Alimentation et agriculture durables

Le Nicaragua, où il existe une grande tradition de l’agroécologie, actualise sa politique en faveur de la production agroécologique

Au Nicaragua, la FAO utilise le Fonds multidisciplinaire pour faciliter la mise en place d’initiatives de promotion de la production agroécologique et de l’agriculture biologique
11 June 2020

L’institutionnalisation de l’agroécologie

Au Nicaragua, comme dans d’autres pays d’Amérique latine, les pratiques agroécologiques sont utilisées par les paysans depuis plusieurs siècles. Ce n’est pourtant qu’à partir de 2007, avec la mise sur pied d’un processus multipartite mené par des organisations non gouvernementales (ONG) et des associations d’agroécologie, que l’on a commencé à institutionnaliser les principes de l’agroécologie et de l’agriculture biologique. Ces usages ont alors été reconnus et mis en avant dans l’agriculture familiale au niveau national et présentés comme un autre moyen de favoriser une intensification durable de l’agriculture.

C’est dans le cadre du processus de concertation baptisé «Mesa orgánica» qu’est né en 2009 le Mouvement national des producteurs et productrices agroécologiques et biologiques (MAONIC), qui s’emploie à élaborer des propositions pour promouvoir la production agroécologique et biologique à l’échelle nationale. De même, l’Union nationale des agriculteurs et des éleveurs du Nicaragua (UNAG), organisation professionnelle qui compte plus de 70 000 membres, a présenté cette dernière décennie plusieurs projets et programmes en faveur du développement de l’agroécologie qui ont donné d’excellents résultats à très grande échelle.

La loi no 765 sur la promotion de la production agroécologique et biologique, promulguée en 2011, a été suivie, en 2012, d’un décret exécutif réglementant son application, puis, en 2013, de la Norme technique obligatoire nicaraguayenne (NTON - 11 037–12) relative aux caractéristiques, à la réglementation et à la certification des sites de production agroécologique.

La loi no 765, son règlement d’application et la NTON ont été examinés et approuvés sur la base des droits, des devoirs et des aspirations des femmes et des hommes qui ont adhéré aux bonnes pratiques agroécologiques et biologiques dans le cadre de la gestion de leur exploitation. Il s’agit d’une contribution majeure à la santé des familles paysannes, à la souveraineté et la sécurité alimentaires et à une consommation saine et nutritive, qui renforce les capacités d’innovation organisationnelles et techniques en vue de faire face aux dangers que représente la progression du changement climatique.

La FAO en action

Vers une agriculture et une alimentation durables

Aujourd’hui, plus que jamais, il faut évoluer d’urgence vers des systèmes agroalimentaires durables et efficaces qui se fondent sur une agriculture intelligente face au climat. Ces systèmes doivent produire des aliments sains qui nous permettront de relever le défi de nourrir une population mondiale qui croît et qui a besoin d’aliments, d’énergie, d’emplois et de produits agricoles de meilleure qualité et en plus grande quantité. Une telle augmentation de la production ne peut en aucun cas se faire au détriment de la planète.

C’est dans cet esprit que la FAO travaille d’arrache pied pour faciliter la transformation des systèmes agroalimentaires et qu’elle a jeté le bases du développement des possibilités offertes par l’agroécologie au Nicaragua. L’Organisation a contribué à renforcer la politique de promotion de la production agroécologique et de l’agriculture biologique, qui a pour finalité principale de favoriser la mise en place et le développement de systèmes agroalimentaires intégrés, durables, inclusifs et résilients face au changement climatique, bâtis sur les principes de l’agroécologie, afin d’améliorer les conditions de vie des producteurs et des consommateurs, de garantir l’accès des populations à des produits sains et de restaurer et d’améliorer les services écosystémiques.

Le renforcement de cette politique est indispensable dans un pays comme le Nicaragua, où l’agroécologie peut être pratiquée dans le cadre d’une agriculture familiale. Il s’agit d’une agriculture traditionnelle qui fournit près de 80 pour cent de l’alimentation dont se nourrit la population et utilise moins de 40 pour cent des sols qui se prêtent à l’agriculture.

L’agriculture familiale fournit à la population nicaraguayenne des produits essentiels de son alimentation quotidienne: elle représente plus de 60 pour cent de la production de haricots, plus de 50 pour cent de la production de maïs et plus de 40 pour cent de la production de viande de porc, et au moins 30 pour cent de la production nationale de viande et de lait, de racines et de tubercules, de légumes et de cacao.

