cette situation, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a évalué les effets de la présence de ce scarabée et lancé des interventions stratégiques afin d’enrayer sa propagation.
Les scarabées adultes sont nuisibles car ils creusent dans les palmes et les spathes des cocotiers qui ne sont pas encore ouvertes, et se nourrissent des fibres internes. Les dégâts causés aux spathes aboutissent à la perte des noix. Cela nuit à la production et à l’exportation des produits de la noix de coco, réalisées avant tout par de petits exploitants agricoles. ©FAO/ Kesavan Subaharan
Les scarabées rhinocéros adultes, reconnaissables à la corne proéminente des mâles utilisée dans les combats pendant la saison des amours, peuvent mesurer entre 35 et 50 millimètres en longueur.
La présence de cet organisme nuisible a d’abord été observée à proximité de l’aéroport international Amata Kabua, à l’ouest de la ville de Rairok au sud de l’atoll de Majuro, la capitale de la République des Îles Marshall. Cette découverte a été jugée si dangereuse que le Gouvernement des Îles Marshall a décrété l’état d’urgence dans le pays le 2 octobre 2023.
Le cycle de vie du rhinocéros du cocotier est marqué par une métamorphose complète, qui va du stade d’œuf à celui de larve, puis de nymphe et se termine avec le stade adulte. Les femelles pondent leurs œufs dans la matière végétale en décomposition, par exemple les troncs de cocotiers et les tas de feuilles, où les larves (des vers blanc crème à tête brune) se nourrissent et grandissent, atteignant jusqu’à 60 millimètres de long.
Ce stade peut durer plusieurs mois (en fonction des conditions environnementales) avant que les insectes ne se transforment en pupes dans des alvéoles en terre et atteignent l’âge adulte au bout de 20 à 25 jours.
Les coléoptères adultes ont un effet particulièrement destructeur car ils creusent dans les feuilles de palmier non ouvertes pour se nourrir des fibres essentielles, ce qui cause des dégâts aux spathes et entraîne la perte des régimes de noix. Ces dégâts font diminuer les rendements de la production de noix de coco, qui est un produit d’exportation crucial dans ce pays, cultivé en majorité par des petits exploitants agricoles et valorisé à quelque 15 millions d’USD par an.
Puisque la noix de coco est cultivée sur la majeure partie des îles, à l’exception des atolls les plus urbanisés, l’infestation de coléoptères n’est pas seulement un problème agricole, mais une crise qui ébranle les piliers de la culture insulaire.
L’approche de la FAO en matière de lutte intégrée contre les ravageurs réduit la dépendance à l’égard des pesticides, qui peuvent aggraver les problèmes liés aux ravageurs et créer des risques pour l’environnement et la santé humaine. La FAO a formé des spécialistes locaux de la protection des plantes afin d’accroître les capacités du pays à lutter efficacement contre ces ravageurs. © Oscar, tiré de Pixabay
À la demande du Gouvernement, la FAO a pris la tête des actions visant à lutter contre ces ravageurs et à en maîtriser la propagation. Ces mesures prévoient le traitement des arbres touchés et la mise en œuvre de solutions de lutte intégrée contre les ravageurs, spécialement adaptées aux besoins spécifiques de ces îles.
M. Shoki AlDobai, chef de l’équipe de la FAO chargée des acridiens, ravageurs et maladies transfrontalières des végétaux, a souligné le caractère essentiel de ces mesures: «Cette aide urgente vise à protéger les ressources vitales en noix de coco et les conditions de vie des populations insulaires, ainsi qu’à consolider la riposte du Gouvernement à l’épidémie de rhinocéros du cocotier».
La stratégie plus globale de la FAO en matière de lutte intégrée vise à réduire la dépendance à l’égard des pesticides, qui peuvent aggraver les problèmes liés aux ravageurs et créer des risques pour l’environnement et la santé humaine.
Cette approche trouve un équilibre entre les ravageurs et leurs ennemis naturels, en intégrant des stratégies biologiques, physiques et culturales afin de maintenir des cultures saines et de limiter autant que possible le recours aux pesticides. On cherche ainsi à promouvoir une approche écosystémique durable, qui est favorable aux moyens naturels de lutte contre les organismes nuisibles et qui encourage des cultures résilientes, sans utiliser, dans la mesure du possible, les traitements chimiques.
M. Maged Elkahky, fonctionnaire agricole de la FAO spécialiste des acridiens, des ravageurs et des maladies transfrontalières des végétaux, a mis en exergue l’importance d’appliquer les mesures phytosanitaires, de sensibiliser et de surveiller régulièrement les organismes nuisibles transfrontaliers des plantes, comme le rhinocéros du cocotier, afin d’empêcher leur arrivée. La détection précoce de ce scarabée et d’autres organismes nuisibles similaires permet d’agir rapidement et augmente les chances de pouvoir endiguer leur propagation, voire de les éradiquer.
Des sessions de formation destinées aux fonctionnaires sur le terrain et aux spécialistes de la protection des plantes ont été indispensables au renforcement des capacités locales à lutter efficacement contre cet organisme nuisible. De surcroît, un plan d’action national a été rédigé afin d’améliorer la surveillance et la coordination entre les parties prenantes, d’empêcher la propagation du coléoptère dans de nouvelles zones et de faire connaître les stratégies efficaces de lutte contre les ravageurs dans toutes les îles.
M. Hemant Nitturkar, fonctionnaire agricole de la FAO au Samoa, a insisté sur l’importance de développer les connaissances et la participation des habitants en vue de la prévention, la maîtrise et la gestion des ravageurs transfrontaliers, parallèlement à la promotion de technologies accessibles et adaptées au contexte.
Cette action coordonnée a permis de limiter la présence du ravageur à l’atoll de Majuro, illustrant ainsi le dynamisme d’un processus dynamique ancré dans les principes écologiques. Elle vise à préserver les fonctions des écosystèmes tout en préservant le patrimoine des Marshallais et l’«arbre de vie» auquel ils tiennent tant.
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