Segment de haut niveau de Silva Mediterranea: repeupler les forêts méditerranéennes pour renforcer la résilience face au climat et restaurer les écosystèmes
30/01/2025
Les forêts méditerranéennes sont confrontées à une crise de plus en plus grave en raison des pressions exercées et par le changement climatique et par l’utilisation non durable des ressources, ce qui menace l’existence de ces écosystèmes.
Le segment de haut niveau qui s’est tenu lors de la 8e Semaine forestière méditerranéenne à Barcelone (Espagne) a marqué une étape considérable dans les efforts déployés pour préserver et restaurer les forêts méditerranéennes. Cette réunion a rassemblé des représentants de gouvernements et d’organisations internationales ainsi que des spécialistes afin de discuter des moyens de renforcer les efforts de collaboration et d’esquisser une vision pour l’avenir des forêts méditerranéennes. Ces forêts sont vitales pour renforcer la résilience face aux changements climatiques, conserver la biodiversité et réduire les risques de catastrophe. Ce segment a mis l’accent sur l’importance de la coopération régionale et des solutions fondées sur la science.
Vers une feuille de route pour la préservation et la restauration des forêts méditerranéennes
La feuille de route pour la préservation et la restauration des forêts méditerranéennes s’articule autour de trois principaux objectifs: la préservation et la restauration des écosystèmes forestiers, et l’utilisation durable des services qu’ils fournissent. Les prochaines étapes porteront sur la création d’une initiative plus inclusive et intersectorielle en s’appuyant sur les plateformes existantes. L’accent est mis sur une meilleure intégration de la science, des politiques et de la pratique à tous les niveaux.
Ce programme ambitieux, nommé «Initiative pour les forêts méditerranéennes» (IFM), doit être mis en place pour une décennie à partir de 2025. Il repose sur les plateformes régionales et les cadres institutionnels existants, notamment l’Engagement d’Agadir, la Déclaration de Broummana, la Déclaration d’Agadir, la Déclaration ministérielle d’Antalya, la Convention de Barcelone/le Plan d’action pour la Méditerranée du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et la Déclaration d’Athènes. Les pays méditerranéens s’efforcent de renforcer la protection et la restauration des forêts méditerranéennes par la mise en œuvre d’une approche holistique et intersectorielle. Cette feuille de route vise à fournir un cadre renforcé et un soutien scientifique et pratique accru à ceux qui travaillent en première ligne pour la conservation des forêts. L’IFM vise essentiellement à faciliter l’action intersectorielle, interdisciplinaire et interministérielle en faveur des forêts, en entamant un dialogue avec un large éventail d’acteurs afin d’apporter des solutions pertinentes et reproductibles.
Il est prévu de mettre en place un groupe de travail pour cette initiative qui sollicitera la participation du Secrétariat de Silva Mediterranea, des États membres, des institutions techniques et des donateurs, en veillant à suivre une approche ascendante, à harmoniser l’initiative avec les cadres existants et à ce que celle-ci réponde aux priorités régionales. Ce groupe de travail pourrait être animé par le Secrétariat de Silva Mediterranea.
Table ronde sur la coopération et l’engagement régionaux
La table ronde a mis en avant l’importance de passer d’une gestion réactive à une gestion proactive des risques de catastrophe, comme l’a souligné Maria Jesus Rodriguez de Sancho du Ministère espagnol de la transition écologique et du défi démographique. Elle a insisté sur la nécessité d’accomplir des actions en aval de la restauration qui profitent à la biodiversité et améliorent le bien-être de la société.
Chadi Mohanna, du Ministère libanais de l’agriculture, a souligné, d’une part, l’envergure du travail déjà réalisé par de multiples entités de la région méditerranéenne pour rendre ses forêts plus durables, et, d’autre part, l’importance de partager et de rassembler les efforts existants au sein d’une plateforme commune. M. Mohanna a également exprimé son inquiétude quant à la sous-utilisation des fonds disponibles. Il affirme que, pour garantir une bonne utilisation des ressources et le succès de l’IMF, il est indispensable que Silva Mediterranea, organe statutaire historique bien établi dans la région, catalyse le processus moyennant l’engagement renforcé de tous les membres de Silva Mediterranea ainsi que d’autres partenaires et parties prenantes. Ümit Turhan, président de Silva Mediterranea, et Enrico Pompei, du Ministère italien de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et des forêts, ont tous deux mis en avant à quel point il était crucial de renforcer la coopération régionale entre les États membres et d’améliorer la communication entre les scientifiques et les responsables de l’élaboration des politiques afin d’accentuer l’impact collectif résultant des efforts de restauration.