La production agroécologique repose sur l’idée qu’il faut promouvoir l’approvisionnement durable des biens naturels et la production de services écosystémiques, et consiste à adopter des pratiques de conservation et de gestion durable dans les activités de production en puisant dans les connaissances ancestrales et les pratiques culturelles axées sur l’agroécologie ainsi que dans les avancées technologiques d’aujourd’hui, le tout en tenant compte du milieu et des acteurs locaux. Elle contribue ainsi directement à la réduction de la pauvreté et à l’amélioration de la sécurité alimentaire et nutritionnelle, mais aussi à l’atténuation du changement climatique et à l’adaptation à ses effets.

Progrès accomplis dans l’exploitation des possibilités offertes par l’agroécologie au Nicaragua

En 2018, le Gouvernement du Nicaragua a demandé à la FAO de lui fournir une assistance technique dans le cadre de la révision et de l’actualisation de sa politique de promotion de la production agroécologique au Nicaragua, sous la direction du Ministère de l’agriculture.

C’est ainsi que s’est amorcé le processus d’actualisation de la politique, avec la participation des principaux acteurs qui interviennent dans le développement de l’agroécologie et de l’agriculture biologique, parmi lesquels: le Ministère de l’agriculture; le Ministère de l’économie familiale, communautaire, coopérative et associative; le Ministère de l’environnement et des ressources naturelles; des organismes publics tels que l’Institut nicaraguayen de technologie agricole ou l’Institut de protection et de santé agricoles; des université et institutions de recherche telles que l’Université nationale autonome du Nicaragua (UNAN-León), l’Université nationale autonome du Nicaragua (UNAN), l’Association des travailleurs des champs (ATC); des mouvements sociaux comme, par exemple, MAONIC, l’UNAG, l’Union nationale agricole de producteurs associés (UNAPA); le secteur privé, qui commercialise les produits biologiques nicaraguayens sur les marchés nationaux et internationaux (essentiellement du café et du cacao, mais aussi des fruits tropicaux).

Le processus de révision, d’actualisation et de formulation de la politique nationale de promotion de la production agroécologique et de l’agriculture biologique a duré environ une année au cours de laquelle plusieurs ateliers et échanges avec des experts nationaux et internationaux ont été organisés.

Un Plan de mise en œuvre de la politique, dans lequel sont exposées les actions stratégiques prioritaires et les techniques à mettre au point, a également été élaboré.

Enfin, toujours dans le cadre d’un processus participatif et à l’issue de consultations régionales, les éléments nécessaires à la conception du projet d’investissement «Agriculture familiale agroécologique» ont été réunis. Cette stratégie agroalimentaire pour l’après-covid-19 permettra au Nicaragua d’intensifier l’exécution des activités prioritaires du Plan de mise en œuvre de la politique.

La voie à suivre

À partir des travaux réalisés, deux grandes initiatives en rapport avec les activités de promotion de l’agroécologie menées au Nicaragua avec l’aide de la FAO ont été mises sur pied en 2020, l’objectif étant que des partenaires de coopération stratégiques participent à leur mise en œuvre.

La première, l’Initiative en faveur d’un Nicaragua sain, durable et solidaire, est une action de communication, de mobilisation et de dialogue menée auprès des consommateurs, des citoyens, des producteurs, des gouvernements, des organisations et du secteur privé afin de promouvoir une alimentation plus saine et plus durable en faisant progresser la consommation et la disponibilité des aliments, des préparations et des produits qui présentent ces caractéristiques. Elle a pour finalité de développer l’offre de ce type d’aliments en privilégiant les produits issus des agricultures agroécologique, biologique, familiale et traditionnelle.

Il s’agit d’une intervention multidimensionnelle qui contribue à deux objectifs de la politique: 1) promouvoir la consommation des produits sains, nutritifs et sans danger pour la santé qui contribuent à l’instauration d’environnements et de modes de vie sains, et augmenter l’accès à ceux-ci; 2) développer les marchés internes et externes des produits agroécologiques différenciés et les chaînes de valeur agroalimentaires durables afin d’augmenter le niveau de vie des familles nicaraguayennes.

La deuxième initiative inaugurée en 2020 est la validation d’un outil développé par la FAO: le Cadre analytique mondial d’évaluation multidimensionnelle de l’agroécologie (TAPE). Elle sera menée avec le soutien d’organisations telles que MAONIC, l’UNAG, SWISSAID et, du côté du Gouvernement, l’Institut nicaraguayen de technologie agricole (INTA). Le Nicaragua devient ainsi le premier pays d’Amérique latine et des Caraïbes à valider cet outil majeur.

L’objectif, dans les années à venir, est de faire participer des partenaires de coopération nationaux et internationaux à ces initiatives afin d’accroître les financements destinés aux programmes et projets fondés sur le développement de l’agroécologie en tant que stratégie à fort impact au Nicaragua. 

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