On trouve en Asie de l’Ouest et en Afrique du Nord de vastes zones de steppes et de déserts propices au pastoralisme en raison des caractéristiques arides et montagneuses de ces milieux. Les zones pastorales de cette région comprennent des montagnes de haute altitude, la côte méditerranéenne et le désert du Sahara. Les représentations que l’on se fait du pastoralisme dans l’imaginaire populaire, notamment celles des éleveurs bédouins, viennent de cette région. Les communautés pastorales comprennent les Bédouins, les Beja, les Kurdes, les Berbères, les Touaregs et les Sahraouis, qui sont des groupes minoritaires dans les pays où ils vivent. La région du Maghreb, comprenant le Maroc, la Tunisie, l’Algérie, la Libye et la Mauritanie, revêt une importance particulière pour le pastoralisme, et presque tous les ménages ruraux de la région élèvent du bétail. Les parcours steppiques couvrent 20 millions d’hectares en Algérie, environ 53 millions d’hectares au Maroc et 5,5 millions d’hectares en Tunisie. La région compte aussi l’Iran et la Türkiye, membres de la Ligue des États arabes.
Cette région est connue pour sa pratique traditionnelle de gestion des pâturages en rotation, appelée Agdal chez les Berbères et Hima chez les Bédouins. On notera tout particulièrement que la Jordanie a été saluée pour avoir consacré cette pratique dans la loi au moyen de sa stratégie pour les parcours. La viande est le principal produit pastoral, les petits ruminants constituant la majorité du cheptel pastoral. Quant au lait, les petits ruminants fournissent 22 pour cent de la production en Algérie et 35 pour cent de la production en Libye, par exemple. La région compte également une large population de chameaux.
Au fil des ans, le changement climatique s’est intensifié, entraînant de graves sécheresses, la perturbation des régimes des pluies, une pénurie d’eau et une désertification accrue, autant de phénomènes qui ont des effets directs sur des parcours essentiels. Par exemple, la sécheresse a fait disparaître une grande partie des espèces steppiques, telles que le sparte, l’atriplex et l’armoise commune. L’expansion urbaine et l’agriculture industrielle ont empiété sur les territoires des pasteurs, limitant leur mobilité et leur accès à des pâturages ancestraux. En raison de l’absence de reconnaissance officielle des systèmes coutumiers de gouvernance foncière et des pratiques traditionnelles, leurs ressources ne sont pas bien protégées sur le plan juridique. Les conflits en cours dans la région perturbent les voies de migration traditionnelles et déplacent les communautés, ce qui a des répercussions sur les structures sociales et l’accès à la terre. Certains pays font l’objet de sanctions économiques qui limitent l’accès des pasteurs aux ressources, aux marchés et à l’aide au développement.
En outre, en raison de la persistance de la mentalité coloniale, les connaissances pastorales et systèmes de gestion traditionnels sont dévalorisés, et il est souvent donné la priorité aux approches industrialisées de l’utilisation des terres et de la conduite de l’élevage. Ces facteurs combinés ont entraîné un déclin de la mobilité pastorale et des organisations coutumières, menaçant la durabilité des moyens de subsistance traditionnels des pasteurs dans la région. Au Maroc, par exemple, le nombre de nomades a diminué de 63 pour cent en l’espace d’une décennie, passant d’environ 68 500 en 2004 à seulement 25 000 en 2014. Les communautés nomades restantes sont concentrées principalement dans les steppes orientales et dans les régions méridionales du Maroc. En outre, la population jeune a connu une croissance rapide, et les moins de 30 ans représentent aujourd’hui 70 pour cent de la population du Maghreb. De nombreux pasteurs ont abandonné le pastoralisme et se sont installés dans les villes ou dans d’autres pays; ils sont notamment de plus en plus à migrer en Europe.