Selon Abdallah Alzyod, du Ministère jordanien de l’environnement, il est capital d’établir une méthodologie efficace pour développer la feuille de route commune à toutes les parties et tous les pays. Il a proposé la création d’un groupe de travail pour finaliser cette feuille de route au cours des prochains mois, en faisant activement participer les points focaux chargés des questions relatives aux forêts, à l’environnement, au climat et à la société civile des pays et des partenaires, en vue de favoriser le partage des responsabilités et le renforcement de la coopération. Le groupe de travail s’efforcera de définir les objectifs communs, les actions prioritaires et le calendrier.
Andrea Kutter, du Groupe de la Banque mondiale, a exposé brièvement le soutien de son organisation à la montée en puissance des initiatives de restauration des forêts. Mme Kutter a souligné à quel point une approche centrée sur les personnes et l’engagement du secteur privé étaient essentiels, ainsi que l’importance que revêt l’obtention de ressources financières pour transposer à une plus grande échelle les efforts déployés en faveur des questions forestières et en amplifier l’incidence. Conformément à la stratégie de la Banque mondiale, la valorisation économique des forêts a été présentée comme une condition préalable à l’intervention du secteur privé et à la mobilisation de financements supplémentaires en faveur des programmes de restauration des forêts. La stratégie a également mis en évidence la nécessité de surmonter les capacités limitées dont disposent les partenaires, les gouvernements et les organisations à l’échelle locale, ce qui reste un obstacle important à la mise en œuvre d’initiatives forestières à grande échelle. Elle a conclu en incitant toutes les personnes présentes à mettre en place la feuille de route, en sollicitant l’aide de toutes les organisations existantes pour guider cette activité et apporter une assistance technique et des investissements. Elle a également noté que Silva Mediterranea pourrait constituer une excellente plateforme pour coordonner et faire connaître les progrès accomplis et favoriser l’échange de connaissances.
Stratégies de financement
L’attention s’est tournée vers la stratégie de résilience face aux incendies et aux forêts adoptée par la Californie, qui a bénéficié de centaines de millions de dollars d’investissements dans le cadre du programme de commercialisation du carbone de cet état. Une question importante a été soulevée quant à la possibilité pour des initiatives comme l’IMF de s’inspirer de cadres existants, notamment le Partenariat méditerranéen d’action pour le climat, qui intègre des actions de lutte contre les changements climatiques dans l’ensemble de la région.
Concernant l’IMF, il pourrait être avantageux d’étudier des modèles de financement ayant fait leurs preuves, notamment ceux mis en œuvre en Australie et aux États-Unis d’Amérique. Ces modèles pourraient être une source d’idées novatrices pour trouver des ressources financières au service des forêts méditerranéennes.
La Convention de Barcelone a été citée comme étant un cadre idéal pour développer le financement dans tout le bassin méditerranéen. Il a également été évoqué que le cinquantième anniversaire de la Convention de Barcelone en 2026 pourrait être une occasion formidable de revoir le cadre qu’il offre et d’explorer de nouvelles voies pour le financement des initiatives de restauration des écosystèmes dans la région.
Collecte de données et partage des connaissances: collaboration et défis
L’un des principaux défis abordés a été le recueil de données, qui nécessite l’intégration du savoir-faire scientifique et l’engagement de représentants d’institutions scientifiques. À cet égard, la sous-exploitation de la recherche scientifique a fréquemment suscité l’inquiétude. Quelque 20 pour cent des conclusions de la recherche ne sont pas exploitées suffisamment, notamment parce que leurs données ne sont pas publiées ou rédigées de manière à être accessibles aux responsables de l’élaboration des politiques.
Cette situation est particulièrement évidente dans les pays du sud de la Méditerranée, où il existe moins de données alors qu’elles seraient fondamentales pour les décideurs. Des exemples actuels de portails web pour les données ouvertes ont été présentés, notamment ceux du Ministère espagnol de la transition écologique pour le suivi de la biodiversité, et le Système italien d’informations forestières, qui regroupe les données de la Conférence ministérielle pour la protection des forêts en Europe en vue de la planification de la gestion des forêts.
Principaux éléments à retenir et étapes à venir
Cette session a souligné l’importance de placer les populations au centre des efforts de restauration des forêts, non seulement pour ce qui est des communautés locales, mais aussi dans le contexte plus large de la frontière entre les campagnes et les villes et de l’agroforesterie. L’augmentation du soutien financier pour les forêts méditerranéennes, qui est constitué de financements privés et publics, a été qualifiée d’essentielle, au même titre que des mécanismes de financement innovants comme le financement à des fins climatiques.
La session a appelé à accroître l’inclusivité dans le partage des connaissances comme dans l’intégration des données: la région méditerranéenne abrite une richesse de connaissances en matière de gestion des forêts, et il est vital de recueillir ces connaissances et de les intégrer dans l’élaboration des politiques.
Christophe Besacier (FAO) et Elisabeth Sellwood (PNUE)