Plusieurs initiatives clés ont permis de renforcer les mesures de sensibilisation et de soutien à destination des pasteurs de la région. La formation de groupes de soutien régionaux pour l’Année internationale du pastoralisme et des pâturages (2026) et l’Année internationale des camélidés (2024) a renforcé la mobilisation des parties prenantes dans l’ensemble de la région. Les organisations de la société civile (OSC) et les organisations locales ont redoublé d’efforts pour souligner le rôle essentiel des pasteurs dans la conservation de la nature et de la biodiversité. Le Consortium APAC contribue à promouvoir le concept des «territoires de vie», en mettant en exergue les pratiques traditionnelles d’utilisation des terres et les systèmes de gouvernance traditionnels pour les pasteurs. Son initiative de soutien mondial a permis aux communautés de faire valoir leurs droits fonciers et de favoriser l’utilisation durable des parcours.
Les pasteurs d’Asie de l’Ouest et d’Afrique du Nord entrevoient plusieurs priorités, notamment le renforcement du soutien aux fins de la reconnaissance de leur mobilité, de leurs droits collectifs et de leurs institutions de gouvernance coutumière pour garantir un accès sécurisé aux pâturages et aux voies de migration. Il est essentiel d’investir dans la résilience face au climat au moyen de la gestion durable des terres et de l’eau, d’animaux tolérant la sécheresse et de la restauration des écosystèmes. Dans un souci de durabilité, il est essentiel d’étendre les services mobiles (santé, éducation et soins vétérinaires) et d’améliorer le soutien économique grâce à l’accès au marché. En reconnaissant l’intégrité des territoires des pasteurs et en les soutenant au moyen d’initiatives menées dans le cadre de l’Année internationale du pastoralisme et des pâturages, on confirmera leurs rôles. Les programmes de résolution des conflits et les plateformes de partage des connaissances à différents niveaux seront essentiels, en particulier pour les femmes et les jeunes. Il est en outre indispensable d’associer les communautés pastorales aux processus décisionnels relatifs à la conservation pour atteindre les objectifs en matière de biodiversité, œuvrer à l’adaptation au climat et favoriser la restauration des terres, en veillant à ce que ces efforts soient éclairés non seulement par les savoirs traditionnels mais aussi par les points de vue des jeunes.
La Plateforme a soutenu le développement du Réseau régional de pasteurs arabes. Une réunion régionale de l’Alliance mondiale des peuples autochtones transhumants pour l’Asie de l’Ouest et l’Afrique du Nord s’est tenue à Tunis (Tunisie) en janvier 2016; des représentants de 10 pays y ont participé. Toujours en 2016, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) en Jordanie a contribué à la création du réseau arabe des communautés pastorales (Pasto-Arab). Ce réseau a ensuite été associé à des activités de plaidoyer et de défense des droits, telles que la reconnaissance de la gestion traditionnelle des pâturages au moyen du système Hima et la participation à la Conférence arabe sur la gouvernance foncière.
Des représentants du réseau Pasto-Arab ont défendu les intérêts pastoraux au sein du Mécanisme de la société civile du Comité de la sécurité alimentaire mondiale et ont participé à la réunion FAO-CIHEAM sur le pastoralisme méditerranéen par l’intermédiaire de la représentation de la coopérative Alnawatif en Jordanie. Avec le soutien de la Plateforme, le réseau Pasto-Arab a également participé aux discussions menées dans le cadre du Programme mondial pour un élevage durable par l’intermédiaire de la représentation du Maroc. Des représentants du Centre pour le développement durable et l’environnement, d’Iran, ont participé à la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification en Chine, en 2017, et en Inde, en 2019, ainsi qu’à la conférence de remise du prix Prince Mahidol en Thaïlande, en janvier 2018.
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Liens utiles:
Alliance mondiale des peuples autochtones transhumants
Centre pour le développement durable et l’environnement (CENESTA)
Contacts régionaux:
Asie de l’Ouest: Khalid Khawaldeh / Nahid Naghizadeh
Afrique du Nord: Fagouri Said / Osman Hussein Abu Bakar